Histoire

[CEH] Les entrevues de 1931 entre Jacques Ier et Alphonse XIII, par Hervé Pinoteau

Jacques Ier Alphonse xiii

Les entrevues de 1931 entre Jacques Ier et Alphonse XIII

Par Hervé Pinoteau

L’année 1931 vit l’Espagne privée de son roi, Alphonse XIII, qui, devant des élections municipales hostiles à sa politique, renonça au pouvoir et s’exila en débarquant en France.

Livrée à la canaille, l’Espagne commença à vivre avec une abominable IIe république antichrétienne, car il ne faut pas oublier la première, à la fin du XIXe siècle, qui finit par un coup d’État mettant Alphonse XII sur le trône. Vous savez tous qu’Alphonse XIII fut le fils posthume de ce roi.

Alphonse XIII avait alors quatre fils. L’aîné Alphonse, prince des Asturies, était hémophile ; le deuxième, Jacques, était sourd mais pas muet (disons peu compréhensible) ; le troisième, Jean, était normal et le quatrième, Gonzalve, était lui aussi hémophile. La situation dynastique de la branche libérale n’était donc pas brillante.

Du côté de la branche aînée des Bourbons, dites carlistes, c’était une autre situation pénible qui débouchait sur une impasse. Le roi de droit de France et d’Espagne, Jacques Ier/don Jaime I-III, duc d’Anjou et de Madrid, était un célibataire endurci, toutes ses tentatives conjugales ayant échoué, ce qui fût dû en particulier à son manque de fortune, et à sa belle-mère, Berthe de Rohan, deuxième femme de son père (Charles duc de Madrid, notre roi Charles XI), femme disons dérangée pour être poli, et qui alla jusqu’à le calomnier devant son mari et les cours d’Europe ![1]

Ancien officier de l’armée russe ayant brillamment combattu en Chine, Jacques avait un style de prétendant voyageur, joueur et fort libre. Quasi-prisonnier de son château de Frohsdorf sur lequel flottait le drapeau espagnol durant la guerre de 14-18, il était un homme vivant dans une certaine pauvreté. Triste vie pour un célibataire qui avait hérité d’une telle habitation avec tous ses souvenirs, alors même qu’il n’avait que des sœurs[2].

Son successeur, frère cadet de son père, était le pieux infant Alphonse qui avait été zouave pontifical, puis général en Catalogne dans la dernière guerre carliste, et n’avait pas d’enfant de son épouse portugaise, Marie des Neiges de Bragance. Le couple vivait modestement à Vienne et dans son château du Puchheim lui aussi en Autriche. Alphonse s’occupa d’une ligne contre le duel.

« Don Carlos » (je veux dire Charles XI) disait que son cadet n’avait aucun jugement et que pour ne pas se tromper il fallait penser le contraire de son frère !

Les légitimistes français ne pouvaient que s’inquiéter de cette extinction de Bourbons mis à la première place par la mort d’Henri V, mais qui pensait encore en France à ces Bourbons ? Quand on parlait au maréchal Pétain d’une possible restauration monarchique, il disait tout de suite : « Vous n’y pensez pas, avec cette maison-là ! », et il s’agissait bien des Orléans (témoignages du cardinal Alfred Baudrillart avant 1939 et de Maurice Martin du Gard à Vichy en juillet 1944). Certes du côté des rares partisans des « Bourbons d’Espagne » il pouvait y avoir des bulletins légitimistes et l’un d’eux salua en 1936 la naissance du prince Alphonse, petit-fils d’Alphonse XIII. Des Espagnols estimaient que « don Jaime » (notre Jacques Ier) aurait pour successeur Alphonse XIII… ce qui n’arriva pas, car ce roi du droit mourut donc en 1931 et eut pour successeur son oncle Alphonse qui était né en 1849.

