Civilisation

Les étranges « obsèques » japonaises

J’ai tantôt assisté à une sorte de commémoration pour un défunt qui a passé l’arme à gauche il y a quelques mois, à l’âge de 83 ans, décédé des suites d’une mauvaise chute à l’hôpital, où il était entré pour quelque chose de bénin… C’est un âge où l’on ne s’attend pas à vivre longtemps, mais comme quoi l’hôpital tue aussi…

Bref, cet homme, francophile, historien de l’art, né en 1942, était une figure assez reconnue et connue dans le milieu « activiste » des conservateurs ou « plus à droite ». Il ne s’’agit pas ici de faire l’examen de son œuvre, mais simplement de souligner certains aspects anthropologiques intéressants de la modernité ou du paganisme, visibles lors de cette commémoration.

Je dis commémoration, car il n’y avait ni corps ni office religieux à proprement parler, et c’est donc difficile de parler d’obsèques : même si cela faisait office d’obsèques pour toutes les connaissances du défunt, avec la présence de la veuve. Les obsèques religieuses furent faites en petite communauté.

La réception, car c’était une réception, se fait dans une grande salle d’un grand hôtel tokyoïte, qui garde son cachet « empire » d’avant-guerre.

À l’entrée on vérifie les sacs, ce qui n’est pas coutumier : il y avait quelques personnalités politiques, dont l’ancien ambassadeur du Japon en Ukraine qui a défrayé la chronique au Japon pour avoir adopté une position pro-russe, ce qui est plus que courageux ici.

À l’entrée en me tend un rameau de « sakaki », un genre de cléyère, pour offrir sur l’autel bien fleuri qui se trouve dans la salle de réception… Je refuse, car comme catholique il n’est pas question de prêter au scandale au « offrant » un rameau béni à la païenne sur l’autel d’un homme…

Pourquoi l’autel d’un homme ? Car prône au-dessus de l’autel une immense photo d’un défunt, et, d’un point de vue liturgique, ou « pseudo-liturgique » disons, tout indique que la divinité adorée ici est bien le défunt.

Deux immenses écrans encadrent l’autel, sur lesquels passent une vidéo d’hommage, disons de louange, au défunt.

Puis vont s’enchaîner pendant deux heures des discours de connaissances, professeurs et autres, que personne n’écoute a priori. Il y a en effet près de 200 personnes, et dès le départ les gens mangent et boivent. Ambiance étrange pour des « obsèques », mais c’est habituel en pays païen.

Le second discours ouvre officiellement la fête, en trinquant avec le mort.

Seul le discours de la veuve tout à la fin des deux heures de réception force tout de même le silence des convives (il y a quand même une pudeur universelle), qui sont plus là par obligation sociale, et pour « réseauter » qu’autre chose. Les japonais, comme certainement la plupart des païens, ont inventé le concept du « networking sur un mort » … mais tout va bien.

Que tirer de tout cela ?

Outre l’anecdote, l’épisode manifeste de façon saillante le fond de notre époque, fond erroné : nous sommes dans une époque humano-centrée et orgueilleuse.

Nos obsèques novus ordo en France aujourd’hui sont souvent dénoncées car mettant Dieu au second plan, et louant le défunt sans discernement en le mettant au centre comme s’il était sauvé. On oublie de prier pour lui, pour le salut de son âme et surtout on voile la tristesse du doute qui reste toujours sur la destination finale de toute âme, même quand elle semble pieuse et sainte.

Le Japon nous manifeste le niveau supérieur. Toute divinité transcendantale est absolument effacée : à la place le défunt est divinisé, et on sent que tous les gens présents lui présentent certes des respects bien humains, mais poursuivent le secret désir d’être eux-aussi divinisés après leur mort, dans une sorte de dernier et vain débordement d’orgueil humain et d’amour des vanités mondaines.

D’un point de vue catholique et extérieur, le spectacle de tout cela rend triste : le gouffre de la mort pourtant rendu si présent par la mort du défunt est complétement voilé par cette pseudo-divinisation et la croyance vague, qui se retrouve dans les discours, que le défunt, quoique divinisé, est certainement heureux quelque part.

Ces obsèques païennes refusent en fait la mort, tout en tentant de soigner la douleur des vivants et de satisfaire leur avidité de vanité mondaine. Quel danger pour l’âme ! Quelle tristesse !

Les sciences des religions, se fondant sur le postulat que les religions sont créées par l’esprit de l’homme pour tromper leur crainte, si fausses quand elles sont appliquées à la religion, sont d’une façon déconcertante plus que vraies pour les religions païennes et modernes.

Tout cela fut instructif.

Pour ma part, j’ai rempli mon devoir d’hommage à quelqu’un qui m’a fait du bien, et surtout je n’ai pas cédé à la mondanité. J’ai fait dire une messe pour son âme (sait-on jamais, que ce soit pour la conversion de ses proches, ou la sienne même, puisque, quoi qu’un païen bien borné, au seuil de la mort, les grâces rétroactives ont pu peut-être lui donner la possibilité de se convertir) et j’en ai informé sa veuve… qui aimait ma famille relativement nombreuse, car son mari, un ami malgré tout, était venu à la maison, et nous étions allés visiter ensemble le Japon avec un professeur français invité.

La vie sans Jésus est d’une tristesse tragique.

Vivement la restauration de tout dans le Christ,

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul de Beaulias

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