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[Cinéma] Soeur Cabrini

Les voyages en avion ont parfois cet avantage de faire céder à la faiblesse de regarder un film, et ici un bon film.

L’altitude des avions habitue plutôt à la mise à disposition de mauvais films hollywoodiens avec beaucoup d’effets spéciaux, beaucoup de « héros », beaucoup d’impuretés et d’horreurs.

Quelle surprise de trouver chez Qatar Airways ce film biographique chrétien sur la vie d’une sainte canonisée par le pape Pie XII en 1946.

Ce film est d’autant plus intéressant qu’il est de production protestante, par une maison de production fondée par des mormons (Angel Studios), par le réalisateur de « Sound of Freedom » : nous ne sentons aucune volonté « anticatholique » dans le film a priori. Le studio est financé par les spectateurs et le financement participatif. Cela devrait nous donner des idées en France : le film a aussi été diffusé par Saje Distribution en France. Il se crée de par le monde un réseau de studios chrétiens, pour le coup « œcuménique » qui est intéressant.

En tout cas, aucune impureté dans le film, ce que veut garantir le studio, c’est déjà cela, et pour une fois le « puritanisme » protestant a du bon, quand on sait combien l’image animée est choquante pour les enfants.

Évidemment, le bémol du film consiste certainement dans une vision assez « naturaliste », avec une petite touche proto-féministe, de la vie de Sœur Cabrini, qui est dépeinte avant tout sous son aspect volontariste, avec cette rengaine que le film met au premier plan du « ce n’est pas votre place » : comme si une sainte fonctionnerait à cet amour propre-là et agirait sans être certaine que ce soit la volonté de Dieu.

Évidemment encore, l’œuvre de Sœur Cabrini, véritablement sainte, est surtout présentée sous son angle « philanthropique » et « humanitaire » sans rappeler la visée surnaturelle de toutes ces œuvres, ordonnées toujours au salut des âmes. On ne peut pas reprocher l’oubli de ce rappel par un protestant, puisqu’il n’est plus rappelé par les plus hautes autorités de l’Église depuis des décennies, et manifeste certainement un des points difficilement compréhensible aujourd’hui pour le moderne : ces saints étaient motivés avant tout par l’amour de Dieu, qui aboutit forcément à l’amour de soi-même et du prochain (car ces deux lois sont une comme dit Notre Seigneur) et se concrétisent par des œuvres de miséricordes, mais pour l’amour de Dieu, et que les âmes se tournent vers notre Seigneur et se sanctifient.

L’autre petit point qu’il serait intéressant d’éclaircir est le recours de Sœur Cabrini, pour financer son orphelinat, non seulement à des Catholiques d’origine irlandaise ou autres figures d’origine italienne, mais aussi à un Juif, qui furent tous plus ou moins victimes de la haine raciale anglo-saxonne contre l’étranger et le différent. L’anecdote doit être véridique, et tous les moyens offerts par le monde en tant que non peccamineux, doivent être utilisés pour la gloire de Dieu, mais on voit mal Sœur Cabrini obtenir des financements sur un pur motif naturaliste (sinon son action comme sainte pourrait être mise en cause) comme cela est présenté dans le film, et on voit mal comment un Juif américain pourrait accepter si facilement de financer une œuvre catholique (quoique cela soit possible, ce serait-il converti plus tard ?)

Le film reste néanmoins vraiment excellent, car il dépeint finalement de façon étonnante – sachant d’où vient le réalisateur – l’obéissance de Sœur Cabrini, qui en cela n’est jamais féministe, et qui sait aller voir le Pape et le convaincre non pas de façon humaine, mais en manifestant bien le dessein de la Providence. Et comment le Pape, bon arbitre, bon vicaire, sait contredire la décision d’un évêque pour soutenir la mission de Sœur Cabrini. Elle montre encore comment le fameux adage, « user des biens de ce monde sans en jouir » d’un Saint François de Sales, repris lui-même de chez saint Augustin, qui paraphrase un enseignement de Jésus (quand il dit que même le mauvais argent peut être bien utilisé, Luc, 16, 9-13). Sœur Cabrini sait user du monde sans en jouir et sans s’y attacher : en particulier dans son usage de la presse pour désactiver les manœuvres politiques faites contre elles, en utilisant avec brio les contradictions de la démocratie, pour faire pression sur des élus à la manœuvre sur leur réélection.

Ce sont des enseignements pour agir dans ce monde inversé et pervers puisque libéral et démocratique, pour faire quand même du bien.

Parlons un peu de cette mission : Sœur Cabrini et quelques sœurs vont aller évangéliser, ou plutôt réévangéliser les bidonvilles new-yorkais des immigrés italiens, complètement déshérités, avec un clergé local blasé devant l’ampleur de la tâche, dans une dureté de vie terrible. Les Sœurs vont en particulier fonder un orphelinat, puis plusieurs, et sauver de nombreux enfants de ce qui n’est qu’une nouvelle forme d’esclavage et de paganisme contemporain (prostitution, larcins ou sous-emploi par des patrons véreux qui font la loi).

De mon point de vue d’historien de droit et d’anthropologue, le film décrit bien ce qui se passe dans cette société américaine de la fin du XIXe siècle, WASP, protestante, et ainsi repaganisée : les Italiens sont tout bonnement des sous-hommes, des impurs, exclus de la société, et inexistants, corvéables à merci. Les Américains, citoyens et donc vrais hommes (on est dans le pur républicanisme à la française, foncièrement raciste et recréant des castes, sans que cela ne doive étonner, puisque c’est simplement une re-paganisation d’institutions chrétiennes qui n’est choquante que par le contraste avec des institutions et des sociétés encore très chrétiennes).

Le film permet aussi de souligner que ce racisme anglo-saxon ne prend pas simplement pour destinataire des Noirs, des Indiens, des Japonais, mais aussi des Italiens, et avant les Irlandais, avec la source anglaise excessivement durs envers les Irlandais et les différents peuples colonisés (qui ont passé par une certaine extermination, ou par une « sainte indifférence » tant que les Anglais se faisaient bien servir, sans aucun souci d’un point de vue étatique pour le salut des âmes et la christianisation des institutions).

Peu importe la couleur de peau et autres caractéristiques physiques : sans le véritable Christ et son Église catholique, la société même dite « chrétienne » (en fait protestante) se paganise, et va recréer des castes, des impurs, des esclaves, que l’on tentera d’effacer de la société visible, et souvent des étrangers, puisque l’étranger reste d’un statut toujours limitrophe de l’esclave et du sous-homme toléré.

Évidemment, ces abus païens se télescopent avec la morale évangélique, dont certains restes vivent encore même dans ces sociétés modernes révolutionnaires et protestantisés.

Et il est intéressant que comme toujours ce sont les saints catholiques, la vraie doctrine et la vraie Église qui sont le moteur effectif de la dénonciation calme et silencieuse des abus, et de la véritable action qui fait du bien aux corps et aux âmes !

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul-Raymond du Lac

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