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L’éducation : une histoire de famille et une histoire divine (2)

L’éducation, une affaire de famille, une affaire royale, une affaire divine

Au fil du livre : Tadashi SHIGA, Histoire de l’éducation dans l’antiquité japonaise(日本古代教育史), Tôkyô, Chiyoda Shobo, 1977

Cercle sur l’éducation Communication première – Préhistoire Japonaise – 3

Articles précédents :

L’éducation, une affaire de famille, une affaire royale, une affaire divine – 1

L’éducation, une affaire de famille, une affaire royale, une affaire divine – 2

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La sévérité fait aussi partie de l’éducation, car quand on aime réellement, on veut le meilleur pour ses enfants, et quand on connaît telle ou telle ornière de la vie, on veut que ses enfants ne s’y prennent pas, et l’on sévit là où nos propres parents ont sévi (ou n’ont pas sévi, provoquant une chute dans l’ornière que l’on veut d’autant plus éviter à sa propre progéniture).

 « Et ces parents devaient certainement faire tout leur possible pour enseigner à leurs enfants adorés cette connaissance et ces techniques, ainsi aussi que les villageois qui devaient leur faire apprendre par l’imitation et les former par l’apprentissage, pressés qu’ils étaient par l’ardente et impérative mission de transmettre aux jeunes pour la continuation et le développement à venir du village. Et il n’est pas difficile d’imaginer, en partant des coutumes qui nous sont restées aujourd’hui, que cette instruction et cet apprentissage pouvaient de temps à autres être sévères. »[1]

La famille donc transmet, mais la famille se limite-t-elle aux liens du sang, ou, fondée sur ces liens, a-t-elle d’autres particularités, d’autres significations ? L’auteur se réfère à des études plus générales sur les sociétés primitives pour remarquer que la famille est aussi, et avant tout, l’unité fondamentale reliée par le divin et reliée au divin, lien peut-être plus fort que celui du sang. Rappelons au passage que pour comprendre ces temps lointains, la foi dans le divin est un prérequis sans lequel il est impossible de ne rien comprendre de profond sur ces époques. Voici la vérité évidente, le principe de départ incontournable et universellement admis : « Dieu existe. » Cela dit, qu’est-ce que Dieu ? On ne le dit pas, mais son existence est certaine pour ces temps lointains[2]. Cela posé, que rassemble fondamentalement la famille en ces temps, au-delà des liens naturels du sang ? Voici ce que nous dit la recherche :

 « Granger commence par énoncer : « Ce qui unissait les familles antiques et les familles élargies Uji, bien plus que dans le lien du sang, des sentiments ou de la terre, se trouvait dans quelque chose d’autre. » Puis : « La famille signifiait fondamentalement la communauté des personnes qui avait le droit de prier le dieu du même foyer, de dédier et offrir des offrandes au même ancêtre divin. » Cette thèse est tout à fait vraisemblable. Le four se trouvait en effet au centre de la vie des gens de l’époque, il constituait un pilier divin de la vie quotidienne, dieu empli de grâces qui permettait de nourrir le corps avec abondance, et qui protégeait la maison et la famille. L’extinction du feu du foyer signifiait littéralement la fin de la maison. Le foyer incarnait ainsi pour ces hommes le double extrême du besoin primitif de satisfaire ses besoins « matériels [et visibles] », tout en adorant à la fois le « divin » sacré et invisible. On trouve ainsi la suggestion d’un tableau talentueux d’une famille, c’est-à-dire du monde des hommes, dont la paix et la prospérité sont en même temps préservés [grâce à ce divin lié à la matière]. Ne devrions-nous pas aujourd’hui retrouver là le principe fondamental sur lequel toute éducation digne de ce nom devrait se fonder ? »[3]

Nous avons ici l’explication de la façon dont les antiques résolvaient sans le savoir l’étrange problème auquel est confronté le monde moderne qui veut toujours opposer spirituel et matériel : nous côtoyons ainsi partout, et d’abord à l’école, des idéalistes idéologues qui veulent faire de l’homme, même plus un esprit, ce serait déjà trop humain, mais une simple idée, un simple théorème placé dans une construction ou un système raisonnable et parfait. Et en même temps, nous côtoyons le matérialisme le plus effréné, qui ne s’oppose qu’en apparence à l’idéalisme précédent : nous avons été soi-disant libérés de notre état de sujet du royaume de France, nous ne sommes plus maintenant que des objets de la République… Consommation, commerce du corps, chosification des autres, des enfants et des bébés, tout concourt à ce matérialisme idéaliste ou à cet idéalisme au fond matérialiste, comme le montrait déjà le communisme naguère et qui continue encore dans son essence qui définit peut-être le phénomène « moderne » par excellence depuis son émergence avant même la révolution.

Les antiques japonais réglaient le souci sans problème : ils n’ont jamais nié l’union de la matière et de l’âme, et voyaient le divin comme le lien qui unissait la communauté, et au-delà unissait toute chose aux autres choses. La famille ne pouvait pas simplement exister par les liens du sang, liens matériels, mais devaient être renforcés par les liens divins de la religion, qui permettait en dernière instance d’étendre le lien familial à des sphères dépassant strictement celle de la famille, quand ce lien divin devenait suffisamment puissant pour même ne plus avoir besoin nécessairement du lien du sang comme amarre. En ce sens, « l’État » antique japonais n’était qu’un autel géant, avant tout, qui reliait tout le monde dans une Foi et des pratiques communes envers le divin.

[1] Ibid, p.23 « そしてまたその親たちは、こうした知識や技術を愛する児に対して教えたであろうし、また、ムラ人たちは、そのムラの存続発展を念じてやまぬ至情から、それを受け継ぐ若者たちに対して、真似て学ばせ、倣って習わせ、また、時にはそのためにも厳しい訓練も行われたということは、今日の未開社会一般の習俗から容易に推定されよう。 »

[2] Au point que l’auteur rappelle non pas l’évidence que nous venons de soulever mais la chose suivante: « La volonté divine possédait un caractère absolu pour tous les gens de cette époque. » Ibid, p.22 « 神意は、当時の人たちにとっては絶対である。 » Le divin, non content d’exister, est en plus absolu, et ni faible, ni possiblement soumis au pouvoir des hommes.

[3]

      Ibid, p.24 F Granger « 「古代家族乃至氏族の成員を結合したものは、血縁や感情う値力よりも、更に強力な何物かがあった。」する。そして「家族とは、同じ炉の神に祈り、同じ祖先に神饌を捧げることを許された人々の一団を意味する。」と説いているのも肯かれよう。彼らは炉において人間生活を支える情け深い神、人間に身を養うべき賜物を恵む富める神、家と家族を守る力強い神を認めていたので、炉の火が消えるということは、その家が絶えることを意味することであった。こうした炉を媒介して人間として最も原始的基本的な欲求を充たす「物」と、いとも聖なる見えざる「神」を仰ぐという両極の内に、家族、即ち「人間」の世界は平和と繁栄が保障されるという妙境を示唆している。しかもわれわれの教育が拠って立つ基本原理はいみじくもこうしたところに求められるべきではなかろう。 »

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