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[Cinéma] Le fugitif (1993)

Disons-le tout de suite, ce film ne peut être recommandé pour des enfants, et comporte quelques impuretés malheureusement, quoique moindre que la pire époque des années 1970 et 1980.

Le film est néanmoins étonnamment intéressant. Certes, il est connu par ses acteurs Harrison Ford et Tommy Lee Jones, et, comme tout bon film d’action, on ne s’ennuie pas une seconde.

Il va pourtant vraiment bien plus loin que le simple film un peu bateau d’Hollywood en proposant des critiques tout à fait inattendues (du moins pour moi qui ait visionné ce film un peu par hasard dans un avion, présenté comme un « classique » apprécié de la cinématographie) de certains traits qui restent tout à fait d’actualité.

Mais avant de rentrer dans les détails rappelons rapidement l’histoire : un chirurgien renommé se fait accuser de l’assassinat de sa femme. Il se fait condamner à mort, et « providentiellement » il s’échappe avant l’exécution. Le film raconte ensuite la course poursuite entre ce chirurgien qui va démontrer son innocence et le flic, le « Marshal » qui finalement va le protéger contre tous à la fin du film, qui finit bien pour lui, et mal pour d’autres, justice étant faite.

Ce qui est intéressant, c’est que l’on découvre que le nœud de l’affaire relève d’une immense machination des industries pharmaceutiques pour faire mettre en vente un médicament à gros potentiel de profits (mais dangereux pour la santé) : le chirurgien héros dont la femme est assassinée (en fait c’est lui qui était visé indirectement) avait trouvé sans y faire attention que le médicament était dangereux, et il va découvrir lors de son enquête vengeresse que les tests cliniques permettant la commercialisation du médicament ont été trafiqués…

Pas besoin d’aller plus loin pour comprendre l’actualité de ce film : chacun sera capable de transposer à des événements plus récents et plus massifs… Tout cela était déjà dans l’air du temps dans les années 1980-1990…

Quelque chose a changé néanmoins en l’espace de trente ans : ce qui est intéressant c’est qu’un film de grande distribution pouvait encore aborder ce genre de soucis, même sous une forme romancée ; aujourd’hui quel réalisateur oserait faire un film même fictif parlant de complots pharmaceutiques et de médecins véreux ? Depuis Molière qui dépeint les mauvais médecins, les gourous et les charlatans, nous avions une tradition en la matière dans la fiction : où est-elle en 2025 ? Qui sait, un lecteur avisé et puissant pourrait relever le défi…

Un autre aspect tout à fait intéressant du film concerne la critique voilée de la police américaine, et des questions de justice.

Je ne suis pas du tout expert du système policier américain, mais le film critique clairement vertement (mais non pas frontalement) la police de Chicago qui se dépêche de condamner à mort un chirurgien célèbre après une enquête bâclée, et quoique des éléments visiblement accablant, aucun enquêteur ne s’est dit « il est innocent, essayons de réfléchir en le présumant innocent » ; il y a comme une critique aussi du retour du si païen « présumé coupable » : la justice aussi ne se pose pas trop de question et le condamne à mort, et cela satisfait tout le monde ; le crime a un criminel qui se fera exécuter.

L’autre point intéressant, plus de circonstance, est l’action des « Marshals », une sorte de police fédérale de ce que je comprends, qui peut outrepasser les juridictions locales, et donc peut aussi ré-enquêter. C’est le policier qui va poursuivre le fugitif. Ce qui est intéressant, c’est que le film reste tout de même très critique face aux Marshals, sortes de chiens de l’État fédéral, qui n’ont rien à faire de la justice, mais veulent simplement que le résultat d’un procès soit appliqué : donc attraper le fugitif et l’envoyé au billot… Le second héros, le Marshal, l’illustre avec sa fameuse phrase qu’il lance au fugitif : « J’en ai rien à cirer » quand celui-ci lui crie « Je n’ai pas tué ma femme ».

Et donc, le chirurgien va finalement faire l’enquête, tout en fuyant, à la place du policier, qui, en le coursant, va récupérer toutes les preuves de son innocence, et surtout de l’énorme affaire de scandale pharmaceutique qui se cache derrière. Et cet individu voit sa conscience le travailler, au point que finalement il va tout faire pour protéger le fugitif de ceux qui veulent sa mort (la police locale pour sauver la face et éviter le scandale de sa mauvaise enquête, le médecin véreux et le réseau qui veulent éviter le scandale aussi).

Et tout cela dans une sorte de désabusement final, bien « moderne », bien « païen », quelque peu pessimiste, sur le fait que la justice ne fonctionnera pas mieux, puisqu’une des dernières scènes, entre l’ex-fugitif et le flic revient sur le « Je n’en ai rien à cirer ».

« Vous n’en aviez pas rien à cirer ? », dit le fugitif. Le flic répond : « Cela reste entre nous », sous entendant qu’il restera un simple bras de l’État fédéral sans conscience, sauf quand celle-ci crie trop fort…

Nous sommes dans le parangon de la justice post-révolutionnaire moderne qui inverse, dans le positivisme juridique et la déchristianisation des institutions judiciaires, ainsi que la disparition du roi justicier, la réalité de la justice chrétienne pré-révolutionnaire.

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul-Raymond du Lac

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