CivilisationHistoireIdées

L’éducation : une histoire de famille et une histoire divine (5)

L’éducation, une affaire de famille, une affaire royale, une affaire divine

Au fil du livre : Tadashi SHIGA, Histoire de l’éducation dans l’antiquité japonaise(日本古代教育史), Tôkyô, Chiyoda Shobo, 1977

Cercle sur l’éducation Communication première – Préhistoire Japonaise – 6

Articles précédents :

L’éducation, une affaire de famille, une affaire royale, une affaire divine – 1

L’éducation, une affaire de famille, une affaire royale, une affaire divine – 2

L’éducation, une affaire de famille, une affaire royale, une affaire divine – 3

L’éducation, une affaire de famille, une affaire royale, une affaire divine – 4

L’éducation, une affaire de famille, une affaire royale, une affaire divine – 5

Saga précédente de notre contributeur:

https://www.vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/saga-autarcie-article-18-conclusif-l-union-necessaire-dans-la-royaute/

La longue expérience qui résulte de ces transmissions dans la famille élargie met en place une dynamique fondamentalement positive, où les parents veulent transmettre et les enfants recevoir, entre liens du sang, liens de la terre, et liens avec le divin. Nous remarquons de plus cette importance d’une sorte de mécénat que le privilège permet en assurant la sérénité à une lignée, ce qui leur permet de se consacrer complètement à leur art.

 

« Comme cette maison particulière ou cette maison élargie qu’est la Ujizoku possédait des techniques et un savoir spécifique à transmettre, il devient inéluctable que tant les jeunes qui apprennent, que les pères, mères et les adultes du pays qui enseignent se voient pris d’une ardeur toute particulière dans l’apprentissage et l’enseignement. Ardeur et zèle encore renforcés par les liens de la terre et du sang, pour donner une éducation réalisée avec une finesse extrême. »[1]

 

Peut-être est-ce d’ailleurs la seule façon d’éviter l’assèchement de l’éducation qui peut avoir tendance, surtout quand elle se concentre par trop sur la connaissance purement intellectuelle, dans la passivité des savoirs, de juste chercher à conserver en perdant la flamme, la spontanéité et l’énergie première qui préside à la vitalité humaine et à ses œuvres, vitalité d’essence divine, tout en usant du sentiment naturel de l’homme de transmettre à sa descendance. Dès qu’il y a une éducation qui devient peut-être trop instruction, ce risque d’assèchement devient inéluctable :

 

« Après cette période de grande effervescence, deux siècles s’écoulent pour laisser la place au chamboulement de « la grande réforme et changement » du milieu du septième siècle. Cette époque voit la formation d’organisations et de systèmes, l’introduction des caractères qui en font une époque historique, où l’on réfléchit aussi aux époques passées. Elle succède avec brio à l’époque précédente des héros, on se souvient des tertres funéraires en serrure, comme des îles flottantes oniriques puis ces tombes rondes. Succède ainsi à une époque vigoureuse, positive et pleine de jeunesse qui ne tolère ni contraintes ni compromissions, une autre époque qui prend soin des acquis, les conserve passivement, remplaçant ancienne vigueur et spontanéité par une époque d’intellectuels et de jeunes nobles bohèmes, comme l’illustrent ces examens de fonctionnaires. L’énergie vitale et spirituelle à l’origine de cette vigueur et de cette ambition de jadis s’épuise. C’est le fardeau inévitable de la culture et de la civilisation, et ce qu’on peut appeler le mal nécessaire que contient toute éducation humaine. »[2]

 

Le risque de la « civilisation » et de l’écriture se trouve dans son charme même de sa facilité de figer les choses. Se souvenir et revenir, certes, mais autant que faire se peut dans une vivace oralité qui conserve et nourrit la dynamique que l’on pourrait dire divine. Encore une différence saillante que l’on retrouve entre Eglise catholique et protestantisme : si la première insiste, à la suite de Jésus, que la Parole est avant tout parole, et donc doit être écoutée et transmise oralement, d’où la nécessaire lecture des textes, les protestants s’obsèdent du texte écrit, qui ne devrait pourtant être que le support aide-mémoire, mais qui reste lettre morte tant qu’elle n’est pas parole vivante. Une civilisation ne devient ainsi véritablement talentueuse et exceptionnelle que quand elle parvient à sublimer le fardeau de la conservation pour en faire une continuation des œuvres, en passant d’un enseignement désincarné à un autre incarné et dirigé vers une fin divine et irriguée d’énergie.

