Mensonges et fantaisies orléanistes

Fantaisies orléanistes : démonter le pseudo vice de pérégrinité avec la succession de Philippe de Rouvres

Les partisans des Orléans[1] croient pouvoir utiliser la succession de Philippe de Rouvres, duc de Bourgogne de la première Maison Capétienne à avoir régné sur ce duché et mort en 1361, pour démontrer l’existence d’un vice de pérégrinité princier au Moyen-âge. En effet, selon les auteurs qui défendent cette thèse inepte,  le Roi de Portugal, qui alors était Pierre Ier (1320-1357-1367) aurait dû hériter de cet apanage puisqu’il était issu  de la Maison de Bourgogne en ligne légitime. Or, ce Prince ne s’est pas manifesté, et personne n’a pensé à lui, preuves manifestes, selon nos drôles d’Historiens, qu’il ne pouvait prétendre à rien en France.

Je pense qu’un tel exemple démontre non seulement la méconnaissance du droit royal historique, du droit dynastique, du droit féodal, de l’Histoire et de la généalogie qui frappe si souvent les auteurs orléanistes. Pourtant, ils sont toujours prompts à attaquer, sans titre, les rappels des auteurs universitaires, légitimistes ou non, dans ces mêmes domaines.

Il est tout d’abord nécessaire de faire un rappel généalogique pour rappeler les données du problème et démontrer par la seule généalogie la nullité de l’argument :

La première Maison Capétienne de Bourgogne est issu de Robert de France, fils de Robert II le Pieux et frère du Roi Henri Ier. La branche aînée des ducs de Bourgogne de la 1ère Maison Capétienne s’éteignit en 1361 avec la mort sans postérité de Philippe de Rouvres.

La maison capétienne de Bourgogne forma cependant plusieurs branches cadettes :

En conséquence, si un mâle issu de la première Maison Capétienne de Bourgogne avait pu réclamer ce que nos historiens à la mode d’Orléans qualifient d’apanage (le Duché de Bourgogne) c’est un descendant d’Alexandre de Bourgogne, issu du rameau de Montagu qui l’aurait réclamé, en l’occurrence Jean, seigneur de Sombernon (1341-1410), et pas un lointain cousin de la branche cadette de Portugal. C’est déjà une première explication à la prétendue exclusion  des rois Portugais.

L’autre explication est surtout que le duché de Bourgogne était plus le précurseur des apanages que le tout premier « apanage ». Il fut formé avant que la Loi des Mâles s’impose et relevait du droit féodal simple, ce qui ne sera plus cas dès le XIVe siècle, les nouveaux apanages tombant en quenouille retournant au domaine royal. Nous connaissons tous l’exemple de l’Artois et du conflit entre Robert III et sa tante Mahaut, qui rappelle que les apanages de l’époque ne répondaient pas encore à une succession salique. Le  parent par les femmes le plus proche pouvait donc succéder. En l’espèce, le plus proche parent de Philippe de Rouvre était Charles d’Evreux, c’est-à-dire le roi (Capétien) de Navarre Charles le Mauvais. Un autre successeur possible, mais avec des droits moins bons, mais une force plus grande, était le Roi de France Jean II le Bon qui s’est emparé du duché. Voilà qui éloigne les Montagu et les Capu…, pardon, les Portugais.

Rappelons qu’ensuite, le seul fils certainement légitime de Pierre Ier de Portugal, Ferdinand Ier étant mort en 1383, son demi-frère illégitime, Jean d’Aviz est devenu Roi de Portugal. Issu du Sang de France, il n’en faisait plus partie du fait de cette illégitimité et sa descendance n’est plus à considérer pour la succession de France. De même, les enfants et la descendance masculine issus de Pierre Ier et d’Inès de Castro n’auraient pas été considérés comme successibles en France puisque nés d’un hypothétique mariage secret.

Hugues Trousset[2] cherche à démontrer que les Bourgogne-Portugal ne sont plus des Capétiens ni des successibles car Ferdinand de Portugal, le fameux comte Ferrand de Flandres, a combattu Philippe Auguste lors de la bataille de Bouvines. Certes cela est vrai, mais que lui reproche-t-on ? Son attitude en s’attaquant au Roi de France, l’aîné des Capétiens dont sa branche est issue ou le fait qu’il est prince portugais ? Si on lui reproche d’être portugais, le vice de pérégrinité princier n’existant pas, et rien ne venant en ce sens dans les descriptions de la bataille de Bouvines, le cas est réglé. Si c’est son attitude, alors que dire de tous ces princes capétiens rebelles contre le Roi ? Des Ducs de Bretagne, de Bourgogne, d’Alençon et d’Orléans ont pris les armes contre le Roi, l’ont tenu en captivité, l’ont envoyé au supplice ou ont usurpé son trône… Si ces attitudes avaient un effet sur le droit de succession, alors les Orléans du passé en ont totalement destitué leurs descendants actuels.

Rappelons que Ferrand n’était pas le chef de sa branche, mais seulement le troisième fils du roi Sanche Ier de Portugal, qu’il a épousé Jeanne de Constantinople Comtesse de Flandres avec l’accord du roi Philippe Auguste dont elle était la pupille. Après sa libération, Ferrand fut fidèle au Roi de France et refusa de s’allier à Pierre Mauclerc, Duc capétien de Bretagne, lors de sa révolte contre Blanche de Castille. On trouverait dans les différentes branches d’Orléans des félons biens plus retors que celui-là !

