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L’éducation : une histoire de famille et une histoire divine (4)

L’éducation, une affaire de famille, une affaire royale, une affaire divine

Au fil du livre : Tadashi SHIGA, Histoire de l’éducation dans l’antiquité japonaise(日本古代教育史), Tôkyô, Chiyoda Shobo, 1977

Cercle sur l’éducation Communication première – Préhistoire Japonaise – 5

Articles précédents :

L’éducation, une affaire de famille, une affaire royale, une affaire divine – 1

L’éducation, une affaire de famille, une affaire royale, une affaire divine – 2

L’éducation, une affaire de famille, une affaire royale, une affaire divine – 3

L’éducation, une affaire de famille, une affaire royale, une affaire divine – 4

Saga précédente de notre contributeur:

https://www.vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/saga-autarcie-article-18-conclusif-l-union-necessaire-dans-la-royaute/

Il appelle, il exhorte pour sortir d’un monde humano-humain, qui n’est de toute façon qu’une illusion, pour revenir à l’union naturelle de la nature, de l’homme et du divin, en admettant toutes les composantes existantes de ce monde sans en nier aucune. Et de cesser de jouer au conformiste en craignant le tribunal de l’histoire, c’est-à-dire en craignant l’avis simplement humain, quand seul le tribunal divin devrait être craint. Finalement, en un sens, pour lui l’éducation revient à faire prendre comprendre aux enfants, dans une claire conscience, le lien qui nous unit au divin.

 

Le sujet de la Parole est essentiel car on a trop tendance à faire de l’éducation une simple transmission orale, sans parler de l’exemple ou de la pratique. La Parole trouve évidemment une importance primordiale, comme le note d’ailleurs l’auteur :

 

« Comme le dit le chant du Manyôshu, « le pays du Yamato parsemé d’îles est sauvé par la parole spirituelle ». Ces esprits des paroles se sont profondément inscrits dans notre vie quotidienne au cours du temps, au point de couler toujours en sous-main de notre culture et nos modes de vie. La parole spirituelle Verbe devient en effet une force invisible qui les guide et les soutient. Il faut ainsi souligner comment cette tradition des kotodama [paroles spirituelles] donne une couleur toute particulière à notre culture et notre éducation. »[1]

 

La parole se trouve ici devenir quelque chose de sacré, qui porte directement le divin. Elle est habituellement un signe divin porteur d’énergie divine. Quelque chose comme le Verbe chrétien. La force de cela consiste dans l’utilisation extrêmement prudente et sacrée que cette conception oblige d’avoir des mots : les mots sont clefs, la parole est fondamentale, mais il faut qu’elle soit vraie, qu’elle soit mesurée, qu’elle soit juste. Ne jamais parler pour ne rien dire, ne jamais mentir, être parcimonieux en paroles et ne pas confondre verbiage et enseignement ; enseignement d’ailleurs qui ne fait d’abord qu’illustrer une réalité qu’elle soit visible ou invisible. La mauvaise parole peut en effet avoir des conséquences terribles, et dire un mensonge par exemple agit effectivement en mal dans la réalité.

 

À côté de la parole, qui n’est donc pas désincarnée, l’apprentissage par le modèle et l’imitation occupe une place prépondérante. L’auteur souligne d’ailleurs que, comme il l’a déjà été dit, l’éducation consistait d’abord dans la transmission au sein de la famille élargie, voire au sein de la maison élargie des ujizoku, de techniques, d’arts, de métiers en bref, mais aussi de sacerdoces, organisations qui sont des sortes de corporations familiales, qui viennent de la lointaine antiquité, et qui furent continuées grâce au Roi qui les a préservées en fondant les be, véritables corporations nouvelles, dans la volonté de continuer les noms et les lignées qui se perdent dans un passé lointain :

 

« On remarque ainsi tant dans le kiki ainsi que dans les autres classiques antiques, que les origines des be se trouvent dans la volonté du Tennô qui les a fondés en ordonnant aux diverses maisons élargies Uji de les protéger afin ou de transmettre tous ces arts, techniques ou connaissances dans les domaines du sacerdoce, des choses militaires, de l’administration ou de la gestion ou parfois d’éviter qu’un grand nom de la famille royale ne disparaisse. »[2]

