Histoire

Le sacre du Roi de France : VIVAT REX IN ÆTERNUM !

Nous l’avons appris, nous le savons, le roi de France était sacré. Nous oublions souvent que ce sacre est unique : le roi est couronné puis sacré, c’est-à-dire oint de l’huile sainte. C’est cette huile qui fait toute la différence avec n’importe quel autre souverain.

Le premier sacre royal est celui de Pépin le Bref, principalement par alliance avec l’Église catholique pour assurer sa légitimité. Il est sacré une première fois en mars 752 par une assemblée d’évêques du royaume des Francs réunie à Soissons et sans doute conduite par l’archevêque de Mayence, Boniface. Le dimanche 28 janvier 754, il est sacré une deuxième fois à Saint-Denis par le pontife romain Étienne II qui donne aussi l’onction à ses deux fils, et bénit son épouse Berthe. Il faut attendre 816, année du sacre de Louis le Pieux, pour voir sacrer un roi à Reims, en souvenir du baptême de Clovis par Rémi. Le roi est sacré par l’archevêque de Reims qui est assisté de quatre évêques suffragants de sa province ecclésiastique, de l’évêque de Langres ainsi que du chapitre de la cathédrale de Reims. L’ordre protocolaire des six évêques est le suivant :

1.L’archevêque de Reims sacre et couronne le roi.

2.L’évêque de Laon porte la sainte ampoule.

3.L’évêque de Langres porte le sceptre.

4.L’évêque de Beauvais porte et présente la cotte d’armes ou le manteau royal.

5.L’évêque de Châlons porte l’anneau royal.

6.L’évêque de Noyon porte le baudrier.

À ceux-ci s’ajoutent l’abbé de l’abbaye Saint-Rémi de Reims, gardien de la sainte ampoule ainsi que l’abbé de l’abbaye de Saint-Denis, gardien des autres insignes royaux.

Les pairs sont cités pour la première fois en 1203 (première convocation) et 1226. Cependant, leur première participation codifiée au sacre est formulée à l’occasion du sacre de Philippe V le Long le 9 janvier 1317. Il s’agit des six pairs ecclésiastiques et des six pairs laïques. Il s’agit d’abord les six plus grands vassaux du roi de France, à l’époque moderne des princes du sang ou des grands seigneurs. Par ordre protocolaire, les six pairs laïques sont les suivants :

1.Le duc de Bourgogne ou de Lyon porte la couronne royale, ceint l’épée au roi et lui confère l’ordre de la chevalerie.

2.Le duc de Normandie porte la première bannière carrée.

3.Le duc d’Aquitaine (ou de Guyenne, selon les textes, ce qui revient au même) porte la seconde bannière carrée.

4.Le comte de Toulouse porte les éperons.

5.Le comte de Flandre porte l’épée royale.

6.Le comte de Champagne porte l’étendard de guerre.

Finalement sont présents les grands officiers de la couronne, pour l’hôtel du roi, et le public. Lorsque l’un des six pairs laïques ne peut être présents au sacre, parce que cette pairie est éteinte et que le fief a fait retour au domaine royal, parce qu’il s’agit d’un souverain étranger occupé à ses propres affaires ou pour cause de sortie du fief du royaume (Flandre XVIe siècle), la fonction tenue par le pair défaillant est remplie par l’ordre protocolaire par les plus grands personnages du royaume après le roi ; chacun de ces personnages « tient lieu de… »

Le serment est fait par certains rois sur l’Évangéliaire de Reims et reste vague, en résumé il promet d’assurer la protection de l’Église et de ses biens. Il promet également de procurer la paix à l’Église et aux peuples chrétiens, et depuis Latran IV, de combattre les hérétiques. Par paix on entend que le roi s’engage à préserver l’ordre social voulu par Dieu et de rendre la justice.

Ce serment est une limite au pouvoir royal : le roi est obligé de respecter et de faire respecter la justice. Ensuite, cette obligation est devenue une augmentation du caractère sacré du roi.

À l’époque moderne, les serments prêtés sont les suivants :

Le serment ecclésiastique, promettant au clergé français de conserver et défendre leurs privilèges canoniques.

Le serment au royaume, c’est-à-dire conserver la paix civile

Empêcher l’iniquité

Observer la justice et la miséricorde

Exterminer (c’est-à-dire bannir) les hérétiques

Henri IV y ajoute en 1594 un troisième serment, celui de maintenir les ordres créés par ses prédécesseurs (de Saint-Michel et du Saint-Esprit, celui de l’Etoile est tombé dans l’oubli). Louis XV ajoute celui de l’ordre de Saint-Louis, et Louis XVI le serment de faire observer les édits contre le duel.

La sainte ampoule conservée à Reims contient une huile miraculeuse qui, selon la légende rapportée par Hincmar, aurait été apportée par une colombe descendue du ciel le jour du baptême de Clovis par l’évêque Remi. Cette huile aurait été réutilisée pour la première fois, en la cathédrale de Metz, le 9 septembre 869, par l’archevêque Hincmar de Reims pour sacrer Charles le Chauve, roi de Francie occidentale.

