Histoire

[CEH] 1661, la prise en main des affaires militaires par Louis XIV – Partie 3 : Le rôle personnel de Louis XIV

1661 ou l’avènement du roi de guerre.
La prise en main des affaires militaires par Louis XIV

Par Bertrand Fonck, Docteur en histoire

Consulter la première pièce du dossier (Introduction / Partie 1 : La réorganisation de l’armée royale)

Consulter la deuxième pièce du dossier (Partie 2 : L’armée royale en action (1661-1667)

Partie 3 : Le rôle personnel de Louis XIV et ses objectifs politiques

Dans le cadre de l’étude des réorganisations apportées à l’armée et à l’administration de la guerre sur toute la durée du règne, resserrer l’enquête sur les priorités suivies par le jeune roi de guerre dans les années 1661-1667 permet d’éclairer l’esprit des réformes qui ne sont pas encore motivées par les contraintes des événements, les défaites, les conflits enlisés ou les problèmes financiers, et donc de cerner les objectifs propres à Louis XIV. Par ailleurs, Louvois n’est pas alors le ministre tout-puissant qu’il deviendra avec la guerre de Hollande, et l’expérimenté Le Tellier sait mettre en œuvre les projets du roi tout en restant en retrait.

La part prise personnellement par Louis XIV dans les réformes menées depuis deux décennies par Le Tellier et poursuivies par lui et son fils apparaît assez clairement dans les Mémoires laissés par le roi pour les années 1661, 1662, 1666, 1667 et 1668, et surtout, puisque ces Mémoires sont le fruit d’une opération de réécriture, dans la correspondance adressée aux officiers commandants les armées actives durant cette période, correspondance conservée à Vincennes pour l’essentiel. On peut juger grâce à ces témoignages de la passion de la gloire qui rongeait le jeune monarque, qui souhaitait voir ses troupes surpasser, en tout et surtout au combat, celles des autres puissances, et de l’importance qu’avaient pour le roi les questions de discipline, d’ordre, de respect de l’autorité et de la hiérarchie. Car si, depuis Rocroi, les armées françaises s’étaient accoutumées à la victoire et avaient acquis une certaine réputation, elles n’étaient guère considérées comme des modèles d’organisation et de discipline. C’est pourquoi le roi écrit le 25 décembre 1665 à Pradel, qui commandait en Hollande :

« Dites de ma part à tous les officiers qu’ils ne sauroient mieux faire leur cour auprès de moi qu’en faisant voir aux étrangers qu’il y a de la différence entre les Français et eux pour ce qui est de la bravoure, mais qu’il n’en a point pour la sagesse et la régularité, et qu’ils ne cèdent pas même en cela aux troupes les mieux policées, de quelque nation qu’elles soient. »[1].

Louis XIV ne veut entendre parler que de victoires, et même de victoires signalées dans lesquelles les troupes françaises doivent avoir le beau rôle. Il écrit au même Pradel le 16 novembre 1665 :

« Souvenez-vous que mes troupes battirent les Turcs en arrivant en Hongrie, et qu’Erfurt se rendit à leur vue ; je n’attends pas moins de vous avec celles que vous avez »

Et le 27 novembre suivant :

« Quoique je sois assuré qu’il n’y ait personne qui soit plus âpre que vous à la gloire, je ne puis m’empêcher de vous dire que je serois inconsolable si depuis votre arrivée il s’étoit passé quelque chose où mes armes n’eussent point de part. »

Puisque ces temps des confrontations directes avec les meilleurs ennemis de la France n’est pas encore venu, la supériorité marquée par les troupes françaises sur les troupes de ces puissances concurrentes qui flatte le plus l’orgueil royal. C’est pourquoi le roi écrit à Coligny le 22 août 1664, puis le château de Vincennes, au sujet des succès de Kerment et de Saint-Gothard :

« Quoique l’établissement de mes armes à Gigeri, en la côte de Barbarie, m’ai été fort agréable, l’avantage que les Français ont remporté avec tant d’éclat sur toutes les autres nations en cette seconde action me touche bien plus vivement. »

