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Dieu tue-t-il ?

Cet article a pour origine une opinion émise par un prédicateur novus ordo : il affirmait au cours d’une retraite l’idée que Dieu n’avait jamais tué personne, sans trop justifier, à commencer dans le Nouveau Testament. L’idée peut sembler jolie. Elle fait surtout un peu trop bisounours et dans l’air du temps pour ne pas être louche.

Car Dieu a tué dans l’histoire de nombreuses fois, que ce soit directement ou indirectement. Pensons en particulier au déluge, qui a éradiqué presque toute l’humanité d’un coup, ou plus prosaïquement à la destruction de Sodome et Gomorrhe. Indirectement aussi quand Dieu ordonne à Moïse d’exterminer telle ou telle ethnie.

Même dans le Nouveau Testament, Dieu se « tue » lui-même pourrait-on dire, puisqu’il décide lui-même de mourir sur la croix, et c’est bien lui qui rend son âme au Père – sinon il serait mort bien avant, peut-être dès l’agonie au jardin des oliviers.

Allons plus loin : la Providence tue tous les hommes sur cette terre en décidant de leur dernière heure. Encore plus loin : Dieu juge les âmes et en envoie beaucoup en enfer, ce qui revient à les priver de la vie éternelle et à les vouer à la mort éternelle. Enfin, à proprement parler, il faudrait dire que les âmes qui vont en enfer se condamnent toutes seules, car l’enfer est le refus de Dieu et de sa communion, et le refus de la miséricorde divine, encore que son acceptation, si elle peut sauver de l’enfer, n’exempte pas de l’expiation nécessaire à réaliser au purgatoire. Dieu, devant ce refus, est obligé, en un sens, de faire justice.

Bref, Dieu tue. Et alors ? Est-ce un problème ? Est-ce choquant ?

Certains semblent trouver l’idée si repoussante qu’ils ne peuvent même pas vouloir voir les faits de l’histoire sainte qui montrent des épisodes où Dieu tue directement ou indirectement, dans le sens terrestre du terme de « séparation du corps et de l’âme ». Or Dieu donne avant tout la vie éternelle, il est aussi la vie par excellence en ce qu’il nous donne l’existence. Mais il tue aussi concrètement. Il tue, sans détruire, l’âme est immortelle. Vouloir le nier reflète bien la situation de la société contemporaine qui nie toute forme de mort, veut la faire disparaître, l’oublier et ne pas y penser, au point qu’elle couronne une culture de mort et une société mortifère qui assassine sans ciller des millions de bébés et fait tout un tas d’horreurs contraire à notre dignité de créature faite à l’image de Dieu.

Cela témoigne de plus de la disparition de la vision surnaturelle sur le monde. Car mourir et tuer, que cela signifie-t-il, au fond ? Il s’agit de façon très précise de la séparation de l’âme et du corps qui termine notre vie sur cette terre et marque le « moment » ou notre avenir éternel se décide via le jugement particulier – tout nous sera compter, c’est la justice, mais dans la miséricorde tout aussi divine et infinie que la justice divine est parfaite, qui aime bien châtie bien.

Faut-il pour autant être choqué que Dieu ait pu tuer ? Alors qu’il est le bien suprême, la source de toute vie et de toute existence ? Ainsi que la Providence qui soutient notre existence à chaque instant en continuant de nous faire exister ? N’est-ce pas contradictoire ? Apparemment oui, mais en réalité non. Pourquoi ?

Car ce monde n’est qu’un passage, et la seule chose qui compte c’est notre salut éternel. Dieu le désire, et il nous donne tout pour ce faire : il ne force néanmoins pas notre volonté car nous devons coopérer pour obtenir la vie éternelle qui n’est rien d’autre que cette béatitude de vivre dans l’amour véritable de Dieu, dans sa contemplation pour l’éternité, qui demande notre adhésion complète et sincère – facile à dire mais quasi-impossible à imaginer concrètement.

N’oublions pas que du fait du péché originel, absolument grave comme l’offense par excellence faite librement par l’homme envers Dieu, homme qui a voulu devenir « comme des dieux », et a oublié de faire confiance à Dieu.

Cette offense et cette rébellion volontaire auraient dû, selon une justice exacte et inflexible, envoyer toute l’humanité dans l’enfer directement et sans détour. Enfer qui est par excellence le lieu de « l’absence de Dieu », la souffrance par excellence – car même en enfer les âmes continuent d’exister et leur être n’existe que soutenu par la Providence (le soin constant de Dieu envers ses créatures). Les âmes des enfers détestent ainsi ce qu’ils sont obligés d’être, des créatures de Dieu, en le sachant, et en se privant volontairement de la charité divine pour l’éternité.

