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La crasse de l’orgueil en deux couches

L’homme pécheur n’en finit jamais de se dépatouiller de la crasse épaisse de l’orgueil qui l’attache au monde et le détache de Dieu.

Il est toujours impressionnant de constater à quel point les « gens » s’épuisent et se sacrifient à la tâche pour des choses plus ou moins vaines, souvent très vaines, et souvent encore pas forcément « nobles ».

Par exemple en (grande) entreprise, la propension des personnes sortant de grandes écoles (mais pas seulement) à se faire esclave d’une structure sans visage et pour des métiers souvent sans contribution directe à quelque bien commun, ou même bien particulier, est toujours déroutante : se rendre disponible à tout moment – tendance accentuée à l’extrême avec la « digitalisation » et les technologies modernes -, être « pro-actif », savoir jouer de mondanité à tout moment, faire passer tout (la famille et les amis) après le travail…

On se dit souvent que si les chrétiens étaient aussi dévoués pour travailler à la gloire de Dieu, les grâces divines passeraient bien mieux dans ce monde du fait d’instrument si zélé…

Pourquoi ces différences ? C’est une question d’amour, dans un cas mondain, l’amour du monde et de soi-même, soit l’orgueil, donne l’énergie d’accepter sans problème de se faire esclave.

L’amour de Dieu et de la Croix, dans l’autre cas, fait des saints, soutenus par la grâce divine qui leur donne la force de surmonter des épreuves insurmontables sinon.

Le moteur de l’orgueil est puissant dans toutes les activités humaines, et il suffit de constater la réalité autour de nous pour vérifier à quel point il est développé.

Cet orgueil mondain extrême pourtant fait souffrir, du fait de son désordre intrinsèque : d’où les mal-êtres en masse, les « burn-outs », les dépressions et les mélancolies. Le péché nous ramène toujours violemment à la réalité de notre misère.

Beaucoup savent ainsi que « quelque chose cloche », sans vouloir pourtant y penser, ni encore se tourner vers Dieu – car ils s’aiment plus, et leur confort, qu’autre chose, même si la conversion les sauverait de tout ce désordre.

Cette orgueil est un peu comme une couche de crasse épaisse et dure collée à la peau qui empêche au corps de respirer et de recevoir la lumière du soleil. Cette couche qui colle à la peau depuis toujours, et qui s’accumule peu à peu, suffisamment lentement pour que l’on ne s’en rende pas compte, nous alourdit et nous encombre dans nos mouvements – sans qu’on le sache puisque nous ne connaissons plus l’état de la liberté sans la croûte -, et parfois elle fait riper avec beaucoup de douleurs aux autres carapaces d’orgueil des gens autour de nous, ou nous fait nous percuter de nombreux obstacles, en nous faisant mal et en nous entravant.

La première mortification consiste ainsi à mépriser ce monde vain. Il s’agit de se rendre compte à quel point le mondain est vil et inutile. Combien tout sur cette terre n’est rien comparée à la gloire de Dieu, à sa charité et à sa justice.

C’est un peu comme casser à coup de haches cette croûte crasseuse d’orgueil. Et tout d’un coup vous voyez la lumière : comme cette croûte est bien dure et bien épaisse, il faut un gros effort pour la supprimer, mais une fois qu’elle se fissure, elle part presque d’un coup, d’un seul tenant – ceux qui ont moins de chance la voient s’effriter et ils doivent gratter pour tout enlever.

Cette conversion opérée, vous vous sentez libre comme l’air, vous auriez même tendance à vous croire débarrasser de cette croûte d’orgueil.

Vous buvez la lumière du soleil, et vous agissez librement comme un oiseau qui vient de prendre sans envol : souvent les convertis ont une activité débordante.

Et cela continue, mais un jour vous vous rendez compte, en regardant votre près de plus près, qu’elle est graisseuse, d’une graisse certes transparente, ou claire, mais graisseuse, comme si du gras de canard enduisant tout votre corps. Cette graisse vous étouffe en fait, et vous empêche de partager la croix du seigneur, elle vous fait glisser sur tout ce qui passe, et vous déséquilibre : vos actes de charité peuvent être excessifs, le zèle aussi, et vous ne vous en rendez même pas compte ! Un peu comme si au ski, grisé par la bonne neige et la vitesse, vous étiez toujours à la limite de la rupture, à chaque virage vous manquez de tomber, et vous ne vous en rendez presque pas compte, voire même vous appréciez cette petite montée d’adrénaline – mais vous risquez de mourir à chaque moment… Seul un miracle vous sauve à chaque fois.

Le jour où vous vous rendez compte de cette poisse sur vous, vous cherchez à l’enlever, mais là il faut de grosses mortifications, car la graisse glisse, l’eau ne l’enlève pas, il va falloir que le soleil ardent de la charité divine vous la sèche, la fasse prendre à votre peau, pour que vous puissiez l’arracher, avec poils et douleurs qui vont avec. La voie douloureuse commence en plein.

C’est un peu le moment où vous vous rendez compte aussi que vous devez approfondir le mépris du monde. Le premier mouvement était un rejet, nécessaire certainement pour se décrasser, mais ensuite il va falloir au contraire porter encore les oripeaux du monde, qui vous dégoûtent, mais pour la gloire de Dieu.

Ce que l’orgueilleux faisait sans effort du fait de son orgueil – ce que vous faisiez sans effort il y a peu encore – devient un calvaire, car vous savez que cela ne sert à rien.

Et un jour vous vous rendez compte, avec la grâce de Dieu, que vous ne l’aimiez pas assez et que vous ne lui faisiez pas assez confiance, qu’il faut souffrir et offrir.

Cette voie douloureuse bien avancée va finalement faire que vous ferez des activités comme avant votre conversion ou juste après votre conversion (en apparence), mais sans attachement à ce que vous faites et que pour la gloire de Dieu, en apprenant à aimer vos misères et les misères du monde – car tout est misère comparé à la perfection divine.

Sachons servir notre roi non par attachement mondain, mais par charité chrétienne et fidélité royale, quelque soit ce que Dieu nous réserve.

Aimons le roi car il est lieutenant de Dieu, et très chrétien, non pour des raisons mondaines comme les honneurs, vouloir faire l’intéressant ou n’importe quoi d’autre.

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul-Raymond du Lac

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