Il fallait pour les royalistes espagnols réunir toutes les forces possibles et donc carlistes et alphonsistes. On déclara plus tard qu’il y eut la signature d’un pacte entre « don Jaime » et de « Alfonso XIII », signé paraît-il à Territet (village de la commune de Montreux, Vaud, Suisse), le 21 septembre 1931, ce qui est nié longuement par un auteur carliste « xaviériste » Tomàs Echeverria (voir son El pacto de Territet. Alfonso XIII y los carlistas, Madrid, 3 tomes, 1973-1977[3]). Il est certain que « don Jaime » ne fut pas présent ce jour-là en Suisse et en plus que sa signature paraissait sous celle d’Alphonse XIII, ce qui paraissait impensable. Dissertant sur des centaines de pages, Echeveria ne donne d’ailleurs pas la solution de la fabrication de ce texte qui ne fut connu qu’en 1954.

On sait cependant qu’un envoyé espagnol alphonsiste vint à Frohsdorf pour connaître les idées de « don Jaime » ?

Puis le roi détrôné demanda une entrevue à son cousin « don aime » qui habitait Paris, 43avenue Hoch, pas loin de l’Etoile. Cette réunion historique du 23 septembre y eut donc lieu. L’ex-roi qui résidait près de Fontainebleau en l’hôtel Savoy (Avon, Seine-et-Marne), arriva chez son chef de maison escorté du duc de Miranda, son chef de maison civile. Jacques Ier demanda à son visiteur pourquoi il avait abandonné le trône, alors qu’un Bourbon n’a pas droit de le faire. L’ex-roi répondit qu’il n’avait plus personne avec lui. Les deux Bourbons se mirent à discuter de la réunion des forces royalistes pour combattre la république espagnole. Puis il fut question de la succession espagnole et quant à celle de la France, notre Jacques Ier demanda à Alphonse XIII s’il était au courant de celle-ci[4]. Avait-il frayé avec les Orléans ? Oui et non luit fut répondu. Puis Jacques Ier précisa qu’on ne pouvait pas changer la succession en France[5], et que même les infirmes pouvaient succéder. Un accord était donc dans l’air, et l’abbé Jean de Mayol de Lupé qui se donnait du monseigneur savait pas mal de choses en fréquentant Jacques Ier.

Jacques Ier se devait de rendre la politesse et il arriva au Savoy le 25 suivant[6], accompagné par un romancier-journaliste du nom de Sylvain Bonmariage[7]. Vint aussi le comte Jean d’Andigné, représentant en France du roi de droit et même chevalier du Saint-Esprit. Tout commença dans un salon du rez-de-chaussée. L’ex-reine était présenté ainsi que l’infant Jacques. C’est alors que Jacques Ier, le sourire aux lèvres, remit à l’ex-roi le collier du Saint-Esprit qui avait été celui de Charles X et avec des paroles humoristiques. Le diplôme assez long que j’ai publié devait être remis au « prince Alphonse » le 1er janvier mais, Jacques Ier étant mort à cette date, il dut le recevoir à un autre moment que j’ignore. Alphonse XIII reçut le collier dans la joie. Il dit même qu’il n’aurait jamais pu imaginer un tel bonheur. Il y eut accolade finale des deux Bourbons. Jacques Ier écrivit à son oncle Alphonse qu’il avait trouvé Ena (l’ex-reine Victoria Eugenia) intelligente.

Ce fut là du concret et les deux dynastes se séparèrent contents. Il avait été question que les deux fils de l’ex-roi devaient être réservés à la France, « don Jaime » l’étant pour l’Espagne. « Don Jaime » écrivit à son oncle que « don Alfonso » et lui avaient eu la volonté de former un front politique uni pour sauver l’Espagne », sans renoncer chacun à leurs droits respectifs.

Dieu ne permit pas que les choses puissent se dérouler normalement. Ému et fatigué, Jacques Ier revenant du casino d’Enghien en voiture se sentit mal et mourut chez lui le 2 octobre. L’ex-roi revint avenue Hoche en compagnie de sa femme saluer la dépouille de son chef de maison et le prince Sixte de Bourbon Parme, plus ancien chevalier du Saint-Esprit que l’ex-roi, genoux à terre le reconnut pour roi de France, mais Alphonse XIII le corrigea en lui disant qu’il y avait encore l’oncle Alphonse qui vivait en Autriche (4 octobre) !

