Vie des royalistes

RARE : Lettre préface du prince Alphonse

A Madrid, il y a précisément trente-quatre ans, le prince Alphonse signait la lettre préface d’un ouvrage qui lui est aussi dédicacé : “The Royal Prerogative”. Ecrite par Ronald E. Prosser et publiée dans l’Etat d’Iowa par Raventhorn Press en 1981, cette “étude sur les honneurs décernés par les chefs non-régnants des diverses dynasties” doit fatalement être évoquée sur ce blog, d’autant plus qu’il n’en existe que 500 exemplaires numérotés à la main, sans oublier les onze reproductions de lettres patentes…

C’est pourquoi je vous propose de lire cette préface du prince Alphonse, seul texte de l’étude publié aussi en français ; une prérogative, à n’en pas douter.

La semaine prochaine je fournirai la traduction du chapitre consacré à la France.

Alphée Prisme

LETTRE PREFACE DU CHEF DE LA MAISON DE BOURBON

Je suis heureux, cher monsieur, de pouvoir préfacer ainsi votre livre sur la prérogative royale, étude sur les honneurs décernés par les chefs non-régnants des diverses dynasties. Vous avez bien voulu demander quelques lignes au chef de la plus ancienne maison de l’Occident chrétien puisqu’elle fut celle des rois très chrétiens, et, depuis 1700, des rois catholiques, puis des rois des Deux-Siciles, de Jérusalem et d’Etrurie, des ducs de Parme, des grands-ducs de Luxembourg et vous savez que les droits brésiliens sont maintenant incarnés dans une branche cadette de cette maison. Vous savez aussi que les rois capétiens sont les descendants et les continuateurs des Carolingiens et des Mérovingiens, ce qui est souligner l’origine – le baptême de Reims – et la signification de la tradition de mes aïeux. Mille cinq cents ans d’histoire de France sont largement l’œuvre de ma lignée issue de Saint Louis, de Charlemagne et de Clovis.

Certes, tout ne fut pas glorieux et des fautes furent commises, mais le bilan de tant de siècles est tellement positif! En ce moment difficile de l’histoire mondiale, il est bon de rappeler nos antiques grandeurs dont nous n’avons certes pas à rougir. La civilisation occidentale, donc chrétienne, s’est bâtie sur les monarchies. La France s’est fondée sur l’orthodoxie romaine contre l’arianisme, l’Espagne s’est refaite en une longue lutte contre l’Islam. L’une et l’autre ont diffusé largement le message du Christ dans le monde entier… L’étude de l’histoire européenne montre combien ce passé peut être source de profit pour les Etats et les peuples de 1980. Il est d’ailleurs d’intérêt de voir que l’Amérique s’attache elle-aussi à cette recherche patiente et méticuleuse ; je suis au courant de publications universitaires en provenance des Etats-Unis : elles éclairent de façon lumineuse les divers aspects des anciennes monarchies : leurs idées, leurs lois, leurs rites.

Vous avez voulu vous pencher sur la continuation de l’attribution d’honneurs par les chefs des maisons évincées de la souveraineté. Sans partager tous les points de vue que vous exposez, je constate avec plaisir que vous avez bien mentionné l’habitude qu’ont les chefs de la maison de Bourbon de conférer des ordres royaux. Louis XVIII exilé et voyageant comme simple comte de l’Isle continuait à assumer ses devoirs de reconnaissance à l’égard de ses fidèles. Certes, les croix de Saint-Louis distribuées étaient nombreuses, mais il y avait alors une armée des Princes. Cependant, l’attribution des ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit était rarissime. Après la chute de Charles X, les ordres étaient menacés d’extinction. Louis XIX comte de la Marnes salua la fidélité du comte de Bouillé en lui donnant un collier du Saint-Esprit quand il fut obligé de quitter la cour d’exil et le duc de Bordeaux dont il s’occupait de l’éducation. Devenu Henri V comte de Chambord, ce prince lisait l’office des chevaliers de l’ordre et laissa tous les colliers en sa possession aux rois carlistes, ses successeurs. C’est ainsi que les anciens ordres royaux français ont continué à être donnés à de très rares princes ou proches fidèles des aînés. Mon père fit de même, pensant avec raison qu’il ne fallait pas faire définitivement mourir un des aspects de la tradition de notre maison.