Dieu aimait tant sa créature préférée pourtant, dans sa miséricorde infinie, qu’il nous donne la chance de nous racheter sur cette terre, ce court voyage, ce court passage. Après tout, le pêché a été opéré volontairement et en connaissance de cause par Adam (qui est le responsable, car il aurait pu rappeler son épouse à l’ordre, refuser la pomme et exiger la repentance de sa femme envers Dieu, mais il a été faible dans l’exercice de son autorité et a préféré laisser court à l’orgueil excité par le démon tentant la femme), certes, mais la source du mal vient du serpent, du démon, qui donne l’occasion du mal. Sans démon, pas de tentation, et sans tentation, l’homme n’aurait certainement même pas imaginé le mal. Ainsi l’homme déchu est bon par nature – puisque créé par Dieu – mais blessé par l’offense faite librement par l’homme (si ce libre-arbitre existe c’est bien qu’il est bon et nécessaire pour pouvoir vraiment aimer Dieu – on ne va pas dire qu’un couteau est quelque chose de mal car un jour quelqu’un l’a mal utilisé, c’est un outil fait pour un bien, et quand il est mal utilisé c’est bien la faute de celui qui fait le mal, pas du couteau, ni de celui qui a fabriqué le couteau pour son bon usage).

Ainsi les hommes déchus naissent par la grâce divine – nous pouvons nous multiplier et coopérer à la création dans la procréation – et meurent sur cette terre.

Or, sans Jésus-Christ, l’homme-Dieu, dans l’hypostase des deux natures divines et humaine, et son Incarnation et sa Rédemption par le sacrifice sur la Croix, pas de rachat possible de l’offense infinie faite à Dieu dans le péché originel – seul Jésus-Dieu peut racheter, et Jésus-Homme en même temps, il donne les effets rédempteurs de son sacrifice à tous les hommes, Il est le nouvel Adam, nouveau chef de l’humanité.

Donc, par conséquence, tant qu’un homme n’est pas en état de grâce – et avant la rédemption de la Croix, aucun homme ne pouvait entrer au paradis – il va en enfer, que ce soit le sein d’Adam pour les justes de l’Ancien testament ou autres limbes pour enfants mort-nés sans baptême – qui restent des enfers puisque l’on est privé de la vision de Dieu, même si seul la peine du Dam s’applique, et non celles du sens.

En ce sens, quand Dieu « tue » des gens sur cette terre avant la venue de Jésus, il ne fait rien d’autre que de tuer des gens déjà morts à la grâce, puisqu’ils ne peuvent pas être rachetés. Et après la rédemption, s’il tue quelqu’un en état de grâce, il lui assure le paradis, donc c’est en fait une grâce immensément miséricordieuse – comme la mort d’un enfant après un baptême-, et quand il tue quelqu’un qui ne l’est pas – mais cela personne sur terre ne peut jamais le savoir, seul Dieu sait – c’est pour un plus grand bien, ou par miséricorde pour d’autres âmes en évitant les méfaits d’une âme qui se condamne mais qui veut aussi entraîner d’autres âmes en enfer, par exemple.

Bref, il ne faut pas se scandaliser outre mesure des morts, car la mort terrestre, si importante qu’elle soit puisqu’elle décide de notre éternité, n’est que relative justement à cette éternité et à la vie au paradis ou en enfer. Mourir à cette vie n’est pas un drame en soi : en état de grâce, au contraire, c’est une joie – pour les martyres, c’est patent, ainsi que pour les grands saints -, dans le cas contraire c’est un drame. Si nous sommes tristes et que nous avons peur de la mort, quel que soit la foi d’ailleurs, c’est bien que la blessure du péché originelle inscrite en nous nous rappelle notre faute passée, et notre nature créée par Dieu nous manifeste qu’il n’est pas normal que nous mourrions et que nous sommes faits pour la vie éternelle. C’est de plus une phobie naturelle, car nous savons ainsi instinctivement que sans la grâce la mort sur cette terre sera éternelle. Mais pour les chrétiens, nous connaissons le don de la Rédemption, donc il n’y a pas à avoir peur.

Alors associons-nous toujours plus étroitement dans le sacrifice de la Croix à Jésus, notre chemin, notre vérité et notre vie, et profitons des sacrements, qui sont ces parcelles pures de vie divine données pour notre salut, afin de nous présenter le moment venu dans le meilleur état possible.

Paul-Raymond du Lac

2 réflexions sur “Dieu tue-t-il ?

  • PELLIER Dominique

    Je veux croire qu’il faut vraiment que nous fassions le mal à une échelle inimaginable pour provoquer la colère de Dieu au point qu’Il nous détruise comme Il a détruit Sodome et Gomorrhe, ou qu’Il ait provoqué le déluge. A voir al méchanceté des hommes, peut-être pas plus aujourd’hui qu’hier, je me dis que Dieu a mille et mille raisons de nous détruire encore une fois. MAIS, nous sommes désormais sous Sa grâce, grâce à la Croix, ne l’oublions pas. Obéissons-Lui, premièrement et tout ira bien !!!!

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  • Votre vision de l’homme “âme/corps” pousse à croire que la mort vaut mieux que la vie. Êtes-vous d’accord ? Si non, comment ne pas en arriver à une telle conclusion ?

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