La vraie amitié se manifeste dans l’adversité

Notre Seigneur fut trahi par ses amis les plus intimes, les Apôtres, et il souffrit cet affront en silence : il les aima malgré tout jusqu’à leur conversion – sauf Judas, obstiné et aveuglé par son orgueil, qui alla à sa perte contre toute pensée raisonnable.
L’amitié se décline selon Aristote et ses successeurs selon plusieurs niveaux en fonction du degré d’amitié : l’amitié de concupiscence (dite agréable, pour le plaisir que nous donne l’ami), l’amitié utile (celle des intérêts communs, comme dans le négoce ou autre), et l’amitié politique, soit vertueuse, pour le bien de son ami de façon désintéressé. Jésus, avec sa grâce, vient ajouter l’amitié divine, l’amitié charitable qui rend l’amitié politique méritoire, et qui sublime l’amitié naturelle dans une amitié surnaturelle qui se fonde sur Dieu, en Dieu et par Dieu : on aime l’autre pour Dieu et non plus pour la vertu, ou par pure libéralité raisonnable (d’une certaine noblesse certes, mais non dénué d’une pointe d’amour propre au mieux).
Ver de terre devant Dieu, qui pourtant nous tire de notre vile condition pour faire de nous des héritiers du Ciel – si nous l’acceptons et disons oui- nous ne pouvons que par amour de Dieu aimer notre prochain comme nous-même, puisque Jésus a bien prouvé par l’Incarnation et la Croix qu’il aimait chaque homme qu’il a créé à son image pour lui-même.
La Sagesse biblique vient compléter la notion naturelle de l’amitié dans l’Ecclésiastique, de façon lumineuse, lisons :
« Tout ami dit : « Moi aussi je suis ton ami ; » mais tel ami ne l’est que de nom. N’est-ce pas un chagrin jusqu’à la mort, quand un compagnon et un ami se changent en ennemis ? Ô pensée perverse, d’où es-tu sortie, pour couvrir la terre de tromperie ? Le compagnon d’un ami se réjouit de ses joies, et, au jour de l’adversité, il se tourne contre lui ! Un compagnon partage la peine de son ami dans l’intérêt de son ventre, et, en face du combat, il prend son bouclier ! N’oublie pas ton ami dans ton cœur, et, au sein de l’opulence, ne perds pas son souvenir. » (Eccl. 37, 1-6)
Qu’apprenons-nous ?
Déjà qu’un ami est aussi un compagnon et partage ainsi une certaine forme de vie commune – malgré la distance quand la nécessité fait loi, à l’exemple de l’amitié conjugale qui peut encore s’approfondir même quand les époux sont séparés.
Pourtant ami et compagnon ne suffisent pas encore à fonder solidement une amitié naturelle : comme le dit si véridiquement la sagesse biblique un ami qui se dit ami n’est pas forcément un ami ; un ami peut encore trahir et c’est douloureux ; un ami qui agit pour son ami peut encore le faire pour des raisons plus « utiles » que « vertueuses », sans que cela n’en fasse quelque chose de mauvais.
Alors quel est le critère de la vraie amitié ? Selon la sagesse c’est clair : le vrai ami n’est pas celui qui partage ses joies ou les peines de son ami, mais celui qui au temps de l’adversité est du combat ne se défile pas !
L’Évangile le confirme : « Personne n’a d’amour plus grand que celui qui donne sa vie pour ses amis » (Jean 15, 13).
D’où l’amour avéré de Jésus pour nous tous. Dans notre adversité de notre condition blessée et déchue, que nous méritons, Jésus, sans aucune obligation, de façon gratuite et charitable, vient donner sa vie pour nous, afin de nous rétablir dans son amitié divine que nous avons perdu par notre faute et notre affront, le rendant triste comme ces amis qui trahissent et se détournent…
Alors soyons présents dans l’adversité pour nos amis, et ne nous contentons pas de partager les joies et les peines, encore moins d’en rester à l’amitié agréable et utiles, avec beaucoup de paroles mais peu d’actes !
La restauration de l’amitié politique, vivifiée par la grâce, est une nécessité pour restaurer la société politique !
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France
Paul-Raymond du Lac