Les obsèques eurent lieu le 7 octobre à Saint-Philippe du Roule de Paris, en présence de l’ex-roi, de son épouse et de l’infant Jacques/don Jaime, mais il semble bien que le nouveau roi de droit avait nommé un représentant qui fut Alphonse de Bourbon et Léon, marquis de Squilache, de la branche ducale de Séville. Cependant la chose est discutée, on parla du marquis de Villores, représentant de « don Jaime » en Espagne, et qui mena les Espagnols, puis on fit enfin comprendre à ceux-ci que c’étaient les légitimistes français qui avaient organisé la cérémonie et que l’ex-roi devait donc présider. D’où un flottement entre les différents auteurs. Le cercueil était orné des colliers de la Toison d’or et du Saint-Esprit de Valois portant un étendard qui voisinait avec étendard carliste. Un grand nombre de Français d’importance étaient là[8].

Jacques Ier n’avait pas voulu être inhumé à Trieste avec les rois carlistes car il ne s’était pas entendu avec son père et il fut donc déposé à Viareggio où était inhumée sa mère, Marguerite de Bourbon Parme, nièce bien chérie d’Henri V. Des légitimistes y furent présents et les carlistes proclamèrent roi le vieil Alphonse, qui se considéra dès lors comme « don Alfonso-Carlos (adjonction de Carlos pour ne pas gêner la numérotation des rois libéraux) duc de San-Jaime ».

Au moins deux messes de requiem eurent lieu en la « basilique »[9] de Saint-Denis (le 3 octobre et le 2 décembre) sous la gouverne Jean d’Andigné, chef du service d’honneur du défunt puis de son successeur « le prince Charles (Alfonso-Carlos) duc d’Anjou et de San Jaime ».

Frohsdorf devint la propriété de la sœur de Jacques Ier, fille du duc de Madrid, et mariée à un prince Massimo. Je ne dirais rien ici sur la vente du château à la Poste de l’État allemand maître de l’Autriche, et sur la perte de tant de souvenirs dynastiques avant et après l’incendie des communs du château lors du départ de l’armée allemande devant l’arrivée des Soviétiques.

Les légitimistes français proclamèrent donc Charles XII qui n’agit en rien chez nous mais qui vint avec sa femme et des serviteurs chez le fidèle Joseph du Bourg en son château de Mondonville près de Toulouse. Il existe une bonne relation inédite de cette réunion où le roi carliste vint préparer le soulèvement contre la république espagnole (2 juin 1932).

Les actions de l’ex-roi furent faibles. Le souverain détrôné vint deux fois à Vienne rendre une visite à son nouveau chef de maison et à son épouse sans que rien de concret n’ait été décidé. L’ex-roi écrivait à Alphonse-Charles comme à une altesse tout en signant Alfonso R (pour rey), ce qui fâchait à juste titre le vieil oncle.

Découragé, ce prince émit un acte de régence en date du 29juin 1934. Alphonses-Charles y déclara le prince Xavier de Bourbon Parme (fils d’une sœur de sa femme) comme son successeur de la tête du parti carliste, son frère aîné Sixte étant mort. Un accident de rue à Vienne tua Alphonse-Charles le 29 septembre 1936. Le vieux prince eut des obsèques à Vienne et à Puchheim. Xavier mena le tout en déclarant qu’il n’était pas successeur (dynastique), et l’ex-roi Alphonse XIII y fut représenté par le prince Elie de Bourbon Parme qui l’avait reconnu Espagnol et prince de Bourbon en 1920. N’oublions pas qu’Élie, ancien officier de l’armée autrichienne, époux d’une archiduchesse et chevalier de la Toison d’or autrichienne avait reçu de la justice française le château de Chambord contre la volonté de Sixte, de Xavier, Zita, etc. et l’avait perdu du fait de sa participation ç la guerre du côté ennemi de la France, tout en recevant une indemnité. En France Charles XII eut des obsèques assez belles (Notre-Dame des Victoires, 14 novembre)[10] mais les Français avaient commencé à se tourner vers Xavier qui cachait mal ses ambitions.

