Histoire

[Saga Autarcie] Article 4 – Autarcie, question de point de vue

L’étude suivante se compose de 18 articles se suivant, à paraître à rythme hedomadaire. Articles précédents

Article 1 de la saga: L’autarcie au Japon ou le Sakoku 鎖国, première approche

Article 2 de la saga:  Les origines de l’autarcie nipponne

Article 3 de la saga:  Les origines du mot  d’ « autarcie » au Japon 

 Il se trouve que Kaempfer va en réalité se faire grand thuriféraire de l’autarcie qu’il voit au Japon, en peignant un pays harmonieux avec une population heureuse. Il commence cependant son livre par une présentation des poncifs de son temps, allant contre l’autarcie, dans une critique bon teint, puis continue sur une série d’arguments pour l’autarcie, chose que le traducteur Shizuki commente ainsi, suivi de l’explication postérieure de l’auteur Kobori:

 « « Le passage précédent présente le bien-fondé de la politique du Sakoku. Nous commerçons dans le port de Nagasaki avec la Chine et la Hollande, et donc il n’est pas vrai de dire que notre pays royal n’a pas de commerce extérieur. Et pourtant, du point de vue européen, cela ne suffit pas, dirait-on, à constituer un commerce extérieur. »

Ce commentaire ne fait rien de plus que de présenter avec limpidité une réalité, et pourtant on peut découvrir sous la plume de cet érudit comme la remarque que, malgré l’isolement, nous avons une porte d’entrée des sciences occidentales [la preuve par la traduction même qu’il réalise] et l’avertissement aussi que les occidentaux ne voient pas ce commerce comme une ouverture suffisante. 

[Shizuki parle] « Le sens de ce passage signifie en bref que les différentes contrées du globe sont comme les étoiles de l’univers qui se trouvent dans le même espace et possèdent la diversité des langues, des races, des coutumes, des manières avec leurs spécificités et leur spécialités. Il continue en soulignant que ce n’est pas parce que tous ces pays sont sur la même planète que cela implique une quelconque nécessité de commercer avec un autre pays. De plus, le Japon avec sa multitude d’îles, s’il n’est pas la planète entière, constitue comme un petit monde dont chacune des îles est un pays qui commerce avec le reste de l’archipel, et peut se déplacer dans ce cosmos pour se former et se forger. Il n’y a aucune raison d’aller s’exposer au danger du voyage dans les lointaines mers. On pourrait même dire qu’aller si loin ne pourrait qu’apporter que malheurs, et seuls les objets de grande nécessité que nous n’avons pas peuvent nous obliger à commercer à l’extérieur. Et encore, ce pays royal produit tout ce qui est nécessaire à la vie, et possède toutes sortes d’excellentes techniques, qui rendent tout commerce extérieur caduc. Et encore naguère, du fait de la dégradation des mœurs due aux étrangers et le pillage de ses biens, il leur a fallu couper tout lien avec l’extérieur. C’est pour toutes ces raisons que le sakoku est juste et profitable. C’est le fait d’un prince éclairé qui mène à bien sa décision pour le plus grand bien de son pays, et cela est bien digne du pays royal parmi les pays royaux. Ainsi parle Kaempfer.»»[1]

Nous remarquerons à quel point l’autarcie pouvait posséder une composante relative : là où les occidentaux voyaient une autarcie stricte, les nippons remarquaient qu’ils commerçaient avec les hollandais et les chinois à Nagasaki, et que donc le pays n’était pas fermé, tout en possédant une fenêtre sur les progrès de l’Occident – facteur d’ailleurs décisif qui explique en grande partie pourquoi le Japon a pu rattraper l’Occident en quelques décennies par la suite : ils ne partaient pas de zéro sur le plan technique et avaient déjà eu le temps de digérer un certain nombre de nouveautés techniques. Il infirme aussi la conception de nécessité du commerce, en rappelant que le Japon, archipel aux milliers d’îles, constituaient en soi un cosmos qui se suffisaient a lui-même et qui, au sein de ces innombrables îles et pays, s’adonnaient à un commerce puissant et dynamique. Question d’échelle et de degré, dont la réception différait largement à cette époque entre Japonais et Occidentaux. C’est d’ailleurs certainement pour cela que le mot d’autarcie n’existait pas au Japon avant l’introduction du mot occidental : on n’avait pas conscience de faire une politique d’autarcie, puisque, déjà, le cosmos Japon n’était pas fermé en son sein, qu’il possédait des relations avec l’extérieur, et fut le fruit d’une série de décret, progressivement, dont la fin ne fut jamais l’autarcie pour l’autarcie, mais la protection du pays :