Comme nous savons que tout cela n’a rien à voir avec le droit de succession, nous laissons là cet argument spécieux de M. Trousset, mais nous ne pouvons nous empêcher de trouver hallucinant qu’en l’employant il ne se rende pas compte qu’il fragilise les ambitions des princes dont il est manifestement la plume.

Mais il y a plus. Que savait-on des origines des Rois de Portugal, et plus précisément, eux-mêmes se savaient-ils Capétiens ? C’est loin d’être certain. Un exemple épigraphique de la chose est bien connu et rappelé par Guy Augé[3]. Emmanuel Ier de Portugal

La légende de l’origine Hongroise du Comte Henri de Portugal est une création d’une chronique aujourd’hui perdu la Cronica del rei dom Affonso[4] . Les chroniqueurs royaux trouvaient que l’ascendance paternelle de Henri n’était pas assez prestigieuse par rapport à celle de sa femme Urraque, fille illégitime d’Alphonse VI le Brave, Roi de Léon et de Castille, et ont donc inventé son lien de filiation avec la famille royale hongroise[5]. L’objectif de l’ascendance Hongroise était de relier Alphonse Henriques, fils du Comte de Portugal Henri de Bourgogne, à une dynastie fondée par un  Saint, le roi Etienne de Hongrie[6]. Rappelons que côté paternel Henri de Portugal n’était qu’un cadet de la branche de Bourgogne et seulement arrière-petit-fils du Roi de France Robert II le Pieux, à une époque où le prestige des princes des fleurs de Lys n’était pas encore aussi affirmé que sous Louis XIV. Par ailleurs, les chroniques des XIVe-XVe siècles peuvent  avoir délibérément occulté l’origine française des rois portugais à cause de l’alliance anglo-portugaise consacrés par les traités de Londres (1373) et Windsor (1386).

 Cette légende des origines Hongroise date donc du Moyen-Age, elle a ensuite été popularisé par un roman tardif de chevalerie la Cronica do imperador Clarimundo écrite par João de Barroset publié à Coimbra en 1522 et réimprimé à de nombreuses reprises (au moins 1555, 1601, 1742, 1790). Clarimond, un chevalier devient roi de Hongrie et empereur de Constantinople y est présenté comme l’ancêtre des rois de Portugal.

On retrouve cette idée dans les Lusiades de Luís de Camões (Chant VIII, 9)

«Olha estoutra bandeira, e vê pintado O grão progenitor dos Reis primeiros: Nós Húngaro o fazemos, porém nado Crêm ser em Lotaríngia os estrangeiros. Despois de ter, cos Mouros, superado Galegos e Lioneses cavaleiros, À Casa Santa passa o santo Henrique, Por que o tronco dos Reis se santifique.»

Il n’y a donc là rien qui puisse venir conforter les positions orléanistes, rien qui ne puisse s’accorder une seule  seconde aux interprétations aussi fallacieuses que fantaisistes que ces avocaillons et apprentis historiens de pacotille fondent sur cet exemple. Une recherche bibliographique simple basée sur quelques mots clefs en portugais (Hungria Borgonha, dinastia) sur Google et dans des moteurs de recherche d’articles universitaires m’ont donné accès à plusieurs ouvrages et articles qui expliquent parfaitement les origines de cette légende et son intérêt politique. Cela prouve que les orléanistes sont de déplorables historiens, incapables de faire une recherche bibliographique et de vérifier leurs sources. Ils ne savent que se recopier et propager encore et encore les mêmes erreurs.

 

Louis de Lauban

 

[1] Guy Coutant de Saisseval, La Légitimité monarchique en France, le droit royal historique, Paris, Éditions de la Seule France, 1959 ; Hugues Trousset, La légitimité dynastique en France, Grenoble, Éditions Roissard, 1987

[2] Avocat spécialiste du droit social individuel et collectif (notamment contentieux) et en droit des affaires (commercial, distribution et immobilier), toutes qualifications qui n’ont rien à voir avec le droit public et encore moins avec le droit royal traditionnel et le droit succession au trône de France

[3] Acta Litteraria Academiae Scientiarum Hungaricae, Volume 22, Budapest, 1980

[4] Filipe Moreira, A Cronica de Portugal, pp. 82-83 et Isabel Rosa Dias, “A cronica del rei dom affomso, fonte perdida da Crónica de 1419”, in Anais, VII EIEM – Encontro Internacional de Estudos Medievais (2-6 de Julho, 2007), Idade Media: permanencia, atualizacao, residualidade, org. Roberto Pontes e Elizabeth Martins, Fortaleza/Rio de Janeiro, 2008, pp. 552-562.

[5] Tiago Joao Queimada e Silva, As metamorfoses de um guerreiro: Afonso Henriques na cronística medieval, Dissertação de Mestrado em História da Idade Média – Espaços, Poderes, Quotidianos, Tese apresentada à Faculdade de Letras da Universidade de Coimbra, sob a orientação do Professor Doutor António Resende de Oliveira e da Professora Doutora Leontina Domingos Ventura Duarte Ferreira. Unniversité de Coimbra, 2011

[6] Carla Serapicos Silvério, Representações da realeza na cronística medieval portuguesa: a dinastia de Borgonha, Edições Colibri, Lisboa: Universidade Nova, 2004

 

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