Chretienté/christianophobieCivilisation

Le mérite du riche

Une certaine vogue dans une branche de la théologie de gauche à tendance marxisante voulait comme réduire tout le message évangélique à la lutte des classes et faire croire que le riche était un peu comme honni de façon indéfectible, en ne voulant évidemment pas saisir le sens spirituel de la pauvreté, et en ignorant les nombreux éléments qui viennent contredire cette sorte de « haine du riche ». Pensons simplement à l’exemple infini des saints qui ont pu vivre pauvrement, mais qui étaient riches, pour tenir leur charge, ou par extraction familiale : saint Rémi, sainte Clothilde, saint Louis, sainte Hélène, saint Etienne., etc. Les grands saints se dépouillent souvent pour imiter le Christ, mais ils ne font pas semblant de croire que les richesses sont mauvaises : simplement, comme le dit l’écriture, les richesses sont en fin de compte du pouvoir, qui permet de plus facilement faire le mal – mais qui permet aussi de faire beaucoup de bien si elles sont bien utilisées. Et surtout, les plus grandes richesses ne sont pas matérielles, mais bien spirituelles : se détacher des richesses du monde permet d’acquérir des richesses célestes. Là où est notre cœur est notre trésor comme dit la bonne nouvelle. Les richesses du monde ne sont pas d’ailleurs matérielles : elles sont aussi intellectuelles par exemple, et de la même façon, pétris par la pauvreté d’esprit, soit l’humilité, elles donnent des saint Thomas, mais corrompus par l’orgueil et l’attachement mondain, elles donnent les pires idéologues et les pensées les plus erronées qui soient – et dont nous subissons aujourd’hui les conséquences, que ce soient les « philosophes » des lumières, les modernes, et toute idéologie conséquente imaginable.

La sagesse biblique expose bien qu’ainsi les richesses, quel que soit leur sens, ne sont pas un mal en soit, mais que seul leur usage compte. Et qu’il y a un ordre : seules les richesses célestes, Jésus-Christ en l’occurrence, que nous ne méritons jamais, sont enviables et doivent être l’objet de notre jouissance. Comme dit saint François de Sales, reprenant un mot de saint Augustin, usons des choses de la terre sans en jouir et jouissons des choses divines sans en user. Tout est là. Toute richesse non divine est un don de Dieu, une grâce, mais qui est ordonné à la richesse céleste, et qui donc n’est pas l’objet de la jouissance, mais de notre usage pour une fin plus grande.

Revenons à la question de la richesse, que la sagesse biblique révèle déjà dans l’Ancien Testament, d’une façon toute équilibrée.

Voyons le passage suivant, qui souligne effectivement que pour l’homme déchu les richesses sont souvent une cause de malédiction :

« Les veilles du riche consument les chairs, et les soucis lui enlèvent le sommeil. Un souci perpétuel empêche le sommeil, comme une maladie grave le bannit. Le riche travaille pour amasser des richesses, et, quand il se repose, il se rassasie de plaisirs. Le pauvre travaille, faute d’avoir de quoi vivre, et, quand il se repose, il manque de tout.

Celui qui aime l’or ne sera pas sans péché, et celui qui poursuit la corruption sera rassasié. Beaucoup ont été livrés à la ruine à cause de l’or, et leur perte était devant eux. L’or est un bois de scandale pour ceux qui lui sacrifient ; tout insensé y sera pris. » (Eccl. 31, 1-7)

Le passage est clair et en substance ne fait qu’annoncer le mot de Jésus qui énonce tout cela plus clairement : nul ne saurait avoir deux maîtres, et où est votre cœur est votre trésor. Celui qui s’attache à ses richesses sera malheureux et se condamnera. Le riche qui travaille pour amasser des richesses matérielles et rassasie de plaisirs dans son repos se condamne. Si on lit le passage au sens spirituel, le riche (celui qui a la grâce) qui travaille amasse des richesses célestes et dans son repos, la contemplation, il jouit des choses divines. La spiritualité et l’oraison chrétienne sont déjà contenus là, tout en contenant des vérités naturelles massives.

Bref, celui qui aime l’or « ne sera pas sans péché » : cela ne veut pas dire qu’avoir de l’or est un péché, mais oublier que c’est un instrument pour faire du bien sera l’origine de sa « ruine » et de leur « perte ». Celui qui fait de l’or une idole, qui prend Mammon pour maître, « y sera pris » et sera « bois de scandale ».

Et tout de suite après l’écriture parle clairement du riche heureux :

« Heureux le riche qui sera trouvé sans tache, et qui n’est pas allé après l’or ! Qui est-il, pour que nous le proclamions heureux ? Car il a fait une chose merveilleuse parmi son peuple.

Quel est celui qui a été éprouvé à ce sujet et trouvé sans reproche ? Que cette épreuve lui soit un sujet de gloire ! Qui a pu violer la loi et ne l’a pas violée, faire le mal et ne l’a pas fait ? Sa fortune sera affermie, et l’assemblée publiera ses bienfaits. » (Eccl. 31, 8-11)

Le riche peut ainsi être heureux, ce qui montre bien que la richesse n’est pas le problème, mais bien l’attachement désordonné à une richesse inférieure.

Quel est le mérite du riche ? C’est celui justement de choisir le bien et la justice, de ne pas violer la loi divine, alors qu’il peut le faire : voici sa gloire, et voici sa grandeur.

Le pauvre pèche peut-être matériellement moins que le riche, non pas car son intention est pure, mais parce qu’il n’en a pas les moyens, ce n’est pas si méritoire.

Le détachement volontaire de ses biens, que Jésus ne cesse de rappeler pour la vie apostolique et religieuse « abandonne ce tu as, prends ta croix, et suis-moi » est au contraire d’un mérite immense, car il reconnaît sa faiblesse – car au fond, sans l’aide de Dieu, qui peut vraiment ne pas céder à la tentation d’abuser de son pouvoir ? – et décide de se lier volontairement par la pauvreté pour s’empêcher tout péché.

Le religieux comme le prêtre devient comme un esclave volontaire de Dieu : il perd son nom, il perd ses biens, il perd même sa volonté propre pour le moine soumis à la stricte observance de sa règle et à l’obéissance à ses supérieurs, il perd sa liberté de vêture, il perd sa liberté de mouvement.

Un peuple chrétien mûr sera en ce sens riche, au moins par la liberté de ses peuples : l’esclavage institutionnel disparaît et chacun devient libre pour la gloire de Dieu. Le sacrifice a une plus grande valeur quand il est volontaire et non pas subi.

Un roi très chrétien, comme tout prince chrétien, a pour obligation d’être riche en tant que Roi, pour être libéral et pour accomplir les missions du Roi, qui nécessitent pouvoir afin d’exercer la justice et permettre à l’autorité d’apporter ses bienfaits, et qui nécessitent richesses pour accomplir le devoir de libéralité du Roi. Le roi très chrétien sait bien que ces richesses sont un danger constant pour lui, et saint Louis incarne bien comment on peut être plus que très chrétien et riche dans ce monde, parmi d’autres.

Alors sortons définitivement de toute pensée marxisante et communiste d’une part, comme de toute pensée « bourgeoise » d’autre part, pour revenir à la simple réalité anthropologique naturelle ordonnée par Dieu à la fin surnaturelle, et qui ne peut que se restaurer dans la grâce, soit en Jésus.

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul-Raymond du Lac

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.