 « Comme nous l’avons rappelé en introduction, le concept, l’idée de sakoku n’existait pas chez ceux qui ont amorcé cette politique. Comme le rappelle Sabata dans son papier, le système de sakoku s’est fixé au gré des édits successifs, commençant d’abord par celui interdisant les chrétiens, puis celui interdisant le voyage au loin à tout Japonais, puis celui interdisant le retour des Japonais résidant à l’étranger, celui interdisant l’accueil des bateaux portugais. Les Anglais se retirèrent ensuite d’eux-mêmes en 1623, reconnaissant leur défaite face aux hollandais, puis les relations commerciales avec l’Espagne furent interrompues l’année suivante. En l’espace de 30 ans, on se rend compte que seuls les bateaux hollandais et chinois ont conservé le droit de commercer, ce qui donne l’impression que cette volonté pour le bien du pays était clairement consciente dès le départ. Il a fallu ensuite attendre plus de 100 ans l’époque de Shizuki Tadao pour que la conscience du Japon comme une nation « qui se trouve fermée » commence à germer. Si on me permettait, je dirais que le très strict régime du sakoku ne fut pas le résultat d’un plan préétabli. L’objectif de cette politique reposait uniquement dans la volonté d’interdire le christianisme, dont les modalités pratiques mises en place progressivement pour arriver à cette fin se retrouvèrent finalement constituer les « lois fondamentales » du régime des Tokugawa ainsi que cette dynamique de conservation de ces lois. On peut dire que, à l’insu de tous, ce régime devint d’une fixité inamovible, poussant ainsi les Japonais dans le sakoku, sans que personne ne s’en rende véritablement compte. »[2]

 

[1] Ibid, p.137/138 志筑« 惣て右の一段は鎖国甚だその理あることをいへり。通商の事今猶我長崎に於て唐、和蘭陀の交易あれば、皇国といへども絶えて外国通商なきにはあらず。されどこれらは欧羅巴の眼より見れば通商といふに足らず。これはまことに平淡に現実の有り様を述べたものに過ぎないが、碩学志筑の筆から洩れた一文としてみる時は、鎖国といえども蘭学取入れの窓口はちゃんと開いているぞ、という注意換気の言のようにも聞こえ、同時に現在のような交際があるというにも値しないのだ、という警告のようにも響くところが興味深いというべきか。 右通編の大意を按ずるに、諸国の中間に連山河海あるは、諸星の中間に游気あるが如く、世界に異語、異習、意趣の諸俗あるは、天上に異種、異性、殊状、殊品の衆星あるが如し。然れば同じく一地球といえども、必ずしも万国皆相通すべきの理にあらず、通交せざるを以て無道なりとすべからず。皇国はその無数の島嶼を以て、地球の万国に応ずるなれば、これ一個の小地球なり。是等の島嶼の人、互いに若干の海陸を経て通交通商するときはこれ既に国中にありて遊行奇観の楽あり、亦何ぞ必ずしも遠く大洋の危険を犯して異域に出るをもて歓楽とせん。さる業をこそ却って不幸なりとはいふべけれ、但し遂生の具に不足なるものは、異国に通商せざること能はず。皇国の如き、有用の具を寛満せるのみならず、更にまた許多の大奇特あり、これ其通交を用いざる所以なり。曽て異国人の為に風俗をそこなはれ財宝をぬすまる。これ其通交を絶つ所以なり。然らば鎖国に一件、本よりこれ大に義あり利あるの務なり。明君頻りに起こり給いてこの事決定成就し給ふに至る、是又皇国皇国たる所以なるべし、検夫爾が意蓋しこの如し。 »

[2]  Ibid, p.166 « 本書の冒頭でも見ておいた如く、初めに「鎖国」という思想・概念があったのではない。鯖田氏も該論文中で述べているように、切支丹宗門の禁止、日本人の海外渡航禁止、在外日本人の帰国禁止、がれうた船(ポルトガル船)の来航禁止など次々と発令して次第に鎖国の体制が固まっていったのであり、イギリス商人はオランダとの競争に負けて自ら撤退し(一六二三年)、スペインとは翌年通商関係を断絶した。それからものの三十年もたってみると、日本に来航する外国船は清船(十七世紀前半までは明船だが)とオランダ船のみという現状があたかも国是としてそう決められてあったかのように意識された。更に百年余りを経た志筑忠雄の時代には、国家としての日本が「封鎖されている」という認識が出来上がっていたのだった。もしこのような言い方が許されるとすれば、「鎖国」という強硬な体制は作為的な体制ではなかった。もとはと言えば切支丹宗門の禁圧が目標であり、そのための現実的に有効な手段を次々と講じているうちに、それが徳川政権下のひたすら「祖法大事」の保守的姿勢と結びついて、いつの間にか確乎として動きのとれぬ体制にまで硬化していた、つまり日本人は知らぬ間に鎖国の中に追い込まれていた、といった感じである。 »

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