Littérature / Cinéma

Guerilla, ou la prophétie de Laurent Obertone sur la guerre civile qui vient

Il y a ces livres qui nous saisissent autant qu’ils nous giflent. Ces livres que l’on ne peut reposer, et que l’on parcourt inlassablement, sans que rien ne nous en détache, pas même le sommeil, mais dont chaque page est une claque monumentale à notre tranquillité.

« Guerilla », de Laurent Obertone, est de ceux-là : une chronique passionnante et violente, qui nous tient en haleine mais que l’on referme parcouru de frissons et empreint d’un inextinguible malaise.

Véritable best-seller, l’ouvrage est cependant boudé par les salles de rédactions. Et pour cause, l’auteur n’en est pas à son premier coup : après un premier essai majeur, « France Orange Mécanique », publié en 2013, lui aussi succès phénoménal et dans lequel il analyse l’insécurité en France et prend à contrepied la doxa des médias dominants, Laurent Obertone, aujourd’hui âgé de 32 ans, dispose d’un passif très lourd pour nombre de journalistes.

En 2014, il publiait son deuxième ouvrage, « Utøya », qualifié par le Nouvel observateur « d’éloge littéraire d’Anders Breivik ». Puis, en 2015, « France Big Brother » attaque en règle le politiquement correct, véritable dictature douce qui s’impose et conditionne les individus, à travers les médias, mais aussi dans les entreprises, dans les foyers…

Dès lors, on comprend mieux la véritable chape de plomb posée sur un ouvrage en rupture de stock peu de temps après sa parution. Laurent Obertone dérangeait déjà ; son roman doit susciter d’autant plus l’agacement. Raison de plus, s’il en fallait une, pour le lire.

Tout commence dans une « cité sensible » : une bande de voyous tend un traquenard à une équipe de trois policiers, deux hommes et une femme. Ceux-ci n’osent pas réagir, connaissant les possibles répercussions : mise au ban médiatique, sanctions disciplinaires, radiation des cadres, procès… Le brigadier tente de négocier : peine perdue, les racailles l’assassinent, sommairement. Alors, tandis que la policière demeure tétanisée, son collègue use de son arme, et abat les meurtriers.

Alors tout s’embrase, la cité se révolte et le feu se répand : progressivement, toutes les cités s’insurgent les unes après les autres et ce qui n’avait commencé que par une « bavure policière », prend progressivement les traits d’une guerre civile.

Mais ce n’est pas là le plan le plus dérangeant, voire traumatisant, du roman. Laurent Obertone a mis dans son écriture tout le travail d’enquête qu’il a effectué, aussi bien sur la barbarie montante d’une société en voie d’ensauvagement, que sur le « conditionnement » qu’elle subit dans le même temps. France Orange Mécanique et France Big Brother rassemblés dans une fiction terriblement anxiogène.

Car, dans le roman d’Obertone, la France reste amorphe devant l’escalade de violence en provenance de ses banlieues. Pire : plus qu’amorphe, elle devient en partie complice de sa propre destruction. Car, alors que les voyous pillent, détruisent, violent et tuent, parfois même devant l’objectif des caméras, le pays réel est abreuvé du déni permanent des journalistes, des politiques, des professeurs, des « militants associatifs », etc.

Il y a cette « blogueuse » d’extrême gauche, féministe, antiraciste, enfermée dans ses certitudes, accusant « l’Etat raciste » et se rendant dans une des banlieues à feu et à sang pour « couvrir » l’évènement. Même sous les coups des voyous insurgés, même après qu’un de ses amis d’extrême gauche aura été tué par une racaille, elle continuera à rejeter toute la faute du drame sur les policiers derrière lesquels elle se réfugiait pourtant.

Il y a cette femme, professeur de lycée, appréciée par sa hiérarchie pour ses initiatives pédagogistes et sa campagne « le respect nik tout » (sic) finalement obligée de fuir sa propre classe lorsqu’une bagarre se déclenche avec pour cible l’un des seuls élèves « babtous » également fils de policier.