Le roi souhaite que les troupes françaises soient bien vues par les populations quelles rencontrent. Il conseille donc à Pradel le 27 octobre 1664, au retour de la prise d’Erfurt au profit de l’électeur de Mayence :

« Ayez grand soin que mes troupes vivent avec ordre dans le retour, et en laissez de si bons à celles qui restent à Erfurt qu’il n’y puisse avoir de plaintes contre elles. »

Il envoie d’ailleurs ses troupes en Hollande contre l’évêque de Münster autant en campagne qu’à la parade pour en montrer la qualité à ses alliés. « Je suis bien aise, écrit-il à son général le 27 novembre 1665, que chacun s’empresse de voir mes troupes, sachant que c’est leur bon état qui attire cette foule. » L’ordre et la discipline restent les leitmotivs de cette correspondance, qui révèle déjà le goût du détail que le roi montrera durant tout le règne. Une lettre adressée à Coligny le 7 août 1664, au début de l’expédition de Hongrie, en témoigne :

«  Dissipez la vaine terreur du nom de janissaire dans mes troupes, les rassurant et même les piquant d’honneur par l’avantage que la nation française a toujours eu sur ces gens-là ; et enfin tenez en bon état la cavalerie et l’infanterie qui est sous votre charge, on seulement par vos soins et par le châtiment des déserteurs, mais aussi par votre ponctualité à m’avertir des officiers qui négligeront leur devoir, voulant que vous m’en informiez sans en épargner aucun, afin que je leur puisse faire avoir les effets de mon indignation. »

Le roi ordonne à ses généraux d’être impitoyable dans la police des troupes, écrivant par exemple à Pradel, alors en Hollande, le jour de Noël 1665 :

« Ne perdez point d’occasion de leur faire bien comprendre qu’il n’y aura point de quartier pour les coupables du moindre désordre, et que les officiers sachent que j’entends qu’ils m’en répondent. »

Il encourageait de même Coligny le 15 août 1664 :

« Vous avez bien fait de punir avec sévérité les désordres que l’infanterie avoit commis auprès de Vienne, et de faire payer sur sa solde le dommage qu’elle avoit causé : suivez toujours cette maxime en pareille occasion. »

Le roi ne laisse à son secrétaire d’État que les questions de vivres et d’intendance. Il veut tout savoir et être informé de tout, et surtout de l’attitude des officiers et des volontaires dont il entend avancer les meilleurs éléments dans le cadre des levées et des nominations aux commandements prévues pour les guerres à venir. Il l’écrit très clairement çà Coligny le 22 août 1664 :

« Je désire que vous me mandiez, dans un billet à part et sur l’assurance du dernier secret, ce qu’on dit de chaque volontaire en particulier. »

Puis l’année suivante à Pradel (13 novembre 1665) :

« J’attends aussi les revues avec impatience, quoique j’aie sujet de croire que tout est en bon état, et que chacun fait son devoir pour la conservation de mes troupes ; ayez grand soin qu’elles vivent dans une exacte discipline, comme je vous dis en partant, et souvenez-vous de me mander les officiers qui s’appliqueront à empêcher le désordre et ceux qui le négligeront, afin que je leur témoigne ou la satisfaction ou le mécontentement que j’aurai de leur conduite. »

L’obéissance est dans cette optique indispensable, et le roi remet à sa place tout officier ne respectant pas la hiérarchie qu’il s’est attaché à clarifier. C’est ainsi qu’en août 1664, il demande à Coligny de tout faire pour maintenir l’unité dans le commandement menacé par les prétentions de La Feuillade, et qu’il lui annonce qu’il va écrire à La Feuillade et à Podewils pour les enjoindre à l’obéissance.

