Louis XIV et Marie-Thérèse d’Autriche. La révélation d’un couple – 5

25 janvier 20206 mai 2020 Jean de Fréville

Les actes des communications des sessions du centre d’études historiques paraissent une fois par semaine, chaque samedi. Les liens des communications en bas de page.

Les précédents textes de la conférence « Louis XIV et Marie-Thérèse d’Autriche La révélation d’un couple » sont disponibles ici :

Louis XIV et Marie-Thérèse d’Autriche La révélation d’un couple – 1

Louis XIV et Marie-Thérèse d’Autriche La révélation d’un couple – 2

Louis XIV et Marie-Thérèse d’Autriche La révélation d’un couple – 3

Louis XIV et Marie-Thérèse d’Autriche. La révélation d’un couple – 4

Centre d’études historiques

Cycle « 1661, la prise de pouvoir par Louis XIV. »

Actes de la XVIII^e session du Centre d’Études Historiques (7 au 10 juillet 2011)

Collectif, Actes de la XVIII^e session du Centre d’études historiques, 1661, la prise de pouvoir par Louis XIV, CEH, Neuves-Maisons, 2012, p. 189-214.

Par Joëlle Chevé, historienne et journaliste

La vision des vaincus

Pour reprendre une expression citée par Jean-François Dubost, l’épouse de Louis XIV a été non seulement victime de la fascination des historiens pour son époux, mais aussi de « la vision des vaincus », qu’il définit comme « la marginalisation rétrospective de ceux qui semblent s’être égarés en dehors du sens de l’histoire »¹. Dévote et superstitieuse, hantée par le péché et la volonté de « s’humilier sur le trône », cette reine modèle de la Réforme catholique semble appartenir à une sorte d’âge magique où le merveilleux l’emporte sur le réel, la croyance sur le rationnel. Le Siècle des Lumières s’avance déjà qui, contre Pascal, affirme qu’un roseau croyant ne peut pas être un roseau pensant. Quant à son orgueil dynastique, notre conception de l’égalité nous la rend totalement étrangère sinon même antipathique C’est oublier que la société d’Ancien Régime repose sur ces deux colonnes, préjugé de naissance et pouvoir de droit divin, et, qu’à cet égard, même ceux qui s’agacent de sa soumission béate devant le roi, s’inclinent devant sa grandeur Les féministes d’aujourd’hui ont toute raison de s’indigner de la mise en tutelle des femmes à cette époque et de leur statut d’éternelles mineures, mais l’on aurait bien étonné Marie-Thérèse en lui laissant entendre qu’elle était dans une situation d’infériorité à l’égard de son mari, l’égalité de leur naissance et la complémentarité de leurs rôles, épuisant, à ses yeux, tout ce qui faisait la singularité de leur couple. D’autant que, on l’oublie trop souvent, elle est née en un temps -finissant- où les femmes « tenaient le monde occidental »². Régentes en France, en Espagne ou dans le Saint-Empire, reines en Angleterre, gouvernantes aux Pays-Bas… Marie-Thérèse est entourée de grand-mères, belle-mère, tantes, sœurs, cousines, qui ont régné, règnent ou règneront, si l’occasion s’en présente. Elle a eu sa chance, mais on ne refait pas l’histoire, et sa mort, trente ans avant celle de Louis XIV, ne lui a pas permis d’exercer une régence au plein sens du terme. Mais on peut présumer qu’elle aurait été à la hauteur de la situation, au moins autant qu’Anne d’Autriche qui n’avait montré, avant la mort de Louis XIII, aucune disposition particulière pour les affaires publiques. Quant à l’amour, nos conceptions de ce qui lie un couple aujourd’hui, et notamment le lien sexuel, ne nous permettent pas toujours de comprendre que nos ancêtres ne fonctionnaient pas sur les mêmes schémas, particulièrement dans les grandes dynasties. Toutefois, Marie-Thérèse, en revendiquant l’amour de Louis XIV, et pas seulement son affection et son respect, se montre d’une certaine façon « moderne », car dans ce type d’attente elle est proche de notre sensibilité. Reste qu’elle a partagé avec son mari tout ce qu’une reine non régnante pouvait ambitionner de partager, que Louis XIV n’a jamais songé à ce qu’elle ne fût rien auprès de lui, et que tous deux ont incarné les années les plus gaies, les plus splendides et les plus fécondes du règne, de 1660 à 1683. Mais laissons le dernier mot à Louis XIV : « Le ciel me l’avait donnée comme il me la fallait »…

1 Jean-François Dubost, Marie de Médicis, La reine dévoilée, Payot 2009.

2 L’expression est de Pierre Babelon.

Communications précédentes :

Préface : http://vexilla-galliae.fr/civilisation/ histoire /2653-ceh-xviiie-session-preface-de-monseigneur-le-duc-d-anjou

Avant-Propos : http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2654-ceh-xviiie-session-avant-propos

La rupture de 1661 (1/3): http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2663-la-rupture-de-1661-2-3

La rupture de 1661 (2/3): http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2664-la-rupture-de-1661-2-3

La rupture de 1661 (3/3): http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2684-ceh-la-rupture-de-1661-3-4

De Colbert au patriotisme économique (1/3)

De Colbert au patriotisme économique (2/3)

De Colbert au patriotisme économique (3/3): http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2693-ceh-de-colbert-au-patriotisme-economique-3-3

1661 : transfert de la Cour des aides de Cahors à Montauban (1/3)