Le nouveau chef de maison, Alphonse Ier, ne fit rien pour les Français[11]. Il ne pensait qu’à l’Espagne et, sous les conseils d’un Allemand luthérien devenu Suisse catholique, il prit les pleines armes de France, ce qui passa dans le Gotha. On sait cependant qu’il déclarait à de rares personnes, qu’il était le roi de France, mais dans le contexte politique européen c’était afficher une utopie qui aurait été mal comprise. L’ex-roi comprit que Franco ne le ferait pas revenir et tomba malade, ayant fait renoncer à sa couronne d’Espagne ses fils Alphonse, prince des Asturies, hémophile et mal marié, puis mort en 1938, et Jacques (futur Jacques-Henri VI, duc d’Anjou et de Ségovie), puis il abdiqua à Rome en faveur du troisième fils, Jean, le 15 janvier 1941, et enfin mourut le 28 février suivant dan, pp  un hôtel de cette ville. Ses obsèques furent présidées par le roi d’Italie Victor-Emmanuel III. « Don Juan » passa avant son aîné « don Jaime », puis « don Juan » prit le titre de comte de Barcelone qui venait du grand titre du roi et qui n’était plus utilisé. On vit alors dans les Gothas (le dernier étant en 1944 dans sa version française) que le comte de Barcelone présenté comme chef de la maison de Bourbon avec les pleines armes de France ! On vit encore une fois le prince « don Juan Carlos » parler de son père comme le chef de la maison de Bourbon[12].

Ce fut en 1946 que le courant inverse put se manifester comme on le sait avec la nette prise de position de « don Jaime » sous l’influence de sa femme, la princesse née Emmanuelle de Dampierre, laquelle me déclara par la suite que lorsque les légitimistes écrivaient au secrétariat royal de Rome pour faire part de leur fidélité et de leurs idées, ce courrier n’avait pas de réponse et ne parvenait jamais à « don Jaime ».

En pleine guerre, ce fut le comte de Franqueville d’Abancourt qui, au nom du service d’honneur S.A.R. le prince Xavier de Bourbon, organisa à Notre-Dame des Victoire la messe de requiem pour « Sa Majesté Catholique le roi Alphonse de Bourbon, aîné de la maison royale capétienne, roi d’Espagne » (15 mars 1941)[13].

Il resta un courant xaviériste en France. Il est vrai que lors des affaires d’Algérie Xavier avait parlé clair dans un communiqué signé comme descendant de Charles X. Le péril xaviériste en France s’évanouit devant les actes du nouveau « roi d’Espagne don Francisco Javier » (sic, il avait été proclamé tel par quelques carlistes) dont les deux fils en arrivèrent à avoir des partisans se tirer dessus à Montejura ! L’aîné des deux fils du prince Xavier entreprit de transformer le carlisme en socialisme autogestionnaire et le cadet refusa de faire son service militaire en France pour le faire en Espagne, ce qui ne dura pas longtemps, et voulut incarner la tradition carliste pure… La famille se mit par la suite à reconquérir Parme tout en étant sujets néerlandais !

