Histoire officielle et histoire vraie, par Paul-Raymond du Lac
La contemplation de cultures lointaines par la langue, la distance et l’univers mental permet de remarquer, au-delà de l’exotisme qui flatte l’orgueil et distrait l’imagination, des constances de la nature humaine, pour le meilleur et le pire.
Il se trouve que dans la sphère de civilisation chinoise, soit l’Extrême-Orient en général, le mot pour signifier « histoire officielle » se dit « seishi » en japonais et s’écrit « 正史 ». Cette histoire officielle correspond en pratique aux annales officielles demandées par les empereurs pour fixer l’histoire du régime ou de la dynastie en cours, avec la volonté de diaboliser la dynastie précédente le cas échéant, ou d’adoucir certains traits ici et là.
Nous connaissons cela largement dans les nations antiques royales : l’histoire est avant tout une histoire officielle qui ne laisse pas de place pour une histoire désintéressée ne recherchant que la vérité historique pour elle-même sans être adossé à un état.
Nous savons bien aujourd’hui à quel point les « informations officielles » sont loin de retranscrire la réalité — même si, paradoxalement, elles permettent de saisir une certaine réalité, c’est-à-dire la volonté politique de ceux qui tiennent les médias ; ainsi, quand vous lisez Le Figaro ou Le Monde, derrière l’idéologie du journal, vous sentez les inflexions d’une politique, la préparation d’une prochaine arnaque, etc.
Jusque-là, rien de nouveau sous le soleil, me diriez-vous. Pour ceux qui lisent un peu les idéogrammes, ils auront déjà compris. Pour les autres, précisons le sens littéral du mot : les idéogrammes 正史 signifient « histoire juste », « histoire vraie » !
On assimile ainsi l’histoire officielle à l’histoire vraie et la vérité de l’État à la vérité historique… On comprend mieux pourquoi il n’y avait pas de place pour une histoire scientifique et indépendante : ce n’était même pas « pensable » puisque l’histoire officielle était par définition une histoire juste.
Ce genre de logique très païenne, d’aucuns diront « naturelle », a sa logique profonde : sans révélation, sans critère extérieur à l’État royal pour le coups omnipotent, toute parole royale devient tel quelle la vérité, par définition. Puisqu’il n’y a pas de lois supérieures pour se référencer, si ce n’est des précédents — les annales, les légendes, les coutumes — ou la volonté des dieux, qui ne peuvent qu’être éclaircis via des augures, des sacrifices et autres pratiques superstitieuses qui ne permettent pas d’avoir de critères ni objectifs, ni stables ni raisonnables, la volonté du chef, la volonté du souverain devient la loi telle quelle. Le Pharaon disait bien « Pharaon a parlé, que cela soit » pour officialiser ses ordres, de facto des ordres divins. Pharaon était considéré comme un dieu vivant, effectivement…
Le même fond irrigue l’Extrême-Orient, et sans la Révélation, cela est naturelle, ou plutôt co-naturelle à notre nature déchue qui ne connaît plus le vrai Dieu et n’a plus les moyens, si ce n’est par Jésus et son Église, de régler le désordre et le déséquilibre apporté par le péché.
Depuis Hérodote puis la foi chrétienne en Europe, s’il a toujours existé des annales officielles, d’ailleurs de grande qualité, elles ne sont jamais targuées d’être la « vérité pure et divine » et a toujours laissé la place à la raison et à l’étude – grâce à l’église en particulier, et le développement d’un amour du savoir désintéressé pour une plus grande gloire à Dieu. L’histoire de l’Europe de l’Ouest montre le développement d’une sorte de sanctification des ces éléments naturels que l’on trouve chez les païens : le roi est source de justice, lieutenant de Dieu sur terre, mais il n’est ni Dieu, ni la justice, ni infaillible de nature ; il est le ministre de Dieu sur terre, il en tient lieu, et il fait lui-même parti du corps mystique du Christ, l’Église.
Que représente la modernisation ainsi ? Qu’est-ce, au fond, cette modernité ? Une simple paganisation de la société, dans son sens le plus péjoratif de barbarisation. Pour ce qui est de l’histoire ou de la gestion de l’information, cela est frappant : nous sommes revenus au stade de « histoire officielle »= « histoire vraie », « histoire juste ». L’information officielle est la vérité qu’il faut croire, sinon gare… Les restes chrétiens et les atavismes de siècles d’or conservent certes des ferments pour une restauration et font résistance à cette paganisation, mais de moins en moins efficacement du fait de l’asséchement de la foi, avec une paganisation de l’Église elle-même ! La Pachamama et autres écologismes n’en sont que les scandaleux symptômes les plus visibles et les plus évidents… Des rites païens dans l’Église du Christ, il fallait le faire !
L’État démocratique redevient le souverain dieu qui dit : « le loi positive a été voté, qu’elle soit ».
Et qui se nomme elle-même « République », c’est-à-dire « chose publique » ou « bien commun », comme en Asie on appelait « Histoire juste » l’histoire simplement officielle…
Alors soyez prévenus ! Vous voulez savoir notre avenir ? Regardez le passé païen droit dans les yeux avec tout ce qu’il a d’affreux (et l’hyper violence ambiante des écrans, des films et autres en donnent aussi un aperçu bien inquiétant): vous aurez un aperçu minime de ce qui arrive, si les expériences édulcorés des guerres mondiales, de la Terreur et autres totalitarismes ne suffisent pas à vous convaincre. Avec une note contemporaine en plus : des outils comme le numérique et des institutions de pointe, forgées par des siècles de christianisme, mais détournées de leurs fins pour le pire, avec une couleur toute satanique de l’apostat qui ne se lasse même pas du trop-plein de mal qu’il produit et préfère la destruction plutôt que de reculer (au moins, nos anciens païens, en général, après un bon plein d’horreurs, savaient reculer, car cela devenait invivable, alors on trouvait la zone grise et triste permettant de continuer à vivre sans trop s’accabler).
Vite le Roi ! Vite le Roi des rois ! C’est le seul remède.
Paul-Raymond du Lac
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France !