Il y a ces militants gauchistes, pensant tirer parti de l’anarchie ambiante, participant au pillage de la France, et usant de violence extrême contre d’autres Français : usagers d’autoroutes, prolétaires dans leurs usines ou leurs abattoirs (cibles des militants « vegans »). Mais ils sont incapables d’opposer la moindre résistance à leurs « frères » de banlieues, même lorsque ceux-ci les massacrent impitoyablement quand leurs routes se croisent.

Il y a ce militant d’ultra-droite, gorgé de violence et de haine, collectionnant les armes comme d’autres les timbres. Lorsque tout bascule, il choisit d’utiliser sa rage, non pas pour défendre les faibles, comme son grand-père qu’il abandonne car celui-ci ose sauver la vie d’une petite fille métisse, mais pour contribuer au carnage contre d’autres Français qu’il estime responsables du drame.

Il y a ces terroristes islamistes qui, ne voulant pas perdre le monopole de leur terreur, porteront le massacre jusque dans les villages les plus reculés du pays.

Et puis il y aura la France, finalement privée de tout : de police, car celle-ci n’aura plus le droit d’intervenir et qui seront de toute manière confinés dans leurs commissariats par des « rondes citoyennes » ; d’armée, car les militaires qui voudront aller se battre pour défendre leur pays seront fusillés ; d’Eglise, car celle-ci prendra le parti des émeutiers ; et de services publics enfin, car ceux-ci ne trouveront bientôt plus de volontaires prêts à aller mourir pour en assurer la continuité. Et le pays sera plongé dans le noir et le silence, sans électricité, sans moyens de communication, les routes et les villes jonchées de carcasses de véhicules et de cadavres, pullulant de criminels et de pillards.

L’élément que l’on retiendra, c’est le déni. Tout au long de l’intrigue, la sauvagerie, la violence, la malfaisance de ces mouvements émeutiers, auxquels se joindront les terroristes et les migrants que le politiquement correct appelle dans le roman les « itinérants », seront niées, minimisées, étouffées. On craindra d’apporter crédit aux thèses d’extrême droite, alors on taira les informations, on atténuera la violence des images, on instillera le doute. Finalement, et alors même que le chaos se répandra, alors même que le Président de la République finira lynché par une foule d’émeutiers lors d’un hommage aux victimes de la « bavure policière », jusqu’au dernier souffle, certains nieront la sauvagerie vomie par ces « mouvements de protestation ».

On peine à ressentir de la pitié pour certains protagonistes : en fait, on se surprend parfois à penser, en dépit de toute la charité chrétienne qu’il peut nous rester au terme de ces pages, à considérer qu’ils n’ont eu que ce qu’ils méritaient. Mais le malaise que l’on ressent tient au fait que, en dépit de l’incroyable du scénario, tout reste plausible, tout reste crédible.

Certes, l’intrigue se déroule en accéléré : le roman raconte que la France s’effondre en trois jours. Certes, certains éléments semblent caricaturaux. On répondra que c’est une caricature au sens premier du terme : un grossissement des traits pour les rendre plus saillants. Mais ces traits existent, l’auteur ne les invente pas. Nous reconnaissons, à travers les portraits brossés des journalistes, cyniques ou idéologues, de la « blogueuse » féministe, des militants gauchistes, du personnel politique veule et minable, la France de notre époque. Laurent Obertone ne fait qu’exagérer, pour les rendre plus odieuses encore, les caractéristiques de ses personnages. L’ouvrage est un électrochoc, violent, dérangeant, mais redoutablement efficace.

On aura la liberté de vouer « Guerilla » aux gémonies, parce qu’on ne voudra pas voir l’horrible vérité qu’il porte, en l’exagérant certes mais parce qu’il la romance. Qu’importe, la cécité idéologique est un mal Français depuis plus d’un siècle : dans notre pays, on n’a jamais cessé de chanter « tout va très bien madame la marquise. »

« Guerilla » est une fausse note, parmi toutes les autres fausses notes qui émaillent le champ politico-médiatique de ces dernières années. Souhaitons que tous ces « couacs », enfin, fassent s’arrêter la musique… avant que « Guerilla » ne devienne réalité.

Stéphane Piolenc

Laurent Obertone, 2016, Guerilla, le jour où tout s’embrasa, Ring, 414 pages, 19,95 euros.


Guerilla – Laurent Obertone – BANDE ANNONCE… par Editions_Ring

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