Enfin, Louis XIV se montre très attaché à la qualité du service et au renom des troupes de sa Maison militaire, qui doivent être placés aux premières loges pour acquérir une gloire que lui-même ne peut encore aller conquérir à la tête de ses armées, d’où ce passage très clair adressé à Pradel le 25 décembre 1665 :

« Ne laissez pas en arrière mes gardes, mes mousquetaires ni la compagnie de mon fils (c’est-à-dire les chevau-légers du Dauphin) : je croirois leur faire tour si je ne vous disois pas que j’entends qu’ils soient employés par préférence en tout ce qu’il y aura de difficile, d’extraordinaire ; de périlleux et de fatigant. »

En effet, il est un domaine de la réorganisation de l’armée dans lequel Louis XIV s’est investi tout personnellement et qu’il a mené en disposant d’une grande autonomie par rapport au département de la Guerre : c’est la mise sur pied d’une véritable Maison militaire[2]. La notion de Maison militaire du roi ne prend d’ailleurs véritablement sens qu’à partir des réformes menées entre 1660 et 1666 : « ce n’est que sous le règne de Louis XIV qu’on a proprement parlé de la Maison du Roy comme d’un corps séparé dans les troupes », trouve-t-on dans l’Histoire de milice françoise[3]. Le terme apparaît en tant que tel en 1671. Au sens strict, le terme de Maison militaire ne couvre que la cavalerie et donc pas les Gardes-françaises, les Gardes suisses et la compagnie des Cent-Suisses. Jusqu’au début du règne personnel, c’est la compagnie des gendarmes de la garde qui tient la première place dans les troupes de la Maison militaire. L’éphémère régiment des Gardes écossais mis sur pied entre 1643 et 1660 a disparu, Louis XIV l’ayant cassé lorsque son colonel est passé au service de l’Angleterre lors de la restauration de Charles II. Avant les années 1660, les gardes du corps n’ont pas le caractère militaire et la renommée qu’ils acquièrent sous Louis XIV. Au début du règne, ils ont une fonction de protection et de garde d’honneur, mais ne constituent en aucun cas un corps militaire. Le tout forme en 1661 un ensemble hétéroclite, inadapté aux besoins militaires et au projet politique du roi, qui va entreprendre de refonder une grande partie des unités composant sa Maison.

La première compagnie des mousquetaires avait été cassée en 1646 et rétablie en 1657 ; en 1660, Mazarin fit don au roi de sa compagnie héritée de Richelieu. En 1664 le roi fit casser les officiers mousquetaires de cette compagnie, puis la rétablit sur le modèle de la première, s’en faisant capitaine l’année suivante[4]. Par ailleurs, le rôle des Gardes françaises eut tendance à s’accroître avec la disparition du colonel général de l’infanterie. C’est Louis XIV qui réorganisa également les compagnies de gendarmerie d’ordonnance (gendarmerie de France), minées par des querelles de préséance ; les anciennes compagnies furent licenciées en 1660, le roi imposa un modèle uniforme et les attribua aux princes de la famille royale.

Il faut s’arrêter sur la réorganisation des compagnies de gardes du corps car elle constitua l’archétype du projet politique du jeune roi, et son modèle le plus abouti, dans deux domaines : abolition de la vénalité des charges, réorganisation et augmentation des compagnies. Le règlement du 30 septembre 1664, on l’a vu, abolit la vénalité des charges d’officiers. Le roi porta un grand soin dans le choix des gardes qui devaient lui être présentés. Il réduisit d’autant le pouvoir des capitaines, qui jusque-là disposaient des charges subalternes ; mais les capitaines étaient consultés et obtenaient des avantages. Un règlement du financiers et l’encadrement fut étoffé ; les effectifs passèrent de 100 gardes en 1664 à 400 en 1676.  Un règlement du 29 novembre 1666 créa un état-major des gardes avec un major et deux aides-majors. Le major devint un personnage considérable. Un règlement du 30 décembre 1666 fixa la discipline des gardes à cheval. Le corps reçut un rôle d’école d’officiers en accueillant des cadets jusqu’en 1676, tâche dévolue ensuite aux mousquetaires et au régiment du roi. Enfin, entre 1665 et 1668, une série de règlements définirent le service de cour, officiers et gardes servant par quartiers en mêlant les compagnies. Les gardes du corps acquirent par ailleurs une grande renommée sur les champs de bataille. Les troupes de la Maison servirent en une brigade séparée à l’armée à partir de 1671, avec la gendarmerie. Louis XIV fit ainsi de la Maison du roi un corps militaire d’élite admiré dans toute l’Europe, qui préfigure la garde impériale.

