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La politique comme amitié

Il n’est pas nouveau dans la pensée politique classique de comprendre la politique comme la pratique de l’amitié au niveau de la Cité, entre membres « citoyens » qui agissent pour le bien commun, et en pratique agissent les uns les autres et ensemble. Ici, l’amour est évidemment compris au sens classique de volonté d’agir pour le bien de quelqu’un, de soi-même et d’autrui, et cela se pratique en actes.

Pour les Romains et les Grecs, cette amitié virile ne valait essentiellement qu’entre les rares citoyens de la Cité, des aristocrates aux ancêtres illustres, s’étant battus pour la Cité et pouvant ainsi décider de son avenir. Ils étaient isolés au milieu de nombreux esclaves et membres de la société de seconde classe, pour le bien commun duquel ils pouvaient aussi travailler, certes, mais qui n’étaient certainement pas inclus dans la noble amitié politique réservée à une certaine élite, qui a fait ses preuves.

Saint Thomas d’Aquin distingue plusieurs niveaux d’amitiés : celui de concupiscence (pour sa jouissance et la jouissance de l’autre), celui d’utilité ou mondain (celui de la communauté d’intérêt) et celui de charité, qui cherche le bien de l’autre et de soi-même pour Dieu et par Dieu, qui se fonde en Dieu.

L’amitié politique pré-chrétienne avait beau atteindre des sommets respectables, le monde païen n’en restait pas moins déchu, et toujours en deçà de l’amitié charitable chrétienne – puisqu’il ne pouvait pas la connaître encore. L’amitié politique païenne, même civilisée, même élevée, gardait un quelque chose d’orgueil et d’intérêts bien compris. Même le sacrifice à l’intérêt supérieur, la Cité, cachait toujours la complaisance de savoir faire son devoir, et faire du bien à ses semblables, ces autres citoyens, quasiment des demi-dieux, si important pour faire tourner l’Etat. Cette amitié est très rationnelle, très raisonnable, très froide, et très orgueilleuse.

Cette amitié politique déchue -si on peut dire- se caractérisait par l’existence de nombreux « instruments », comme les définit Aristote, en bref des esclaves pour faire toutes les volontés des citoyens. Au pire pour des volontés personnelles, au mieux pour un certain bien commun mâtiné d’intérêts personnels, mais qui ne vont pas forcément contre les serviteurs et les esclaves – puisque le serviteur devenant comme une extension du maître fait partie intégrante de son patrimoine, et qui aurait intérêt à dégrader, détruire, malmener une partie de soi-même ?

Soit dit en passant, malgré la dureté des temps anciens païens qui est bien réelle, elle n’est peut-être psychologiquement pas bien pire que nos temps modernes de salariat et d’indépendance. Notre époque, faisant semblant de croire tout le monde égal et libre, a aussi supprimé cette sagesse naturelle politique de confort d’appartenir à un corps, d’être le subordonné qui fait les volontés d’un autre, et, ce faisant, trouve une certaine tranquillité, puisqu’il est n’est plus responsable de ses actes autant que ne l’est son chef.

Ce trait psychologique d’ailleurs manifeste quelque de chose de profondément ancré chez l’homme, imprimé par le bon Dieu. Nous sommes faits, fondamentalement, pour faire les volontés de Dieu, et nous ne trouvons notre repos que dans la soumission de notre volonté à la volonté divine. Nous ne trouvons notre tranquillité et notre joie que dans l’abandon à Dieu et la conformation de notre volonté à celle de Jésus. L’homme laissé à lui-même, sans la Révélation, ou revenu à ses premiers agissements, après l’apostasie, ne peut changer ce qu’il est fondamentalement. Il cherchera en fait, même s’il dit le contraire, à se soumettre à une « volonté » autre, qu’elle soit celle d’un homme (et l’on revient à l’esclavage institutionnel, au culte de la personnalité des dictatures, etc.) ou bien une volonté artificielle. Ainsi comme une logique froide de certains dirigeants qui fait semblant de croire que leurs actes ne sont plus propres mais servent un dessein « supérieur », (mais certainement pas divin), voire une pseudo-volonté, dans la soumission de sa volonté à ses passions, à ses péchés ou autre…Ce qui est terrible puisqu’on s’avilit au point de soumettre nos facultés supérieures aux facultés animales et inférieures.

