Communication des princes

Entretien intégral du prince Louis de Bourbon par Stéphane Bern (Le Figaro du 24 avril 2014)

Louis de Bourbon : « Le message de Saint-Louis est bien actuel »

Il y a 800 ans, naissait Louis IX. Né le même jour que lui, un 25 avril, son descendant nous parle de l’héritage laissé par celui qui est entré dans l’histoire sous le nom de Saint Louis.

La France va célébrer, ce vendredi, le 800ème anniversaire de la naissance de Louis IX, Saint Louis pour l’histoire. Un timbre commémoratif, une exposition à Poissy, où il est né le 25 avril 1214, des concerts à la Sainte-Chapelle de Paris vont accompagner cet évènement. Tandis que le prince Jean de France, duc de Vendôme, rendra un hommage à la chapelle Saint-Louis de Dreux, nécropole de la famille d’Orléans, le prince Louis de Bourbon, duc d’Anjou, participera aux cérémonies organisées à Aigues-Mortes, d’où le roi partit pour les Croisades. A cette occasion, l’aîné des Capétiens s’est confié en exclusivité au Figaro.

LE FIGARO. – Que représente pour vous cette date du 25 avril ?

LOUIS DE BOURBON.Une date importante ! Celle de mon anniversaire, mais surtout celle de la naissance et du baptême de Saint Louis, dont nous fêtons, en 2014 le 800ème anniversaire. En effet, nous sommes nés tous les deux le 25 avril, de sorte que 760 ans, jour pour jour, nous séparent. J’ai souhaité cette année solenniser spécialement cette date. C’est mon saint protecteur, comme il est aussi celui de la France et, plus largement, de tous ceux qui sont préoccupés par le bien commun. Cette date est donc à la fois émouvante et importante.

Pourquoi avoir souhaité marquer l’anniversaire de Saint Louis, ici, à Aigues-Mortes ?

Beaucoup de villes commémorent cette année la naissance de Saint Louis. En mars, je suis allé à Poissy, qui était associée à un très beau triduum de vénération de la sainte couronne d’épines, organisé par les diocèses de Versailles et de Paris. Pour le 25 avril, j’ai souhaité un geste fort, et il m’a semblé qu’être, en ce jour, à Aigues-Mortes était symbolique. Aigues-Mortes est une ville importante de l’histoire de France, dont l’image est totalement attachée au souvenir de Saint Louis, qui l’a fait bâtir en 1240 pour donner au royaume une porte sur la Méditerranée. Par la suite, il lui a octroyé une des premières chartes communales ouvrant la voie à une profonde réforme des institutions. Cela a permis d’affranchir les villes du pouvoir des féodaux. Le roi y est venu plusieurs fois, et la ville est toujours fidèle au souvenir de Saint Louis, qu’elle fête chaque 25 août. Que le chef de la maison capétienne y vienne est une occasion de rendre hommage à cette fidélité. C’est d’ailleurs ici qu’en 1992, j’ai effectué un de mes premiers déplacements de chef de maison, successeur des rois de France, en venant y déposer solennellement des reliques du saint roi. En 2014, je tenais à y revenir aussi, car j’ai le souci de ne pas associer les commémorations du 800ème anniversaire de Saint Louis aux seules grandes villes, mais à l’ensemble des cités – quelle que soit leur taille – où les rois ont laissé une trace. Les rois, en particulier Louis IX, ont toujours été de grands voyageurs, laissant le souvenir de leur passage de ville en ville.

Né le même jour que Saint Louis et portant son prénom, quels liens filiaux et sentimentaux entretenez-vous avec cette figure historique ?

Au-delà du prénom qui nous relie et qui est celui de la majorité des rois de France depuis Clovis, dont Louis n’est qu’une déformation, il y a cette similitude dans nos dates de naissance. Je ne peux qu’y voir un encouragement à regarder le souvenir de mon aïeul comme un modèle. Le roi Louis IX fut à la fois un grand souverain sachant réformer son Etat et imposer la paix, un  mari et un père de famille exemplaire et ce fut aussi un grand saint. Cette triple qualité n’est pas très courante. Bel et lourd héritage, car comment pourrait-on l’égaler ? Saint Louis est un modèle et je partage avec lui quelques liens intimes. D’abord, nos épouses portent le même prénom, Marguerite. Ensuite, le roi Louis à sa naissance n’était pas le successeur, puisqu’il avait un frère aîné, Philippe, mort alors qu’il avait à peine une dizaine d’année. Avec la mort de mon frère aîné, François, j’ai vécu le même deuil. Enfin, Saint Louis est devenu roi à 12 ans, et j’en avais à peine plus grand quand je suis devenu chef de famille.

