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Le danger du négoce

La grande majorité si ce n’est la totalité des civilisations qui peuvent prétendre à ce titre ont toujours en méfiance le négoce et le commerce, comme un danger constant pour la vertu.

La plus grande et indépassable civilisation chrétienne punissait sévèrement l’usure et le souci constant des princes chrétiens était d’assurer un juste prix.

Le Japon de l’époque Edo plaçait les négociants, malgré leur richesse, à la dernière place des conditions sociales institutionnalisées (les intouchables et les esclaves et autres assimilés n’en faisant pas partie), derrière les guerriers, placés au sommet, puis les laboureurs, puis les artisans et enfin les négociants.

La tripartition chrétienne médiévale n’oubliait pas les oratores, ceux qui s’occupent de Dieu, et donc l’office le plus noble de la société, puis les bellatores, les nobles et chevaliers, soit les chefs politiques qui doivent se battre aussi concrètement pour protéger la communauté, et enfin les laboratores, ceux qui travaillent pour la subsistance matérielle de toute la société. La civilisation chrétienne, bien ordonnée, ordonnait bien spirituel, bien commun et bien matériel, chacun à leur place. Le négoce, sans être exclu, était comme placé au plus bas puisqu’il demande le moins de travail parmi les travailleurs, puisqu’il ne produit rien de ses mains, et rien de sa tête. La finance est encore plus bas dans cette hiérarchie, puisqu’un banquier ne fait rien si ce n’est attendre qu’on lui rende l’argent qu’il prête, avec ce danger de pouvoir abuser de l’état de faiblesse d’un créancier en besoin urgent d’argent, parfois pour la vie ou la mort (d’où les lois allant contre l’usure).

Le monde moderne inverse tout cela, et on le comprend : la révolution fait comme l’apologie de la paresse, de la facilité et de l’individualisme. Il est ainsi inéluctable que l’ordre s’inverse… Tout en haut de la hiérarchie les financiers, qui peuvent le plus facilement abuser de cette position par leur oisiveté pour poursuivre leurs fantaisies individualistes ou pour asservir voire captiver une économie à leurs bottes. Puis les négociants du commerce international, qui sont les capitaines de facto du monde, imposant par le libéralisme le libre-échange et le libre-passage comme principes absolus. Ensuite viennent les travailleurs de l’économie matérielle, dans notre monde sans foi ni justice, qui oublie l’âme pour ne voir que le corps. La fonction véritablement politique du chevalier et du noble disparait : plus personne ne peut dans la logique moderne se dédier au sacrifice de tous les jours et de toutes les minutes pour le bien supérieur de la Cité et pour sa communauté, que ce soit la famille, le village, la paroisse ou le royaume. L’adage « noblesse oblige » devient honni pas les politiciens qui ne font plus de la politique, mais obéissent aux nouveaux dogmes modernes : ils recherchent ainsi dans un égoïsme assumé et légitimé leur bien personnel, et se font un office d’abuser du pouvoir, tout en légitimant cette tyrannie oligarchique d’un genre nouveau par les principes démocratiques.

La fonction spirituelle est aussi exclue, comme celle politique, de principe de la vie publique, via le principe de laïcité…imposée par le dogme de l’homme moderne sans âme et sans Dieu, qui ne veut surtout ne pas voir nos fins dernières…Pauvre de lui !

L’Écriture nous annonce déjà l’opprobre encourue par ce monde moderne, ici c’est le Seigneur qui parle dans le livre de l’ecclésiastique à travers la plume inspirée :

« Deux choses attristent mon cœur, et la troisième excite mon indignation : l’homme de guerre qui souffre de la pauvreté, les hommes intelligents qui sont l’objet du mépris ; celui qui passe de la justice au péché, le Seigneur le prépare pour l’épée. » (Eccl. 26, 19)

La société moderne confine non seulement l’homme de guerre, le chevalier et donc l’aristocrate (les meilleurs) à la pauvreté mais il nie même leur raison d’être ! Les hommes intelligents, soit ceux qui sont sages, qui pratiquent l’oraison, qui s’adonnent à Dieu, sont l’objet non seulement du mépris général, mais sont encore et aussi niés dans leur raison d’être. Tout cela rend triste le Seigneur… et ce n’est pas bon pour notre jugement en tant que collectif.