 

La garantie et la préservation dépasse le présent et s’étend aux générations futures, rappelant aussi que l’unité de temps chez les anciens se comptait en générations, quand aujourd’hui tout est réduit non pas même à une vie, mais peut-être à quelques années si la personne est chanceuse et consciente. Rien de tout cela dans ce passé lointain, où la stabilité d’un royaume pouvait permettre de transmettre sur des générations et générations, grâce à l’oubli véritablement digne de sa petite personne pour penser à la descendance, cette transmission qui fonde tout désir d’éducation, et sans laquelle l’éducation se vide de toute substance :

 

« Il se trouve donc comme nous venons de le voir que cette spécialisation des tâches et des arts issue des lointaines périodes paléolithiques ne s’est pas perdue, et fut au contraire renouvelée et vivifiée par la formation de ces corporations. Les très anciennes traditions des communautés de métiers héréditaires furent de plus préservées dans les be et ses dérivés, placés dans un nouveau réseau de classe et de soumission politique : le chef de ces communautés devait servir le pouvoir central. Voici ce qui constitue le régime de l’État antique. Les membres détenteurs d’arts spécialisés devinrent ainsi les peuples be. Le chef, appelé Tomonoo, les dirige, et, à leur tête, sert la Cour du Yamato. On ne trouve trace ni de système astreignant, ni de volonté oppressive. Encore moins d’imitations ou de plaquage d’une quelconque civilisation ou système continental. La structure nouvellement mise en place n’est rien d’autre que l’héritière des anciennes communautés des époques paléolithiques, lentement mûrie dans une terre, et fondamentalement inchangée. Cette réalité ajoute une profondeur essentielle à l’essence de notre éducation nationale : les arts, techniques et sagesses de ces communautés furent préservés activement sans jamais être violés par l’extérieur de la communauté. Et cette garantie, cette protection, ne concernait ni seulement le chef, ni simplement une génération, mais se trouvait étendue à ces fils, ces petits fils et plus loin encore, dans une assurance pour leur avenir, malgré tout changement de chef ou déséquilibre du pouvoir central. Ils avaient ainsi tout le loisir de s’adonner à leur art, de le perfectionner et de le sublimer. »[3]

[1]     Ibid, p.58 « 「しきしまの大和の国は言霊の助くる国ぞ」(『万葉集』)と歌われたが、こうした言霊の信仰は時が立つにつれて人々は想念されて日常生活を規定し、ひいては生活や文化の底流を成したばかりか、それらを支え導く見えざる力となり。それが我が国の文化や教育を特色付けていること特に注意する。 »

[2]     Ibid, p.44 « このように記紀ばかり、古伝に見られるところからすれば「部」の起源は天皇の思召しで編成され、祭祀・軍事・行財政などに亙り、また、皇族の名の絶えるのを惜しんで後世に伝えようとする必要から、諸氏に命じてその氏を献らせる事から起っきている。 »

[3]     Ibid, p.47 « 先に述べたように遠く石器時代に発する共同作業に於いて行われた分業は、ここに至って鮮やかに社会組織の形成することになったわけである。更に、それまでの長い伝統を有する世襲的な職業集団、即ち「部」を原型とする社会組織を新しく階級と支配の関係において政治組織に再編し、各部の首長が中央政権に奉仕すると、古代国家の体制を形成するに至る。かれら特殊専門の職業集団は部民となり、その首長の伴緒(とものお)に率いられ、伴の緒は彼に隷属する部民を率いて、大和朝廷に奉仕する。底に着亘った作為や強制も見られない。もちろん諸他の文明や制度のような大陸先進国の模倣でもない。原始の石器時代から国土に醸されてきた原型が整備され組織されただけのことである。この事実は、先にも注意した国民教育の意義に更に深重さを加える。彼らの専門技術や知識は、園部以外から侵されたことなく、確実に保証されることになったわけである。しかもその首長だけの保証ではなく、また、自分たち一世代の保証に止まらない。首長の交替、政権の降替にもかかわらず、また首長みずからばかりか、その子、その孫の未来に亙っての保証であり、社会的証人を得て諸他の生業を措いてその専門とするところに没頭してその技術を洗練し、向上させることとなったわけである。 »



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