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Louis XIV au Château de Vincennes (1/3)

Les actes des communications des sessions du centre d’études historiques paraissent une fois par semaine, chaque samedi. Les liens des communications en bas de page.

Centre d’Etudes Historiques

1661, la prise de pouvoir par Louis XVI.

Actes de la XVIIIe session du Centre d’Études Historiques (7 au 10 juillet 2011)

Collectif, Actes dela XVIIIe session du Centre d’Études Historiques, 1661, la prise de pouvoir par Louis XIV, CEH, Neuves-Maisons, 2012, p.89-102.

Voir aussi Vincennes royal du Père Jean-François Thomas (s.j)

Par Odile Bordaz

Conservateur du Patrimoine et aux Archives nationales

Lieu majeur de l’Histoire de France, le château de Vincennes s’est retrouvé une nouvelles fois au cœur de l’actualité, au cours de l’année 1661. En effet, l’événement qui a conduit Louis XIV à prendre le pouvoir, la mort du Premier ministre, le cardinal Mazarin, s’est passé à Vincennes le 9 mars de cette année-là.

En moins d’une décennie, l’ancien château des Capétiens s’était transformé en un palais classique au goût du jour.

Au mois d’octobre de l’année 1652, alors que la Fronde se terminait et que le roi venait de rentrer dans la capitale, Mazarin encore en exil à Bouillon, avait demandé à Louis XIV de le nommer gouverneur de Vincennes, le précédent titulaire de cette charge, M. de Chavigny, venant de mourir. C’est son fidèle intendant, Jean-Baptiste Colbert, qui l’aurait persuadé de l’intérêt de posséder aux portes de Paris d’une résidence fortifiée où, en cas de troubles semblables à ceux qu’ils venaient de vivre, le roi, la famille royale et Son Éminence avec ses fabuleuses collections pourraient trouver refuge.

Il aurait été facile à Mazarin de convaincre le roi et la régente, qui n’oubliaient pas la nuit où le peuple de Paris avait envahi le Palais-Royale, ni celle où ils avaient dû fuir en toute hâte vers Saint-Germain-en Laye.

Vincennes nécessitait des travaux. Le vieux donjon de Charles V servait depuis longtemps déjà de prison. Le pavillon où le roi Louis XIII avait passé une partie de son enfance et de sa jeunesse, ce pavillon que Marie de Médicis avait fait édifier dès 1610, après l’assassinat de son époux, était bien délabré. À dire vrai, il n’avait jamais été terminé. C’était un bâtiment étroit, tout en longueur, à un seul étage, qui jouxtait la courtine ouest, entre le donjon et une tour d’angle du mur d’enceinte du XIVe siècle. Pour disposer d’un logement habitable et au goût du jour, Mazarin, secondé par Colbert, avait fait appel à trois architectes : François Mansart, Le Muet et Louis le Vau. Ce fut ce dernier qui emporta le concours. Il présenta trois projets au cardinal, qui retint le moins onéreux. Ce dernier projet prévoyait de doubler sur toute sa longueur le bâtiment existant par un nouvel édifice, en englobant dans la construction le mur extérieur de l’ancien pavillon. Comme le précise le premier bail signé le 7 juin 1654[1], il était prévu d’aménager « trois grands appartements complets au premier étage, tout de plain pied, pour le Roy, la Reine, sa mère et Mgr le duc d’Anjou, avec plusieurs logements au-dessus du rez-de-chaussée, le tout suivant les dessins, plans et eslevations que son Éminence a ordonné estre faicts et arrestés par Leurs Majestés. »

Le logement du cardinal, qui se trouvait dans l’hôtel du gouverneur, à côté de la Sainte-Chapelle, en face du donjon, avait fait lui aussi l’objet de travaux de restauration.

Quatre ans avaient suffi pour mener les travaux à bien, un temps record, surtout quand on sait que les deux nouveaux entrepreneurs qui avaient signé un contrat avec Colbert le 5 avril 1655, Antoine Bergeron et Michel Villedo (leurs prédécesseurs ayant été éliminés pour cause de retard), ont mené en même temps les travaux de construction du château de Vaux-le-Vicomte pour Nicolas Fouquet.

Une fois le mariage du roi décidé, un second bâtiment avait été édifié à partir de 1659, de l’autre côté de la cour d’honneur, destiné à la reine-mère Anne d’Autriche et à Mazarin, puis après la mort de celui-ci, à Monsieur frère du roi. Le bail de construction de ce Pavillon de la Reine, signé le 27 mai 1658, stipulait qu’il serait « de mesme hauteur, longueur et cimetrye » que « le grand logement du Roy »[2].

Ce nouveau pavillon devait être terminé avant l’été 1660 (la date du31 1660 figure dans le contrat), car il fallait accueillir à Vincennes le roi, son épouse, la famille royale et la cour, au retour du mariage royal à Saint-Jean-de-Luz ; néanmoins, à cette date-là les travaux de décoration intérieure n’étaient pas encore achevés ; ils se poursuivirent l’année suivante et peu de temps encore avant sa mort, Mazarin prenait plaisir à se faire conduire en chaise jusqu’au chantier afin de discuter avec les peintres. Philippe de Champaigne dirigeait une équipe qui, outre son neveu Jean-Baptiste, comptait le Flammand Manchole, l’Italien Borzone, les Française de Sèves, Monnoyer, Baptiste et Michel Dorigny, gendre Simon Vouet.