La réforme des gardes du corps et plus généralement de la Maison militaire fut une grande réussite à mettre au crédit du roi, car elle se fit en dehors de l’influence du département de la Guerre, les gardes dépendant également du département de la Maison du roi. Les intérêts du roi et des commandants de corps convergèrent pour maintenir Louvois à l’écart Le caractère très personnel du commandement du roi sur sa Maison militaire apparut d’ailleurs bien plus tard, en 1715, lorsque le Maison devint un enjeu entre le Régent et le duc du Maine ; on ne sut alors pas vraiment quoi faire de cet édifice orignal construit par le roi autour du roi, qui échappait à l’appareil militaire et à sa hiérarchie

Par ailleurs l’organisation de la Maison militaire ne fut pas un instrument de sujétion de la haute noblesse Il s’agit d’une domestication consentie qui passa par des concessions à la noblesse de cour[5]. Le terme domestication n’est pas trop fort : le futur maréchal de Luxembourg, duc et pair et ancien frondeur, ne déclarait-il pas souhaiter devenir le domestique de son roi lorsqu’il demanda une charge dans la Maison du roi ?[6] Louis XIV sur parfaitement mobiliser à son profit les intérêts de la noblesse militaire. On touche là à un aspect très politique de la façon dont il mena ses réformes et la construction de ce géant du Grand Siècle que fut son armée. Il écrit par exemple dans ses Mémoires pour 1666 :

« J’avais aussi incorporé deux cents compagnies nouvelles d’infanterie dans les anciens régiments, afin que, se conformant insensiblement aux autres, le nombre de mes gens s’augmentât sans que la discipline s’affaiblît, car déjà j’étais persuadé que toute l’infanterie française n’avait pas été fort bonne jusqu’ici. Et pour la rendre meilleure je fis tomber une partie des charges de colonels entre les mains des jeunes gens de ma cour, à qui le désir de me plaire et l’émulation qu’ils avaient l’un pour l’autre pouvaient, ce me sembler, donner plus d’application. »

Le roi s’appuya dès les années 1660 et durant tout le règne sur l’aristocratie de cour, celle-là même qu’il a domestiquée, en la comblant en retour de bienfaits.

Finalement, et de manière générale, le premier Louis XIV accepta de composer avec l’existant. Il ne put généraliser dans toute sa Maison militaire la suppression de la vénalité, qui aurait mis à mal l’économie générale des compagnies. Il y avait de puissants enjeux financiers en question, et le roi souhaitait ménager les commandants des corps de sa Maison. Dans le domaine de la hiérarchie militaire, l’affaire des maréchaux de 1672, qui vit la disgrâce des maréchaux Créqui, Bellefonds et Humières qui avaient refusé d’obéir à Turenne, montre que le chemin était encore long et que le roi faisait face à de fortes résistances. Le maintien de Turenne et le retour de Condé aux grands commandements imposaient également leurs clientèles et interposaient leur pouvoir entre le roi et l’armée ; le problème ne fut résolu qu’après 1675.

Le roi respecta également les usages. Le régiment d’infanterie du Roi, créé le 2 janvier 1663, marcha d’abord en queue d’infanterie alors que le roi en était le colonel ; il accéda au 14e rang en 1669 par l’intermédiaire d’une fusion avec le régiment de Lorraine. La charge de colonel général de l’infanterie fut supprimée en 1661, on l’a dit, mais les autres colonels généraux, mestres de camps généraux et commissaires généraux des armes montées se maintinrent et conservèrent un certain pouvoir, plus ou moins influent selon leurs titulaires. Lorsque les dragons furent détachés de la cavalerie en 1669, ils obtinrent un état-major, alors que le roi s’efforçait de réduire le pouvoir concurrent du colonel général de la cavalerie. Le parallèle s’impose avec la manière dont Louis XIV se débarrassa de Fouquet et élimina certains financiers avec la Chambre de justice, sans remettre en question le système fisco-financier en tant que tel[7]. Son objectif n’était pas tant de bouleverser la situation établie que de montrer qu’il était désormais le maître.

