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Ajaccio, première ville française libérée !

Cette année, je suis un peu plus agacé que les autres années, en ce 6 juin. Car, encore plus que les années précédentes, pour ce soixante-dixième anniversaire, nos grands médias, voire même nos hommes politiques, nous assènent que Sainte Mère-Eglise fut « le premier village de France libéré » et que Bayeux fut la « première ville  de France libérée ».

Comme chaque année, je ne cesse de répéter et d’écrire que ces localités normandes ne furent pas les premières libérées. Dès 1943, plusieurs villes et de nombreux villages français le furent. La première ville de France métropolitaine à l’être fut Ajaccio, préfecture du département de la Corse, libérée dès le 8 septembre, 9 mois avant Bayeux, modeste sous-préfecture du Calvados. Non seulement Ajaccio retrouva sa liberté, ce jour-là, mais elle le dut aux résistants corses du Comité de Libération. C’est ce qui permit aux 109 hommes du 1er Bataillon de Choc de débarquer au port, dans la nuit du 12 au 13. Ces soldats arrivaient d’Alger à bord du sous-marin Casabianca, envoyés par le Général Giraud. D’autres arrivèrent les jours suivants, principalement des Tirailleurs et des Goumiers marocains. Dès le 9 septembre, le village de Levie se souleva contre les soldats de la division SS Reichsführer, avec le soutien de soldats italiens. Les patriotes de ce village résistèrent aux Allemands pendant dix jours, jusqu’à l’arrivée des Forces Françaises Libres. Plus de 200 soldats allemands périrent dans ces combats de Levie, 400 furent blessés et 20 autres furent faits prisonniers. Le 14, 6600 hommes de la 4è division marocaine de montagne débarquèrent à Ajaccio afin de lancer, avec le soutien aérien allié, l’offensive contre les troupes allemandes. Le 22, Sartène, une sous-préfecture, était libérée. Le lendemain, c’était le tour de Porto Vecchio, grâce aux FFL, aux résistants et aux soldats italiens. De très durs combats eurent lieu aux cols de San Stefano (le 30 septembre) et de Teghime (le 3 octobre). Ces deux cols étaient les derniers verrous allemands avant Bastia. Dans la nuit du 3 au 4 octobre, les Allemands évacuèrent la ville, s’embarquant pour l’île d’Elbe et le nord de la péninsule italienne. Dès l’aube, les premiers éléments du 6è Tabor et du 73è Goumier entraient à Bastia, qui avait été durement frappée par les bombardements alliés. La Corse devenait ainsi le premier département libéré de France métropolitaine. Le 8 octobre, le général de Gaulle arriva à Ajaccio, où il put dire : « La Corse a la fortune et l’honneur d’être le premier morceau libéré de la France ».

Pourquoi cet épisode de la Seconde Guerre Mondiale est-il occulté ? Pourquoi n’est-il pas mentionné dans les cours d’histoire ? Cette libération de la Corse est pourtant importante à plus d’un titre. D’abord, en devenant une base-arrière et un porte-avion des forces alliées dans le nord de la Méditerranée occidentale, la Corse permit le lancement d’autres opérations : le débarquement de l’île d’Elbe, le 17 juin 1944 et celui de Provence, le 15 août suivant. Ensuite, contrairement au débarquement de Normandie et à la libération des villes normandes, cette libération de la Corse fut l’œuvre des Français eux-mêmes : résistance corse et Forces Françaises Libres. Il convient aussi de souligner le sacrifice des courageux Tabors et Goumiers marocains, dont beaucoup reposent en terre corse. Il faut aussi saluer le rôle des militaires italiens qui, dès la signature de l’armistice du 8 septembre 1943, entre l’Italie et les Alliés, changèrent de camp et attaquèrent les troupes allemandes tout en épaulant les patriotes corses.

Comme chaque année, en ce 6 juin, de nombreux Corses seront choqués d’entendre télévisions et radios rappeler que Sainte Maire-Eglise fut le premier village français libéré et que, dès le lendemain, Bayeux fut la première ville de France à être débarrassée de l’occupation nazie. Quant à moi, comme chaque année, je tente de contribuer à rétablir la vérité. Cette année, ce sera au moyen d’un article dans « Vexilla Galliae » ! 

Hervé Cheuzeville

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