Du (vrai) cléricalisme

Le cléricalisme existe, et consiste, pour faire simple, à une certaine usurpation des clercs dans des domaines qui devraient être propre à la politique ou autre, ou, à l’inverse, aux demandes inconsidérées des laïcs envers les clercs pour justement assumer des rôles ou des fonctions que ne leur sont pas propres. C’est en bref un problème d’ordre.
L’Église, par définition, a aussi une part temporelle, pour pouvoir vivre, et pour pouvoir subvenir à ses besoins : cette part est subordonnée à sa fin première qui est spirituelle, d’enseigner le dogme, de donner la grâce par les sacrements et de continuer l’œuvre de Jésus-Christ sur terre.
Il a toujours existé des clercs, sans cléricalisme, qui ont assumé des fonctions politiques, et avec brio : saint Rémi, Richelieu, Suger, etc. Ces personnages étaient d’autant plus talentueux qu’ils savaient bien déterminer à quel titre ils faisaient quoi, dans un ordre aussi paisible que leur sainteté était affermie.
Notre temps malheureusement a perdu cet ordre ancien, du fait même de la destruction de la chrétienté et de la rupture de l’ordre et de l’équilibre qui existait entre politique et spirituel. La chute des pouvoirs catholiques a entraîné un recours de plus en plus systématique par les catholiques laïcs pour régler aussi leur problème politique : cela se traduit par exemple par l’ultra-montanisme, dont les abus légers entraînent aujourd’hui ce qu’on pourrait appeler une « papolâtrie » de mauvais aloi.
Ce recours systématique a entraîné des catastrophes répétées : le sacre de Napoléon, le Ralliement, la condamnation de l’Action française, l’affaire des Christeros, pour ne citer que les plus connus. Le monde devenant hostile à tout ce qui est catholique, et, de façon patente, l’Église étant le seul frein efficace de la conservation des mœurs, des vertus mais aussi des traditions chrétiennes, les domaines complémentaires mais étrangers que sont temporels et spirituels (tout aussi étranger, au sens d’autre et par essence distinct, de nature et de surnature) ont eu tendance à se flouter et à se mélanger.
La conséquence est une certaine accoutumance des clercs à devenir la référence même en des matières où ils n’ont pas spécialement de titres à devenir référence, en dehors de leur passé laïc ou de leurs compétences particulières, mais pas en tant que clerc. Le problème vient de là : cette accoutumance crée le recours au clerc dans un domaine qu’il n’est pas propre en tant que clerc. Ce désordre, s’il n’est pas bien conscient, peut entraîner de plus grands désordres : c’est le phénomène du curé-gourou qui devient la référence pour tout, et, qui par réaction à un monde moderne niant l’autorité, deviendrait presque autoritaire ; comme s’il était normal qu’on obéisse à un clerc sur tous les plans, parce qu’il faut lui obéir en matière spirituelle, dans la direction des consciences, etc.
Et saint Rémi alors ? Saint Rémi, un grand politique autant qu’un grand clerc était grand politique car il était surtout issu d’une grande famille aristocrate, qu’il était seigneur temporel avant de devenir évêque, et par culture familiale il savait diriger ! Il possédait de très nombreuses terres et esclaves et il savait gérer tout cela : son testament en témoigne, quand il libère pas mal d’esclaves – mais pas tous, car pour certains la liberté aurait signifié pauvreté et abandon.
Ce genre de cas exceptionnels, suscités par le Seigneur, est justement exceptionnel et ne vient pas de sa cléricature.
Les paroisses traditionnelles d’aujourd’hui, trop souvent et de façon compréhensible, sont victimes d’une perte de la politique traditionnelle : en manque de seigneurs temporels, de chefs bons, de rois, tout le monde a tendance à tout demander aux prêtres, qui s’habituent à cet état de fait alors qu’ils n’ont pas le sens politique – et ils sont souvent aussi atteint dans leur pratique politique que tous les autres contemporains !
Nous avons plus que jamais besoin de restaurer une politique traditionnelle, de restaurer le Roi, et de retrouver des seigneurs temporels puissants, des nobles et aristocrates dédiés au bien commun, complémentaires des clercs, mais non pas soumis, et qui savent les remettre à leur place quand il s’agit de matières politiques et temporelles dans lesquelles ils ne sont trop souvent pas compétents.
Évidemment, en tant que laïc, je ne peux que dénoncer cet abus de recourir à tort et à travers aux clercs, quand pourtant c’est la responsabilité du temporel : c’est une fuite de responsabilité !
Et si Dieu pardonne, la nature non, donc mieux vaut changer rapidement
Nous pourrions raconter des expériences réelles de cet état de fait, où la mauvaise compréhension de l’ordre et de la relation temporelle-spirituelle créé des catastrophes, mais ce sera une autre fois.
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France
Antoine Michel