Il en reste encore une autre conséquence. C’est toute l’histoire des colliers du Saint-Esprit apportés de Frohsdof en France et que je conterai dans un livre à venir. Xavier s’appropria les colliers en attendant que la France ait un roi. De plus son fils cadet s’en empara, voulut en vendre en Suisse, et on voit le fisc français en prendre un pour le vendre aux enchères afin de récolter quelque monnaie sur ce dynaste ! Il faut d’ailleurs savoir que le prince Xavier, fait chevalier de l’ordre de même que ses frères Sixte et Gaëtan, ne voulut jamais admettre qu’il était chevalier (alors même qu’on le vit décoré du cordon bleu dans des cérémonies avant guerre). Pour Xavier, détenir un collier n’était qu’un simple cadeau souvenir sans conséquence comme l’importance d’avoir un souverain grand maître (j’ai une lettre de lui en la matière). Il racontait même qu’il ne savait pas où se trouvaient ces fameux colliers (témoignage de mon ami le comte Thierry de Limburg Stirum).

On est loin de 1931, mais le destin n’a pas permis une régularisation des passions dynastiques. La mort pèse toujours sur les aînés des Bourbons. Et pensons à tous ces disparus : Jacques Ier, Alphonse Ier (XIII) et ses fils, dont Jacques-Henri VI et sa véritable femme selon Dieu, Emmanuelle de Dampierre, François, duc de Bretagne puis son père, Alphonse II, dont je fus vingt-six ans secrétaire, la moitié de sa vie.

Mais pour les fidèles français restent heureusement Monseigneur le prince Louis, duc d’Anjou, son épouse et leurs enfants. Que Dieu nous les garde longtemps.

Hervé Pinoteau
Membre de l’Académie Internationale d’Héraldique

Vice-président de la Société des amis du Musée national de la Légion d’honneur et des ordres de chevalerie


[1] Berthe devenue veuve vendit le palais Lorédan à Venise avec tous les souvenirs du carlisme combattant. Restant à Vienne pendant la deuxième guerre mondiale elle termina comme une vieille femme sans le sou, le secrétaire du consulat général espagnol dans cette ville lui passant un peu d’argent pour lui éviter de voler et les ennuis avec la police.

[2] Sur « don Jaime » il y a une bibliographie espagnole assez grande, mais je signale l’article de Jean de Saint-Germain, « Quelques souvenirs de Don Jaime de Bourbon », Journal des débats, Paris, 8 décembre 1931, p. 3 qui est d’intérêt. Bien entendu, voir les numéros de La Monarchie française, Paris, mars 1911-janvier 1912, bonne revue, hélas éphémère du fait de luttes internes dans la Légitimité. Bien entendu, lire de Fransisco comte Melgar, Don Jaime, el principe caballero, Madrid, 1950 (Melgar fut un très fidèle carliste) ; Melchor Ferrer (Dalmau), Historia del Tradicionalismo espanol, Sévile, 1960, t. 31 et 32 (livres à la BNF), auteur xaviériste.

[3] Lors d’un court séjour à Madrid le 2 février 1990, je suis allé chez cet auteur qui m’a donné quelques livres de sa production. C’était un partisan de « don Fransisco Javier » de Parme. Sur des centaines de pages, cet auteur montre que le Pacte de Territet n’a jamais été signé par « don Jaime », mais il y a deux textes écrits par deux mains différentes. D’où sortent-t-ils ? De même pour les signatures, car celles de « don Jaime » ne sont pas identiques.

[4] Jacques Ier dit un rapide cours de droit successoral français à l’ex-roi, cf, H. Pinoteau, État de l’ordre du Saint-Esprit en 1830 et a survivance des ordres du Roi, Paris, 1983, p. 132 sqq.

[5] Ibidem, p. 144 sqq. Mayol de Lupé écrivant au comte de Francqueville d’Abancourt. Cet abbé original et au triste destin était italien par sa mère et de bonne famille. Il n’avait pas bonne réputation pour le cardinal Baudrillart. Quant au dit comte j’ai bien connu son neveu, autre comte de ce nom, qui eut la grande amabilité de m’inviter à Tirancourt pour que je puisse photographier tous les documents de son oncle. Une mine de la plus grande importance pour restituer le climat de 1931.