Que retenez-vous de Saint Louis après huit siècles d’histoire ?

Les trois qualités que je viens de signaler : un bon mari et un excellent père de famille ; un souverain reconnu par tous ses contemporains ; et un saint. Il me semble que ces trois vertus sont toujours actuelles dans notre monde en pleine mutation où la jeunesse est inquiète. La société contemporaine manque de repères et se replie sur elle-même. J’ai été frappé de voir, ces dernières années, que l’abstention domine dans les élections, même au niveau le plus local. Comment peut-on s’abstenir de la vie sociale ? Voilà quelque chose que Louis IX n’aurait pas compris ! Nos contemporains ne croient malheureusement plus dans leurs institutions et préfèrent l’individualisme à l’ouverture aux autres. Ils manquent de confiance en l’avenir. Pourtant, la petite lueur de l’espérance n’est pas éteinte.

Saint Louis peut-il servir d’exemple pour ranimer cette espérance ?

Pourquoi pas ? Le roi est souvent présenté comme celui qui rend la justice sous le chêne de Vincennes. Belle image. Cette aspiration n’est-elle pas toujours celle de notre temps ? Les gouvernements doivent être les garants de la justice et de l’intérêt général. Ce message est bien actuel. Saint Louis demeure l’un des fondateurs de la France et de ses institutions. Il faut s’en souvenir au moment où, comme au XIIIème siècle, un cycle historique s’achève, pour ouvrir de nouvelles pages de notre histoire commune. Mais ces pages ne peuvent s’écrire qu’en respectant les valeurs qui ont toujours fait la grandeur de la France. Le respect du beau, du vrai et du bien et, comme le rappelle notamment le pape François, il faut remettre l’homme au centre de l’action politique.

Quel sens voulez-vous donner à votre 40ème anniversaire ?

Le 40ème anniversaire est toujours un tournant important. Milieu de la vie, c’est l’époque où tout homme se pose le problème de sa destinée et du sens de son existence. Cet anniversaire correspond au moment où l’on peut véritablement s’affirmer. Deviens ce que tu es ! A notre époque, la génération des quadras aspire à prendre toutes ses responsabilités.

Quel rôle peut encore jouer la monarchie en France ? N’est-elle pas une nostalgie regardée avec sympathie, mais sans avenir, par les Français ?

Avec ma position d’héritier de l’une des plus vieilles dynasties d’Europe, j’ai du mal à parler de la royauté en termes nostalgiques. Pour moi, elle est beaucoup plus concrète. En observant les huit siècles de monarchie ininterrompue, j’ai plutôt envie de parler d’une continuité. Ce régime a fait ses preuves et il y a deux manières de le regarder. Ceux qui parlent de nostalgie se retournent vers le passé et essayent d’y voir un âge d’or qui serait meilleur que le présent. Ce n’est pas ma manière de voir. Ceux qui ont fait la royauté française, c’est-à-dire les rois et les Français, eux, n’étaient pas des nostalgiques. Ils ont toujours cherché à aller de l’avant. A faire progresser leur pays. A l’agrandir, à lui donner la première place en Europe, à faire triompher ses lettres et ses industries, ses arts et sa langue. La royauté « à la française », comme Saint Louis nous le rappelle, est avant tout un esprit, une volonté d’agir, guidée par la foi, qui donne les principes, et la raison, qui permet de rester dans le réel. Cet esprit est celui de l’unité contre la division, de la vérité contre le scepticisme qui mine nos sociétés, d’un sens de l’aventure commune contre les individualismes, d’un monde qui respecte l’homme de sa conception à sa mort plus que l’argent, d’une société qui protège la famille.

Quelle place entendez-vous occuper aujourd’hui ?

A la suite de mes aïeux, je suis là pour continuer à donner cette envie, de faire mieux demain qu’aujourd’hui. Rappeler que l’espoir peut animer notre société, que les jeunes y ont toute leur place et que l’on compte sur leurs idées et leur énergie, qu’ils doivent avoir confiance dans l’avenir. Certes, cela n’est peut-être pas facile, mais est-ce que cela le fut à Bouvines que l’on commémore aussi en 2014, ou après la guerre de Cent Ans ou celles de religions, quand il a fallu reconstruire un royaume ruiné ? Personnellement, parce que j’ai 40 ans, parce que j’ai une famille et trois enfants, bien plus que d’une quelconque nostalgie, j’ai envie d’un lendemain et d’un avenir.

Source : Le Figaro du 24 avril 2014 – propos recueillis par Stéphane Bern – stephane.bern@wanadoo.fr

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