Surtout, nos pays ex-chrétiens sont passés de la justice aux péchés institutionnalisés, assumés et encouragés (avortement, euthanasie, libéralisme, démocratie, etc.) : cela attire l’indignation du Seigneur. Ne nous étonnons pas alors des maux qui nous accablent puisque Dieu nous prépare pour l’épée… Mieux vaut vite se convertir et rapidement restaurer un roi très chrétien…

Revenons à nos sociétés prémodernes, plus naturellement proche du sens commun, comme au Japon, ou dans la Grèce antique qui, à Athènes, faisait des banquiers des esclaves, et des citoyens dirigeants des hommes qui avaient servi au combat et avaient appris le sens du sacrifice. Évidemment, aucune de ces civilisations païennes n’ont pu parvenir à l’ordre sublime que seule la grâce peut restaurée et que l’on trouve dans les pays de la chrétienté.

Néanmoins tout le monde est d’accord pour mettre le négoce à la dernière place. Pourquoi ? Car, ne serait-ce que par expérience, on sait que le négoce rend plus difficile – quoiqu’évidemment pas impossible, et donc n’est pas mauvais en soi, tant qu’il reste à sa place – la pratique de la vertu, la pratique du sacrifice, la pratique de l’honnêteté.

La sagesse biblique, comme d’habitude, vient confirmer cette sagesse immémoriale humaine, avec forcément une perfection toute divine :

« Difficilement l’homme du négoce évitera la faute, et le marchand de vin ne sera pas exempt de péché. Beaucoup pèchent pour de l’argent, et celui qui cherche à s’enrichir détourne les yeux. La cheville s’enfonce entre les jointures des pierres : ainsi le péché pénètre entre la vente et l’achat. Si tu ne t’attaches pas fortement à la crainte de Dieu, ta maison sera bientôt détruite. » (Eccl. 26, 20 ; 27, 1-3)

C’est clair, c’est sévère, mais c’est mesuré : il n’y a pas de négation du négoce en soi, ni de condamnation absolue ; simplement un avertissement puissant qui indique clairement que seule la crainte de Dieu peut permettre de préserver le négociant de se faire infiltrer partout par le péché.

Que cela signifie-t-il pour le preux Français contemporain plongé dans la dissociété et tentant de chercher noblesse spirituelle et noblesse politique ?

S’agit-il de refuser absolument tout travail de commercial dans une quelconque entreprise, voire de refuser tout travailler même dans toute grande entreprise, voire même petite ?

Non, évidemment, mais il s’agit de bien dire à tous nos jeunes, en particulier dans ce monde faussé libéral qui fait croire que l’on peut tout choisir, qu’il faut s’accrocher et se pousser pour aspirer aux choses les plus élevées, Dieu, la sagesse et les sciences, le bien commun, en gardant un mépris bien compris des tâches serviles et inférieures, qui sont nécessaires, et qui sont, puisque serviles, en un certain sens bien plus agréables et confortables et peuvent, bien faites, donner le salut plus facilement.

Il ne s’agit pas de se mettre bille en tête pour se mettre dans une position qui ne nous convient pas, c’est la difficulté du monde moderne qui veut nous laisser décider – en nous faisant croire que le monde et ouvert et libre, mais en pratique en nous mettant une pression incalculable pour entrer dans le petit moule du consommateur robotique servile.

Écoutons les anciens, ceux qui nous connaissent et surtout Dieu pour qu’il nous mette à notre place.

Dans tous les cas il ne faut pas oublier l’ordre : toujours servir Dieu, puis toujours servir le bien commun par le sacrifice, et rester toujours humain même dans les tâches serviles.

Si l’on peut évitons les grandes structures, la finance, le négoce a stricto sensu – d’expérience, comme dit un capitaine d’industrie ancien vendeur, ne croyait jamais un commercial car il a toujours tendance à embobiner, par réflexe…confirmant encore par l’expérience l’adage biblique.

Nécessité fait loi. Tant que la nécessité ne vous presse pas pour les tâches serviles, dédiez-vous aux tâches nobles, du sacrifice, de la charité et surtout, surtout, de l’oraison, aboutissant toujours à l’action !

Et quand la nécessité fait loi, accueillez là avec joie, car le bon Dieu vous permet de faire du bien, de vous occuper par des tâches harassantes et de faire votre devoir facilement.

Plus on est noble, et donc libre, plus la tentation de faire mal et grande, puisque cette possibilité nous est donnée ; et cela comprend l’omission, la paresse, le laisser-aller, si commun à nos temps.

À force de vouloir faire de tous, par le sacro-saint principe démocratique, des libres oisifs et aristocrates on se retrouve avec une masse de paresseux jouisseurs se laissant aller et courant à leur perte.

Sortons de ce cercle vicieux !

Et cela sera déjà un pas important vers la restauration !

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul-Raymond du Lac

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