Chretienté/christianophobieCivilisation

L’importance d’être chez soi

Disons tout de suite que d’un point de vue des fins dernières, pèlerins que nous sommes sur cette terre en route vers le Ciel – ou l’enfer pour ceux qui refusent de marcher vers la fin qui nous est assignée, c’est-à-dire Dieu, en prenant notre croix et en suivant Jésus-Christ qui nous montre le chemin -, nous ne sommes jamais vraiment chez nous sur cette terre, et nous sommes en définitive toujours étrangers en ce monde.

Le bon Dieu a du moins créé la Nature comme analogie à notre fin universelle et nous pouvons retrouver en reflet ce pour quoi notre nature a été créée : la félicité éternelle, la vision béatifique, la paix et la tranquillité et la stabilité. Tout cela, sur cette terre, n’est que fugace et évanescent, toujours fragile et jamais pérenne. Du moins notre nature politique nous appelle à une certaine et tranquillité. Et celle-ci passe aussi par le besoin de vivre chez soi, d’être maître d’une partie de la Création, aussi petite soit-elle, aussi humble soit-elle – et parfois ce sera simplement sur certains instruments, ou, pour un captif, un esclave ou quelqu’un qui perd sa liberté pour une raison ou une autre, sa capacité de réfléchir et de s’attacher à la vertu.

Ainsi dit la sagesse biblique, qui résonne si puissamment aujourd’hui, en ne faisant que répéter un bon sens universel quoique tout aussi universellement nié par la modernité :

« La première chose pour vivre, c’est l’eau et le pain, le vêtement et la maison pour couvrir la nudité. 22 Mieux vaut la vie du pauvre sous un toit de planches, que des mets somptueux dans une maison étrangère. 23 Que tu aies peu ou beaucoup, sois content, [et tu ne t’entendras pas reprocher d’être un étranger.] 24 C’est une triste vie que d’aller de maison en maison ; là où l’on est reçu comme étranger, on n’ose pas ouvrir la bouche. 25 Tu donneras à ton hôte à manger et à boire sans qu’on t’en sache gré, et tu entendras encore par-dessus des paroles amères : 26 « Arrive, étranger, prépare la table, et, si tu as quelque chose, donne-moi à manger. 27 Va-t’en, étranger, loin de cette magnificence ; j’ai mon frère à recevoir, j’ai besoin de ma maison. » 28 Il est dur, pour quelqu’un qui a du sens, de s’entendre reprocher l’hospitalité et d’être injurié par son débiteur. » (Eccl. 29, 21-28)

Ce court passage, traduit dans le langage moderne, révèle la nécessité d’avoir un minimum vital à soi, soit la propriété privée même minime. Et surtout la sagesse révélée va bien plus loin que tous ces modernes qui se faisaient chantre de la propriété privée, de façon abusive (c’est le cas de le dire puisqu’ils considéraient la propriété comme le droit d’user et d’abuser, là où la propriété chrétienne était toujours relative et restreinte par le bien commun et la fin supérieure, subordonnée donc, et l’usage était bien distinct de la propriété, qui, en dernière instance et de façon absolue n’appartient qu’à Dieu) et ce qui a, en un certain sens, provoqué l’autre erreur massive du communisme, qui nie toute propriété privée, ce qui rend étranger tous à tous.

Notons en passant que l’étranger a toujours une vie difficile et n’est jamais comme le frère ni le libre : il suffit de vivre comme immigré pour le savoir, et quel que soit la folie moderniste de faire d’un étranger le frère universel, cela ne se passe pas comme cela dans la vraie vie. Les politiques contemporaines sur le sujet, contre-nature, sont d’autant plus dangereuses qu’elles vont contre la nature politique qui nous incombe et la charité bien ordonnée…

Comme le révèle le passage précédent, la relation à l’étranger se bornera à la justice, et pourra être dure : on donne l’hospitalité, l’étranger nous doit donc beaucoup. D’où la sagesse naturelle qui consiste à dire qu’il vaille mieux être pauvre et se contenter de ce que l’on a : ce faisant tout devient plus facile, on ne suscite ni envie ni jalousie et on évite de perdre sa liberté. La relation au frère ou à l’ami est dans la nature comme le reflet du début de la charité : là, même contre la justice, on donne gratis, on se plie en quatre sans retours, on se sacrifie.

Il faut bien savoir que sans la grâce, sans le Christ, la réalité de la société politique, dure car abîmée et déchue, se retrouve littéralement dans ce passage : seule la chrétienté qui infuse la grâce partout, sans nier la nature, en la restaurant simplement, permettra de faire de tout homme un frère, même s’il est étranger, même s’il est captif, et sans nier la justice, elle viendra l’envelopper de miséricorde et de charité, rendant tout plus doux et plus suave, sans jamais de laxisme ni de mollesse.

Dans tous les cas, soyons contents de ce que nous avons, et ayons notre petit bout en ce monde, pour conserver une certaine indépendance qui devient d’autant plus importante à mesure que nous avons charge d’âmes (dans la famille ou dans une paroisse) et que le monde est activement satanique et contre-nature.

Et si nous avons commis l’erreur de préférer les mets somptueux et de payer pour l’hospitalité, ne nous étonnons que nous soyons traités durement, comme des étrangers, et que nous soyons des vagabonds : profitons-en pour mieux nous rendre compte de notre véritable condition de pèlerin et d’étranger sur cette terre, en route vers le Ciel.

D’où l’importance d’être chez soi, mais pauvrement : car trop de tranquillité et de confort peuvent créer un endormissement funeste pour nos âmes.

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France,

Paul-Raymond du Lac

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