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Ex-libris. « La royauté et le sacré », par Christophe Levalois

Christophe Levalois, La royauté et le sacré, 2016.

Ce court opuscule, facile à lire, résume magnifiquement bien certains aspects essentiels de la royauté, aspects certainement évidents pour les anciens mais tout à fait oubliés pour nos contemporains.

La mission que l’auteur se propose est simple :

« L’ouvrage explore la relation étroite de la royauté et du sacré, plus précisément il expose comment le sacré, par sa présence et sa manifestation, constitue et anime la royauté. »[1]

Ces pages permettent de combler un peu le déficit criant et handicapant des institutions modernes qui évacuent le sacré et sacralisent le profane, pour la plus grande confusion des genres.

« Or, justement, le fondement, la légitimité, la vertu et le sens authentique de la royauté proviennent de cette vision du monde qui intègre pleinement la transcendance et dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle est largement étrangère actuellement aux corps étatiques, tout comme à la grande majorité des représentations de la société par elle-même, nonobstant quelques reliquats collectifs souvent contestés. »[2]

La grande force de cet ouvrage est dans la largesse des exemples. Ils embrassent tous les résultats d’anthropologie issus des études sur les royautés dites primitives, mais aussi sur les royautés antiques, païennes et, évidemment, chrétiennes. L’objet de l’opuscule est de souligner la particularité intrinsèque de la royauté, qui incarne et diffuse le sacré nécessaire à l’homo religiosus. Il n’oublie pas de citer les missions de justice, fonction sacrée par excellence dans l’ordre temporel, ni de souligner l’importance de la personne royale, clef de voûte de toute la société et lien entre le ciel à la terre.

On appréciera encore les études sur l’étymologie des mots liés à la royauté, la signification des cérémonies d’accession au trône, l’aspect sacrificiel et sacerdotal de toute royauté, etc.

On notera peut-être un seul bémol, soit l’absence d’une véritable analyse de la spécificité chrétienne des royautés européennes médiévales, modernes et contemporaines. L’ouvrage permet néanmoins d’entrevoir quelques liens et quelques différences entre royautés naturelles et royautés surnaturelles, royautés païennes et royautés chrétiennes, la royauté chrétienne étant l’accomplissement du phénomène royal païen ; et les royautés païennes des préfigurations imparfaites de la royauté surnaturelle chrétienne qui, elle-même, dans son étroite collaboration avec l’Église, incarne la royauté surnaturelle du Christ-Roi et diffuse la vie de la grâce[3].

Cet ouvrage est une bonne occasion de réflexions diverses et profondes sur la royauté et sur la nature intrinsèque de cette dernière. Il permet aussi d’élargir la perspective par la variété des exemples pris d’une part, et par les méthodes d’interprétation utilisées d’autre part — classiques, au fond, mais largement oubliées.

Rémi Martin


[1] Christophe Levalois, La royauté et le sacré, Le Cerf, Paris, 2016, p. 8.

[2] Ibid., p. 10.

[3] Cf. Jean-Paul Roux, Le Roi : mythes et symboles, 1995 (rééd. 2014).


Sommaire :

  • Pour un autre regard
  • Chapitre 1 – La signification de l’étymologie du mot roi
  • Chapitre 2 – Le cœur et la clef de voûte du monde humain
  • Chapitre 3 – Le soleil de justice
  • Chapitre 4 – Le seigneur de la guerre
  • Chapitre 5 – Autorité spirituelle et pouvoir temporel
  • Chapitre 6 – L’accession au trône
  • Chapitre 7 – Le gouvernement de la société
  • Chapitre 8 – De la royauté intérieure à la royauté cosmique
  • Notes

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