La politique traditionnelle se fonde ainsi sur une vraie amitié politique naturelle restaurée dans le Christ, car fondée sur la charité du Dieu trinitaire pour nous. Ainsi nous chantons le lundi de la Pentecôte le verset suivant :

« Je ne vous appellerai plus mes serviteurs, mais mes amis, parce que vous avez connu toutes les choses que j’ai faites au milieu de vous, alléluia :

* Recevez en vous l’Esprit-Saint, le Paraclet ; c’est lui que mon Père vous enverra, alléluia.

. Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande. » (Matines du lundi de Pentecôte)

Nous sommes les amis de Dieu tant que nous faisons ce qu’il commande, et si nous reconnaissons simplement ses œuvres : notre existence même, notre création et surtout l’envoi de son Fils parmi nous pour nous sauver.

Les hommes révolutionnaires, les dirigeants contemporains ne vivent que la division (qui se dit diabolos en grec, le « diviseur ») et la guerre perpétuelle. Et ce, derrière une fausse « concorde », qui signifie « avec cœur » étymologiquement, donc une communion des cœurs, mais simplement de façon négative, quand il s’agit de s’unir pour détruire, s’unir pour ruiner l’œuvre de l’Eglise, s’unir pour faire avancer la mort via l’avortement, l’euthanasie, les faux mariages invertis, quand il s’agit en bref de consacrer le vice comme vertu, et de faire régner l’impunité du désordre.

Avec les réseaux sociaux et les moyens modernes de communication, ces divisions et ces inimitiés ne cessent d’exploser au grand jour de façon constante. Pensons encore au ridicule, mais pourtant affaire d’État, « clash » sur Twitter d’Elon Musk et de Trump, ou encore de la baffe de Brigitte Macron sur son mari… Les exemples sont pléthores.

Alors, restaurons l’amitié politique, qui n’est pas fondée sur une alliance passagère pour gagner la prochaine élection, ou pour abattre un ennemi commun de circonstance, mais qui est fondé sur le véritable souci du bien commun, et qui commence par le souci du bien de ses amis politiques, de ses camarades, et qui se traduit en actions concrètes pour signifier cette amitié politique. Notre amitié politique légitimiste se fonde de plus dans des principes universels, vrais, car donnés par Dieu, en conformité avec notre nature humaine et avec la fin assignée par Dieu, c’est-à-dire son amour pour lui dans la béatitude céleste.

Nous, légitimistes, malgré nos faiblesses humaines que nous ne cachons pas, nous entretenons l’amitié politique, fondement de la restauration, en cultivant ces amitiés, au-delà du sentiment, au-delà de l’affection, au-delà  des compatibilités ou incompatibilités de caractère. A la différence des dirigeants révolutionnaires, qui sous couvert de paraître aussi purs que le cristal, démontrent tous les jours leur profonde corruption qui ne veut pas s’assumer.

Nous sommes unis par une cause supérieure : celle du Roi donné par Dieu à travers les lois fondamentales. Cette cause supérieure, bien concrète et incarnée, est indissociablement fusionnée à la cause du travail pour le bien commun. Et cette cause du bien commun est elle-même ordonnée à la cause supérieure de la gloire de Dieu et du salut de nos âmes.

Nous sommes amis les uns les autres, dans le service au Roi, car le Roi est le lieutenant de Dieu sur terre et son ministre mais aussi serviteur : Dieu est ainsi le ferment ultime de notre amitié politique qui s’incarne dans des actes.

Ses ferments sont le Roi, des principes politiques universel, la Foi révélée, et Dieu incarné en Jésus-Christ, avec ses lieutenant et ministres sur terre.

Alors cultivons de suite cette amitié politique dans nos rangs et ne comptons pas nos sacrifices et nos abandons, pour le bien commun, et pour le bien de chacun de nos amis, à l’exemple de nos saints rois, à l’exemple des saints, à l’imitation de Jésus-Christ.

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul-Raymond du Lac

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