C’est l’abbé de l’abbaye Saint-Remi de Reims qui a la charge de veiller sur cette ampoule considérée comme une grande relique. L’onction, faite au cours de la cérémonie avec cette huile miraculeuse, donne un très grand prestige au roi de France.

C’est l’évêque de Laon, duc et pair du royaume, qui a le privilège de porter la sainte ampoule au cours de la cérémonie. Avec un mélange de chrême et d’huile de la sainte ampoule, le roi est oint en sept endroits différents du corps : sur le haut de la tête, la poitrine, entre les deux épaules, l’épaule droite, l’épaule gauche, la jointure du bras droit puis du bras gauche ; puis, après s’être revêtu, sur les paumes des mains. Par cette onction, le roi est roi « par la grâce de Dieu. »

Par cette huile dont aucun autre roi ne peut se prévaloir, le roi est une sorte d’évêque du dehors, et son imagerie symbolique est christique : comme un religieux qui épouse le Christ et le Christ qui épouse Son Eglise, le roi épouse ses peuples par le mystère du sacre.

Les insignes royaux ou regalia sont apportés par l’abbé de Saint-Denis. Ces insignes sont :

La tunique jacinthe à fleurs de lys, qui possède un caractère sacerdotal car elle fait allusion au grand prêtre de l’Ancien Testament.

La chape sans chaperon, un surcot sans manches, taillé comme la chasuble du prêtre.

L’anneau, signe de la dignité royale, de la foi catholique, un peu à l’image de l’évêque, est le symbole de l’union entre le roi et l’Église et entre le roi et son peuple.

Le sceptre, terminé par une fleur de lys, symbole du commandement.

La main de justice, qui apparaît au moment où la justice royale s’impose réellement.

La couronne d’or, composée d’un cercle d’or surmonté de quatre fleurs de lys posé sur un bonnet en velours orné de perles (couronne fermée), qui est déposée sur la tête du roi par l’évêque après avoir été soutenue par tous les pairs du royaume ou leurs représentants, qui représente le fait d’être souverain.

Les éperons qui sont le symbole de la fonction militaire et rappellent le fait que le roi est avant tout chevalier.

L’épée qui est le symbole de la défense de l’Église et du royaume.

Le roi est ensuite intronisé, et les pairs viennent chacun lui rendre hommage par un baiser en lui disant : “Vive le roi éternellement et l’acclamation est reprise par l’assemblée au son des trompettes. Plus tard, on introduit le peuple dans la cathédrale et on chante un Te Deum.  A partir du XVIe siècle, des oiseaux sont lâchés et l’on jette pièces et médailles en signe de joie.

L’assemblée écoute ensuite une messe, en action de grâces pour le sacre qui vient de se dérouler.

Le roi en état de grâce, donc sacré, a également la particularité d’être thaumaturge : après avoir communié auprès du tombeau de saint Marcoul, il a la réputation de guérir les écrouelles, une maladie tuberculeuse des ganglions du cou, lors des grandes occasions comme les grandes fêtes liturgiques, en touchant les malades et en prononçant la formule : « Le roi te touche, Dieu te guérit » (« te guérisse » à partir de Louis XV). Ce changement introduit marque l’imprégnation des « Lumières ». Car ce n’est pas la santé et la sainteté personnelle du roi qui le rendent thaumaturge mais le sacre. De la même façon, la sainteté personnelle d’un prêtre qui baptise importe peu !

Ce fut à Louis VI qu’on prêta le premier toucher habituel des écrouelles, Louis XV cesse de toucher les écrouelles à partir de 1744 alors qu’il avait été sacré en 1722, Louis XVI rétablit cet usage en 1775.

Depuis 987, les rois de France ont tous été sacrés à Reims, à l’exception de Hugues Capet, Robert II, Louis VI, Henri IV.

Le 3 juillet 987, Hugues Capet est sacré roi de France en la cathédrale de Noyon.

Robert II a été sacré le 25 décembre 987 à Orléans par Adalbéron archevêque de Reims.

Le sacre de Louis VI a lieu le 3 août 1108 dans la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans. Il reçoit « l’onction très sainte » de la main de Daimbert, l’archevêque de Sens. Il craignait que son demi-frère, Philippe de Mantes ne l’empêche d’accéder à Reims.

Le 27 février 1594, dans la cathédrale Notre-Dame de Chartres, Henri de Navarre, devient roi de France sous le nom d’Henri IV. Contrairement à la tradition, le nouveau souverain n’a pu se faire sacrer à Reims, la ville étant entre les mains de ses ennemis, guisards et ligueurs.

L’on oublie bien souvent que la reine était aussi sacrée, à Paris, et ce jusqu’à Marie de Médicis. La monarchie absolue considère que seule le roi est le garant du royaume et qu’à lui seul vont les honneurs.

Charles d’Antioche

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