[6] Je conte tout ceci dans mon prochain livre sur l’histoire du Saint-Esprit de 1789 à nos jours. Ce littérateur (1887-1966) écrivit un récit sur la séance sous le nom de S.B.C. dans Aux carrefours de l’histoire, Paris, décembre 1959-janvier 1960, pp. 1348-1353, sur un ton léger et avec des erreurs. L’auteur avait accompagné « Jacques Ier qui portait l’écrin du collier. Ils avaient été accueillis par le marquis de Torres de Mendoza, ministre plénipotentiaire et secrétaire particulier d’Alphonse XIII. Mayol de Lupé donna aussi à Francqueville d’Abancourt sa relation publiée dans État de l’ordre du Saint-Esprit…, pp. 144-145.

[7] L’ex-roi connaissait bien l’histoire de la France et de son armée. Il était fier d’être Bourbon. Grand-croix de la Légion d’honneur lors de son premier voyage officiel à l’étranger, l’ex-roi rendit de grands services à la France en établissant à Madrid un centre de nouvelles à leur sujet. Il dut même faire autre chose (donnant peut-être des renseignements militaires allemands aux Français) car il reçut après-guerre notre médaille militaire qui n’était donnée qu’aux soldats, aux sous-officiers et aux généraux victorieux ! Il ne faut pas oublier que la reine mère, mère d’Alphonse XIII, était une Autrichienne et que le roi et la reine (une Britannique) étaient en quelque sorte pour les Français et les Britanniques au milieu d’une cour proche des Autrichiens catholique. En 1914, Alphonse et sa femme portugaise étaient pour les Empires centraux alors que « don Jaime » était naturellement du côté français et russe. Pendant ce temps le parti carliste déconnecté de son roi souffrit beaucoup. Lorsqu’il entra en contact avec lui, la guerre était finie ! Jacques Ier lui rappela son choix en montrant qu’il était pour lui bien naturel. Quant aux princes de Parme, fils de Robert Ier, ils furent dans le camp autrichien ; Élie bien naturellement, Félix (qui devint Luxembourgeois) et René furent dans l’armée autrichienne, recevant la Croix de fer allemande. On dit que Sixte et Xavier hésitèrent avant l’entrée en guerre de la France.

[8] Le Figaro du 8 recense les personnes d’intérêt. Comme les princes Sixte, Xavier, René de Parme, le prince Philippe des Deux-Siciles représentant le comte de Caserte (chef de cette maison royale), le maréchal Lyautey des ducs, etc. Je renvoie à l’État de l’ordre du Saint-Esprit…, p. 152 sqq. sur l’évolution du prince Xavier à travers les cérémonies.

[9] Je mets basilique entre guillemets car cette église, maintenant cathédrale, ne fut jamais basilique ! La seule basilique consacrée à Saint-Denis en France est l’église d’Argenteuil où est la tunique du Christ : Jean-Claude Tarrin, Les basiliques aujourd’hui. Histoire et rit. Guide des églises, Paris, Letzouey & Ané, 1998. Il n’y a d’ailleurs aucun signe basilical dans le chœur de cette cathédrale.

[10] Des inscriptions sur les cierges étaient SMTC/CHARLES XII et les dates, SMTC voulant dire Sa Majesté Très Chrétienne. Le prince Xavier et le comte Jean d’Andigné arboraient les insignes du Saint-Esprit.