Toutes ces nominations sont évidemment privées des fastes de l’Etat – cérémonies, honneurs, costumes et revenus – mais il n’en reste pas moins qu’elles font mémoire d’un passé pas toujours révolu et qu’elles continuent à jouer leur rôle d’origine, constituer des “aimables compagnies” de fidèles autour d’un chef, ne serait-ce que pour raviver et honorer les énergies qui se sont placées au service du bien commun et de la civilisation.

Je suis très conscient de l’écueil qui guette toutes ces institutions privées des support de l’Etat, mais je crois qu’il n’est pas inutile de continuer de telles traditions si utiles quand elles sont fondées sur la vérité, le droit et l’honneur. Vous ne savez que trop par vos recherches, combien de “prétendants” décernent n’importe quelles décorations et que divers “ordres” ne sont que des milieux propices à toutes les plus mauvaises pénétrations, souvent champs plus ou moins clos de combats peu glorieux et de heurts entre diverses “légitimités”…

De quoi demain sera-t-il fait? Je n’en sais certes rien, mais je crois que les chefs de maisons anciennement souveraines se doivent de maintenir fermement toutes leurs traditions dont ils n’ont que le dépôt. Ils doivent rester disponibles et peuvent le manifester facilement en décernant des honneurs. Le devoir est d’ailleurs une des principales composantes de la personnalité des chefs de maisons, alors qu’on parle trop souvent de droit autour d’eux. Ce devoir de mainteneur des principes, de gardiens des symboles, d’exposition des gloires du passé est absolument fondamental pour moi ; vous savez l’importance que je donne à l’Institut de la Maison de Bourbon, dont je suis président d’honneur après mon père ; cet organisme culturel, à vocation internationale, est chargé de faire connaître tout ce passé prestigieux. Je suis quant à moi intimement persuadé que les peuples voudront revenir un jour à leurs véritables traditions et qu’ils seront à juste titre heureux de constater que leurs représentants naturels ont maintenu le dépôt et conservé la flamme. Je ne crois pas, en effet, que l’histoire de l’humanité soit affectée d’un déroulement linéaire et obligatoire. Si c’était vrai, ce serait à désespérer devant la massification totale de toutes choses. Mais l’homme est changeant et les modes peuvent passer. Rien que cela peut nous faire espérer non point un retour en arrière, mais une répudiation des erreurs et un ressourcement aux véritables fontaines de la vie sociale et politique. La grâce de Dieu aidant, le réveil des consciences sous le choc des prédications de Jean-Paul II, l’horreur suscitée par la vision des abominations des totalitarismes, le désenchantement devant l’arrivée des obligatoires conséquences de principes mortels, tout devrait pousser au renouveau. Ce sera l’honneur des chefs de maisons anciennement régnantes que d’avoir lutté, à leur place, pour cette renaissance que les hommes lucides appellent de tout cœur et de toutes leurs forces.

Je souhaite beaucoup de succès à votre livre et vous prie de croire, cher monsieur, que je suis votre très affectionné

Alphonse

Duc d’Anjou et de Cadix

Madrid, le 8 août 1980

 

THE ROYAL PREROGATIVE BY RONALD E. PROSSER – RAVENTHORN PRESS – 1981, IOWA

THE ROYAL PREROGATIVE BY RONALD E. PROSSER – 500 EXEMPLAIRES

THE ROYAL PREROGATIVE BY RONALD E. PROSSER – DEDICACE AU PRINCE ALPHONSE DE BOURBON

THE ROYAL PREROGATIVE BY RONALD E. PROSSER – EXTRAIT DE LA LETTRE PREFACE DE L’AINE DES CAPETIENS

Source :Les rois souterrains

 

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