En outre, l’entretien d’une immense armée contribua à forger l’absolutisme, mais il faut garder en tête que le financement se faisait au niveau royal, au niveau provincial, au niveau des armées et au niveau des compagnies avec les officiers. En temps de paix, dans les années 1660 notamment, les finances de la monarchie restèrent équilibrées, mais en temps de guerre le roi dut compter notamment sur ses officiers pour entretenir les troupes. D’où la création de nombreux petits régiments au lieu des grandes unités qui auraient été plus efficaces. L’aristocratie gagnait honneur et influence à commander des régiments qu’elle devait en contrepartie supporter à bouts de bras[8].

Conclusion

L’ensemble des campagnes de l’avant 1667 constitue finalement autant de galops d’essai en vue des conflits plus ambitieux et d’affrontements plus périlleux qui apparaissent comme une évidence dès la mort de Philippe IV ? et surtout dès l’année 1666 qu’on a pu décrire comme « l’année des revues ». A chaque fois, Louis XIV a étroitement surveillé le déroulement des opérations, qui tenaient lieu de laboratoire des réformes entreprises et de motifs d’inspiration l’encouragement à de nouveaux ajustement. On peut dresser ici un parallèle avec le domaine de la marine que nous n’avons pas intégré au périmètre de notre étude. La constitution, sous l’égide de Colbert, d’une flotte de tout premier rang a été menée de front avec des opérations maritimes menées en Méditerranée contre les Barbaresques, puis contre l’Angleterre.

Alors que, malgré les inflexions nouvelles données par le roi, la continuité avec la période Mazarin domine dans le domaine de la réorganisation de l’armée, encouragée par le retour à la paix et à l’obéissance, on relève davantage de ruptures dans la politique de puissance suivie par Louis XIV. C’est la pratique du coup de force, de la diplomatie armée qui annonce la politique des Réunions et l’usage des bombardements. C’est l’instauration de la paix armée, avec la mise en place d’une armée permanente et des opérations mineures mais quasi incessantes entre les grands conflits, souvent pour l’application des traités de paix (ce sera encore le cas avec l’invasion de la Lorraine en 1670, puis bien sût avec les réunions après Nimègue)[9]. Opérations qui répondent aux objectifs stratégiques et politiques de Louis XIV, mais aussi à un impératif d’emploi des troupes et des officiers maintenus sous les armes après la paix, et au retour de balancier de traités négociés de façon très libérale et ne reflétant pas la réalité des rapports de force. Louis XIV a désormais les moyens de porter la guerre à l’étranger et d’en faire supporter le poids à ses ennemis ; durant les premières années il se consacre à des opérations extérieures, et il se fera toujours une loi de protéger le royaume et de combattre aux dépens de ses adversaires.

Dans le domaine de la direction de la guerre, les années 1660 mettent par contrecoup en relief le « mouvement Louvois », dans la mesure où le roi écrit souvent à ses généraux avant la période qui vit Louvois dominer les affaires militaires, comme il le fera après la mort.

Dans le domaine militaire comme en politique intérieure, le jeune roi a véritablement possédé la mort de Mazarin les principes qui seront suivis jusqu’à la fin de sa vie. L’application de la maxime de l’ordre, avec la discipline et l’uniformisation des troupes, ainsi que le contrôle sur les officiers généraux et la clarification de la hiérarchie ; la guerre comme fondement et manifestation de la souveraineté, avec la recherche de la gloire personnelle ; l’usage de la force dans les relations internationales, même en temps de paix, suscitant dès les années 1660 la crainte chez les princes allemands d’une domination sans partage, qui soudera la Ligue d’Augsbourg un peu plus tard. Tout cela montre à quel point les fondements du règne ont été jetés dès le début des années 1660, et notamment le respect de cette maxime citée dans les Mémoires de Louis XIV pour 1667 : « Les rois, qui sont nés pour posséder tout et commander à tout, ne doivent jamais être honteux de s’assujettir à la renommée. »

Par Bertrand Fonck
Conservateur du patrimoine et Docteur en histoire
Chef du département de l’armée de terre du Service historique de la Défense


[1] Cette citation et les suivantes sont extraites des Œuvres de Louis XIV, Paris, 1806, t. V.