[11] Un journaliste espagnol a écrit un livre sur Alphonse XIII qu’il a connu tout particulièrement en exil : Ramon de Franch, Genio y figura de Alfonso XIII, Genève, 1947, chapitre XIV : « La casa de Borbon yla legitimidad ». Alphonse XIII se considérait comme de France mais ne le disait qu’en privé. Il évoque le rôle de son ami le comte Zeininger de Borja qui travailla avec le secrétaire d’Alphonse XIII à un annuaire de la maison de Bourbon en mettant en tête l’ex-roi. Zeininger que je connus fort bien par la suite et dont j’ai hérité de pas mal de livres et d’archives était un Allemand luthérien devenu suisse catholique qui n’eut pas une bonne influence car il s’occupa trop de la question des mariages inégaux (qui n’existent pas en droit dynastiques français) et il rallia « don Juan » comte de Barcelone en 1941 qui laissa tomber la question de l’annuaire, lequel ne parut jamais. Il est en particulier effrayant de constater qu’Alphonse XIII niait la doctrine successorale qui lui avait été enseignée par notre Jacques Ier, montrant qu’on pouvait éliminer des dynastes français pour des raisons de santé, etc. Dans cet annuaire « don Jaime », duc de Ségovie, placé comme cadet, aurait eu des fils déclassés Excellences et Bourbon-Ségovie, ce qui donna des notices erronées dans le Gotha. Ma correspondance avec Zeininger montre que je lui disais ce que j’en pensais, mais le mal était fait. Il est évident que ce fut une bonne chose que l’annuaire ne parut pas et cette entreprise avortée me donna l’idée de faire l’État présent de la maison de Bourbon dont le premier volume parut en 1975, Zeininger étant mort en 1965.

[12] Marquis de Villareal de Alava, La maison royale des Deux Siciles, l’ordre Constantinien de Saint-Georges et l’ordre de Saint-Janvier, Madrid, pp. 848-849, lettre du prince au lieutenant de l’ordre de Malte à Rome.

[13] On était en pleine guerre et il y eut une messe de requiem officielle dans la chapelle espagnole de la rue de la Pompe (Paris 16-me) en présence des autorités de l’État et de l’ambassadeur d’Espagne.


Publication originale : Hervé Pinoteau, « Les entrevues de 1931 entre Jacques Ier et Alphonse XIII ainsi que tout ce qui s’en suivit », dans Collectif, Actes de la XXe session du Centre d’Études Historiques (11 au 14 juillet 2013) : Les Bourbons et le XXe siècle, CEH, Neuves-Maisons, 2014, p. 207-218.

Consulter les autres articles de l’ouvrage :

Préface, par Monseigneur le Duc d’Anjou (p. 5-6).

Avant-propos, par Jean-Christian Pinot (p. 7-8).

« Naples et Rome, obstacles à l’unité politique de l’Italie », par Yves-Marie Bercé (p. 13-26).

« Le roi Juan Carlos et les Bourbons d’Espagne », par Jordi Cana (p. 27-35).

« Deux décennies de commémorations capétiennes : 1987, 1989, 1993, 2004, etc. », par Jacques Charles-Gaffiot (p. 37-49).

« L’abrogation de la loi d’exil dans les débats parlementaires en 1950 », par Laurent Chéron (p. 51-67)

► « De Gaulle et les Capétiens », par Paul-Marie Coûteaux (p. 69-97) :

« De Chateaubriand à Cattaui : Bourbons oubliés, Bourbons retrouvés », par Daniel de Montplaisir (p. 99-108).

►  « Les relations Église-État en Espagne de 1814 à nos jours », par Guillaume de Thieulloy (p. 109-124) :

► « Autour du livre Zita, portrait intime d’une impératrice », par l’abbé Cyrille Debris (p. 125-136) :

► « La mission Sixte : la tentative de paix de l’Empereur Charles Ier », par le Pr. Tamara Griesser-Pecar (p. 137-157) :

► « Les stratégies matrimoniales », par le Pr. Philippe Lavaux (p. 159-170) :

« Les Bourbons dans les Carnets du cardinal Baudrillart », par le père Augustin Pic (p. 171-188).

« Un Roi pour le XXIe siècle », par Philippe Pichot-Bravard (p. 189-196).

« Le Prince Sixte : la nationalité des descendants de Philippe V et la succession de France », par Jean-Christian Pinot (p. 197-206).

« Les entrevues de 1931 entre Jacques Ier et Alphonse XIII ainsi que tout ce qui s’en suivit », par le baron Hervé Pinoteau (p. 207-218).

Consulter les articles de la session précédente :

Articles de la XVIIIe session (7 au 10 juillet 2011) : 1661, la prise de pouvoir par Louis XIV

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