Tribunes

Paris, place de la Concorde, 21 janvier 2015 – discours de Pierre Jeanthon

À l’heure et à l’endroit où Louis XVI mourut pour Dieu, la France et son peuple, nous nous recueillons avant d’entendre le testament du Roi qui monta à l’échafaud en pardonnant à ses bourreaux.

Difficile de pardonner : aujourd’hui c’est encore de pardon que la France a besoin pour unir dans une même Histoire son passé, son présent et son avenir.

Au confessionnal le pardon repose sur un dialogue entre l’offenseur et l’offensé, Dieu représenté par le prêtre qui donne l’absolution à celui qui reconnait et regrette fermement ses péchés, afin de se réconcilier avec Dieu qui est la Vérité.

Dans le cas de deux ennemis soucieux de se réconcilier, le dialogue n’est pas entre un offenseur et un offensé, mais entre deux êtres à la fois offenseurs et offensés parce que depuis la chute de nos premiers parents l’erreur et la vérité cohabitent dans le cœur des hommes.

Or, ce dialogue est impossible entre les royalistes et ceux qui font carrière dans les institutions de la République qui ne reconnait pas la Vérité divine. Seule une très forte pression populaire sur nos dirigeants pourrait faire sauter la chape de plomb qui interdit tout dialogue.

Par contre, sous réserve de se présenter tels que nous sommes, c’est-à-dire à la fois offenseurs et offensés, le dialogue est plus que jamais possible avec les Français toujours plus nombreux à s’estimer, non sans motifs, méprisés par les élites dirigeantes.

Offenseurs parce que nous avons l’habitude de condamner 1789 en bloc et sans circonstances atténuantes en oubliant que, quelques décennies plus tard le Comte de Chambord écrivait « Ensemble nous reprendrons le grand mouvement de 1789, car la révolution restauratrice que l’on pouvait espérer des Etats Généraux ne fut point faite. »

De fait, des réformes étaient nécessaires tant pour soulager la misère des plus humbles que pour rappeler à une partie de la noblesse et du clergé quelques principes élémentaires de charité fraternelle.

Mais cette révolution fut doublement ratée.

D’abord elle paracheva l’inversion de la société en installant dans le peuple, qui tomba dans le piège, les vices des puissants et en transposant dans la vie sociale les utopies qui permettaient de briller dans les sociétés de pensée.

Selon la judicieuse définition de J. de Viguerie « on sait que l’utopie détruit ce qui est pour affirmer ce qui n’est pas, lui donnant ainsi l’apparence de l’être ». On peut ajouter que cette formule convient parfaitement au déni de réalité joyeusement pratiqué par nos dirigeants actuels.

Ensuite elle se borna à remplacer une aristocratie percluse par une bourgeoisie ambitieuse et cupide.

Offensés quand la République s’obstine à nier le génocide vendéen.

Et offensés encore quand l’historiographie officielle présente Louis XVI comme un bon gros bonhomme qui partageait son temps entre la chasse et la serrurerie. La réalité est, qu’attentif au rayonnement culturel et scientifique du Royaume, soucieux du bien commun et des conditions de vie des plus démunis, Louis XVI fut un roi réformateur.

Les quelques exemples cités ci-après sont tirés de l’ouvrage « Louis XVI a la parole » de Paul et Pierrette Girault de Coursac.

Premier à utiliser l’expression « justice sociale », Louis XVI :

–          Abandonna aux équipages de ses vaisseaux le tiers de la valeur des prises qui lui était réservé en temps de guerre.

–          Abolit la main morte, droit que devait les serfs qui quittaient leurs terres.

–          Accorda l’Etat civil aux non catholiques.

–          Institua des pensions de retraite à ceux qui exerçaient une profession maritime

–          Créa le Mont de Piété à Paris.

–          Accorda le premier droit de vote aux femmes dans le cadre de l’élection des députés à l’Assemblée des Etats Généraux.

–          Pour soulager le peuple il abolit le droit de joyeux évènement, impôt perçu à chaque changement de règne.

Dans le domaine de la santé publique, il versa sur ses propres deniers une pension de 6000 livres à l’abbé de l’Epée fondateur d’une œuvre qui apprenait le langage des signes aux sourds-muets sans fortune ; il finança tous les aménagements de l’Hôtel Dieu afin que chaque malade dispose d’un lit individuel.

Dans le domaine scientifique, il finança, toujours sur ses fonds propres, les expériences d’aérostation des frères Montgolfier et celles de Jouffroy en vue d’adapter la machine à vapeur à la navigation.

Dans le domaine de la justice, il ordonna l’abolition de la torture, fit construire, à ses frais, des infirmeries claires et aérées dans les prisons et décida d’accorder une indemnité aux personnes en détention préventive dans le cas où leur innocence serait prouvée  lors de leur procès.

Dans le domaine de la culture, il institua le droit de propriété des auteurs et compositeurs de musique et créa l’école de musique et de danse de l’Opéra de Paris.

Au niveau de l’Etat il demanda la création du corps des sapeurs-pompiers, l’établissement de la balance annuelle du commerce extérieur, supprima environ le tiers des dépenses affectées à la Maison du Roi et fut à l’origine de l’établissement du cadastre.

Dans le domaine de l’Education, il fonda l’Ecole des Mines et par ordonnance du 10 août 1786, établit une école d’éducation militaire ouverte aux enfants des soldats invalides ; opérationnelle en 1767 sous l’impulsion du duc de la Rochefoucauld-Liancourt et avec l’aide financière de Louis XVI cet établissement porte aujourd’hui le nom d’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Métiers.

Si, avec de tels exemples, les royalistes persistent à  rencontrer le peuple républicain après avoir eu l’humilité de reconnaître qu’une révolution était nécessaire, il est possible que ce peuple reconnaisse, de la même manière, la qualité de l’œuvre de Louis XVI et sa condamnation inique.

Le pardon réciproque peut naître de ce dialogue avec pour conséquence que le peuple de France, enfin réconcilié avec son Histoire, reconnaisse que sa patrie est née bien avant 1789 et n’accepte plus un régime politique qui soutient le contraire.

Bien sûr le découragement nous guette parce que les ouvriers du Roi sont peu nombreux et vaste est la moisson. En leurs temps ceux du Roi de nos rois n’étaient que douze et pourtant, par leur sacrifice, par leur abnégation et soutenus par leur Foi ils ont réussi.

Animé du même esprit, celui qui, le 21 janvier 1793, marchait vers la guillotine ceint de sa double couronne de roi et de martyr était pleinement le lieutenant du Christ.

Notre présence sur cette place atteste que la descendance spirituelle de Louis XVI n’est pas éteinte mais que, dépositaire du témoignage royal, aujourd’hui comme hier elle persévère dans son engagement pour que vive Dieu, vive la France et vive son Roi.

Pierre  Jeanthon

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