Editoriaux

Europe de la défense, le grand naufrage

L’armée est encore la grande oubliée de la vie médiatique française. De temps à autre, elle fait la une des journaux. Qu’il y ait des dissolutions de régiments ou des morts dans un pays lointain… Parfois, on ne parle même plus que d’elle, avant qu’elle ne retrouve le silence sépulcral des casernes. Dans l’indifférence, l’Etat la grignote, l’affaiblit et nous rend sans défense. 

Le livre blanc a été l’occasion de présenter l’état général des forces françaises. Mais tous les chiffres sont faux (encore une farce) ! Le nombre de chars est une projection, celui des sous-marins ne mentionne pas que la plupart sont en bout de course et que rien n’est prévu pour les remplacer, celui des avions et des hélicoptères ne tient pas compte de l’état réel des appareils, etc. Jusqu’à l’estimation des effectifs pour la réserve, qui ne manque pas de faire sourire.

Tout cela n’aurait de conséquences que pour nous, si nous pratiquions le splendide isolement diplomatique. Or, il me semble bien que la France a des alliés, dont la plupart est sur le continent européen. Et eux aussi désarment. C’est l’incompréhension majeure de l’Europe de la défense. Il n’y a pas de plan commun, les Etats ont détruit chaque année un peu plus leur capacité de défense, pensant s’appuyer sur les autres, notamment la France et le Royaume-Uni. Notre voisin insulaire, comme nous, réduit au minimum ses moyens militaires, en s’appuyant sur l’OTAN.

S’appuyer sur l’OTAN est un cruel aveuglement, qui pourrait bien se retourner contre nous. En effet, cette pratique dangereuse est étayée par le principe de solidarité entre les alliés, qui normalement conduit les uns à soutenir les autres dans ses équipées diplomatiques et militaires, comme cela était le cas avant la premiere guerre mondiale. Mais ces pratiques sont bien differentes aujourd’hui. La solidarité entre les nations n’est plus qu’un vain mot. Non seulement la France n’est pas soutenue par ses alliés dans ses opérations de rétablissement de la paix en Afrique, mais elle-même ne vient en aide à ses alliés que selon ce qui l’arrange. Ainsi, nous sommes seuls au Mali, comme les Britanniques étaient seuls au Sierra Leone. L’exemple vient de loin. En 1956, à Suez, contre toute attente, au lieu de nous venir en aide, nos alliés les Américains ne nous ont pas soutenus, par anticolonialisme. 

La fourberie, en diplomatie comme dans les relations humaines, n’est jamais payante à long terme. Les Américains durent faire face à des Etats arabes favorables à l’URSS, après avoir eux-mêmes contribué à nous chasser de la région. Aujourd’hui, il suffirait de bien peu pour que l’Europe désarmée se trouve seule face à ses ennemis, alors que l’OTAN ne sert que des objectifs de défense en rapport avec les intérêts des Etats-Unis. S’il prenait l’envie à l’Argentine de recommencer les Malouines, le Royaume-Uni ne pourrait faire valoir ses droits. Et qui le soutiendrait ? Pas nous en tout cas ! De même, si le Brésil voulait entrer en Guyane pour régler leur compte aux trafiquants qui œuvrent dans la jungle, nous ne pourrions rien faire, et les Américains en seraient trop heureux. 

Il serait temps que l’Europe prenne conscience des conséquences de sa politique de désarmement, et que les Etats renouent entre eux la chaîne de solidarité qui leur donnera cette merveilleuse liberté qu’est l’indépendance.

Charles

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