 

Petite digression encore sur le lien entre l’ancienne religion magique, qui se trouve toujours liée à la religion postérieure, et du rôle absolument sacerdotal du roi qui se trouve comme la jonction entre la terre et le ciel.

Il existe apparemment un lien entre chamanisme mandchou et religion primordiale nipponne, qui pouvait peut-être aussi ressembler à certaines religions des indiens d’Amérique, voire à l’ancienne religion franque ou gauloise païenne:

 

« […] Le mot Shaman viendrait de la langue mandchou Saman, en étroit rapport avec la Samarambi, qui désigne un état de transe qui se manifeste par des danses. La particularité principale du shaman est qu’il danse comme un fou, en état de transe, sans cesse. »[3]

 

Et sur le rôle de la Reine, au rôle sacerdotal certain et essentiel :

 

« A cette lumière, nous pouvons remarquer que la Reine est non seulement une miko qui se laisse posséder par les dieux, mais aussi le pontife sacerdotal qui dirige les cérémonies. Et comme je l’ai montré ailleurs, jouer du koto servait à inviter les dieux. C’est une chose classique que l’on trouve dans le shamanisme, où un instrument, ici le koto, sert à demander un oracle divin, et se trouve être le médium de la descente divine. »[4]

 

Pour conclure cette partie nous citerons encore Shiga Tadashi, qui voit l’éducation comme d’abord une affaire religieuse, qui trouve sa source dans la piété familiale :

 

« Vénérer cette mystérieuse et absolue partie divine contenue dans la vie des hommes trouve son aboutissement dans l’éducation des enfants, qui consiste avant tout dans l’exercice appliqué, pieux et sacré du service et de la dévotion au divin. On ne peut que rester coi d’admiration devant cette volonté pieuse de la majesté de la vie et du respect de l’homme. »[5]

 

On pourrait presque dire que les enfants ont cette chance de posséder une sensibilité naturelle au divin, peut-être bien plus grande que celle des adultes, du fait même de leur faiblesse naturelle, et de la force des liens qui les relient à leur famille et au monde. Un devoir des parents serait donc de développer ce sens du divin, l’aiguiser et en faire prendre conscience pour éviter de tomber dans la démesure en grandissant, souvent provoqué par une sorte d’émoussement handicapant de la perception du divin.

[1]     Ibid,p.48 « ましてその家、その氏族が拠って立つ専門の知識技能の伝習とあれば、伝授する父母や地域の成人たちも、就いて学び習う少青年たちも意欲的にならざるを得まい。まして、教えるものと習うものとが同じ血縁地縁に連なるだけに、そこにはまことに機微に触れた教育が行われたことは必定である。 »

[2]     Ibid, p.114 « こうした溌刺たる盛り上がりを見せる時代の幕は下りて二世紀を経て七世紀の半ばにいたって、大化改新で舞台は転廻する。それは組織化・制度化の時代であり、輸入された文字文書による歴史の時代であり、これまでも反省の時代であり、中国の学問文化と生産技術と仏教を迎え入れての文明の時代であった。それは先の英雄時代に適わしく、夢の浮島の如き前方後円の古墳は人間の時代の到来を思わせ、かつてのような小さくまとまった円頭形の墓に代わる。何物も抑圧したり、捻じ曲げることを許さぬ若く逞しく、積極的な若者の時代に代わって、現実を大事にしようとする保守消極的時代となり、野生や逞しさに代わって、監視採用の資格案件に見られるように、とりすました知識人や貴公子の時代になる。そこには、もはや野生や逞しさに秘められた溌刺たる生命感情や意欲は乾上ってしまった。それが文明や文化の功罪であり、それらを内容とする人間教育の利弊というものであろう。 »

[3]     Ibid, p.62 « コオラッツェによれば、シャーマンは満州語のサマン(Saman)に起因し。興奮や、その現われと見られる踊躍を意味するサムラムビ(Samarambi)と関係があり、シャーマンの語には興奮して休みなくあちこち踊り狂う状態を主な特徴とする。 »

[4]     Ibid, p.64 « これ見ると、皇后は神憑りする巫女であるばかりではなくて、神祭りの主を重ねていることが注意される。尚右の琴を弾いて神を招くことは、諸書に詳しく述べてある。それはシャーマニズムには通例のことであり、「琴」は神託を請うとき降神(神おろし)の楽器として一般に用いられた。 »

[5]     Ibid, p.212 « しかも人間生命に内在する霊性の神秘絶対なるものとして崇めるところから、そのような子供の養育については神霊に奉仕する聖なる営みとして精進すこととなろう。こうした生命の尊厳、更には人間尊重における敬虔な情念に対しては、誰も讃嘆を禁じ得まい。 »



Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.