[2] On peut s’appuyer sur cette question sur le travail de Samuel Gibia (Hiérarchies sociales et ennoblissement : les commissaires des guerres de la Maison du roi, 1661-1790, Paris, Écoles des Chartes, 2006), qui insiste sur le rôle du roi dans la création d’un véritable corps d’élite devant servir de modèle à toute l’armée.

[3] Père Daniel, Histoire de la milice françoise, Paris, 1728, t. II.

[4] Ces réformes sont notamment évoquées par Jean-Christian Petitfils dans Le véritable d’Artagnan, Paris, Tallandier, 2010.

[5] Cette idée est développée par Guy Rowlands dans « Louis XIV aristrocratic power and the elite units of the French Army », French History, vol. 13, n° 3, 199, p. 303-331.

[6] Bertrand Fonck, Le maréchal-duc de Luxembourg (1628-1695) et le commandement des armées : carrière des armes et pratique de la guerre sous Louis XIV, thèse de doctorat de l’université Paris-Sorbonne, 2011.

[7] Daniel Dessert, Argent, pouvoir et société au Grand Siècle, Paris, Fayard, 1984.

[8] Le processus est analysé en profondeur par Hervé Drévillon dans L’impôt du sang, op. cit.

[9] Bertrand Jeanmougin, Louis XIV à la conquête des Pays-Bas espagnols. La guerre oubliée, 1678-1684, Paris, Economica, 2005.


Publication originale : Bertrand Fonck, « 1661 ou l’avènement du roi de guerre. La prise en main des affaires militaires par Louis XIV », dans Collectif, Actes de la XVIIIe session du Centre d’Études Historiques (7 au 10 juillet 2011) : 1661, la prise de pouvoir par Louis XIV, CEH, Neuves-Maisons, 2012, p. 269-307.

Consulter les autres articles de l’ouvrage :

Préface, par Monseigneur le Duc d’Anjou (p. 5-6).

Avant-Propos, par Daniel de Montplaisir et Jean-Christian Pinot (p. 7-9).

► « La rupture de 1661 », par le Pr. Lucien Bély (p. 17-34) :

► « De Colbert au patriotisme économique », par le Pr. Bernard Barbiche (p. 35-46) :

► « 1661 : le transfert de la Cour des aides de Cahors à Montauban », par Florence de Baudus (p. 47-60) :

► « 1653-1661 : Permanence des révoltes antifiscales », par le Pr. Yves-Marie Bercé (p. 61-76) :

► « Découverte et esprit scientifique au temps de Louis XIV », par Vincent Beurtheret (p. 77-87) :

► « Louis XIV au Château de Vincennes », par Odile Bordaz (p. 89-102) :

► « 1661 et les arts : prise de pouvoir ou héritage », par Jean-Claude Boyer (p. 103-113) :

« La collection de tableaux de Louis XIV », par Arnauld Brejon de Lavergnée (p. 115-117).

► « Du cardinal Mazarin et du Jansénisme », par l’abbé Christian-Philippe Chanut (p. 119-162) :

► « Voyager avec Jean de La Fontaine à travers la France de l’« avènement », par Laurent Chéron (p. 163-187) :

► « Louis XIV et Marie-Thérèse d’Autriche : La révélation d’un couple », par Joëlle Chevé (p. 189-214) :

► « Attraction solaire et spectacles de cour : une prise de pouvoir métaphorique », par Sabine du Crest (p. 215-230) :

► « Pauvreté et Église à l’aube du siècle de Louis XIV », par le père Jean-Yves Ducourneau (p. 231-246) :

« 1661 ou l’avènement du roi de guerre. La prise en main des affaires militaires par Louis XIV », par Bertrand Fonck (p. 269-307) :

Les actes des communications des sessions du Centre d’Études Historiques paraissent une fois par semaine sur Vexilla Galliae, chaque samedi.

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