Au total, les travaux du château de Vincennes de 1654 à 1661 se sont élevés largement au-delà du million de livres.

Certes, ce grand chantier de Vincennes au XVIIe siècle a été initié par Mazarin et Colbert, mais avec l’assentiment total du roi. Louis XIV, en effet, a toujours aimé Vincennes. Il en appréciait le bon air, les grands espaces militaires, la forêt giboyeuse auxquelles il conviait toute la cour et les ambassadeurs étrangers, si proches de Paris. La place d’armes et l’esplanade lui permettaient de faire manœuvrer les troupes de sa Maison et d’organiser de grandes parades. À l’instar de la plupart de ses prédécesseurs, il pouvait livrer à Vincennes à l’un de ses plaisirs favoris, la chasse, et les chroniques du début de son règne rapportent bien des anecdotes relatives aux chasses mémorables qu’il avait l’habitude de donner en l’honneur de ses invités de marque.

Le roi, la reine et la cour au Pavillon du Roi

Au retour de leur mariage à Saint-Jean-de-Luz, le roi et la reine, après un séjour à Fontainebleau, s’étaient donc installés pendant l’été 1660 au château de Vincennes, en attendant leur entrée officielle dans Paris, le 26 août.

Le roi ou tout autre personnage de la cour qui se rendait alors à Vincennes empruntait le grand chemin nouvellement aménagé en prévision de l’événement et qui reliait le château à la place du Trône (aujourd’hui place de la Nation).

L’entrée principale du château se situait du côté sud du mur d’enceinte du XIVe siècle, que Louis le Vau avait percé de grandes arcades qui offraient des échappées sur le parc, en alternance avec des niches destinées à recevoir des statues à l’antique. L’architecte avait transformé la tour du parc (aujourd’hui tour du Bois) en arc de triomphe. L’architecture et la sculpture de cette année triomphale étaient si réussies qu’elles suscitaient l’admiration. Par cette porte on pénétrait à cheval ou en carrosse dans la cour royale, délimitée à l’ouest et à l’est par les deux pavillons, au nord par un portique à colonnades orné lui aussi de niches et de statues à l’antique. Au-delà du portique s’étendait la place d’armes, entre le donjon et la Sainte-Chapelle et les constructions annexes de celle-ci. Afin de séparer la partie centrale du site de l’avant-cour, où s’élevaient les écuries pour environ 200 chevaux et les logements du personnel des écuries, l’architecte avait édifié deux petits pavillons disposés de part et d’autre de l’allée centrale qui traversait l’avant-cour jusqu’à la tour du village, celle-là même, comme son nom l’indique, qui communiquait avec le village de la Pissotte (ancien nom de la ville de Vincennes). Dans ses rêves de grandeur, Mazarin avait envisagé la construction d’écuries pouvant abriter jusqu’à 600 chevaux, mais il en avait été dissuadé par le prince de Condé.

Louis XIV et son épouse Marie-Thérèse résidaient donc dans le pavillon du Roi, bâtiment à deux étages surmontés de combles et qui se composait d’un corps de logis central à sept fenêtres, cantonné à ses deux extrémités par un pavillon à peine saillant, percé de quatre fenêtres. La façade très sobre, d’ordre colossal à des pilastres doriques, présentait sur toute sa longueur une corniche à triglyphes surmontée d’un attique et des pots à feu disposés sur l’entablement, entre des lucarnes.

On entrait dans le pavillon par son extrémité nord, du côté du donjon. Le rez-de-chaussée, voûté en berceau, comprenait une longue galerie de circulation qui desservait les services de bouche, offices et cuisines, dont le personnel était logé à l’entresol. Par l’escalier remanié par Le Vau on montait vers l’étage noble. Le deuxième étage et les combles abritaient des logements pour les seigneurs de la cour et une partie du personnel domestique.


[1] Archives de la Société des Amis de Vincennes

[2] Archives nationales, 01 1900

Communications précédentes :

Préface : http://vexilla-galliae.fr/civilisation/ histoire /2653-ceh-xviiie-session-preface-de-monseigneur-le-duc-d-anjou

Avant-Propos : http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2654-ceh-xviiie-session-avant-propos

 La rupture de 1661 (1/3): http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2663-la-rupture-de-1661-2-3

La rupture de 1661 (2/3): http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2664-la-rupture-de-1661-2-3

La rupture de 1661 (3/3): http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2684-ceh-la-rupture-de-1661-3-4

De Colbert au patriotisme économique (1/3)

De Colbert au patriotisme économique (2/3)

De Colbert au patriotisme économique (3/3): http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2693-ceh-de-colbert-au-patriotisme-economique-3-3

1661 : transfert de la Cour des aides de Cahors à Montauban (1/3) 

1661 : transfert de la Cour des aides de Cahors à Montauban (2/3)

1661 : transfert de la Cour des aides de Cahors à Montauban (3/3): https://www.vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/ceh-1661-transfert-de-la-cour-des-aides-de-cahors-a-montauban-3-3/

Permanence des révoltes antifiscales, 1653-1661 (1/3)

Permanence des révoltes antifiscales, 1653-1661 (2/3)

Permanence des révoltes antifiscales, 1653-1661 (3/3)

Découverte et esprit scientifique au temps de Louis XIV (1/2)

Découverte et esprit scientifique au temps de Louis XIV (2/2)

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