Histoire

Les Cathelineau et le combat pour la légitimité

Premier généralissime de l’armée royale et catholique de Vendée, Jacques Cathelineau meurt le 14 juillet 1793. Blessé au combat, connu pour sa piété et sa défense de la foi, celui qui fut surnommé le Saint de l’Anjou venait d’entrer alors dans l’histoire de ces grands héros qui défendirent face aux excès sanglants de la révolution française, la légitimité sacrée de la monarchie française. Aujourd’hui, il ne se trouve pas un royaliste qui n’a pas été bercé par la bravoure de cet homme qui à 35 ans, prit les armes contre la République. Mais chez les Cathelineau, si Jacques demeure la figure tutélaire de la famille, il y eut aussi ses descendants qui furent également des acteurs majeurs de la lutte pour la restauration de la monarchie et de sa légitimité. Retour sur leurs parcours méconnus.

Jacques-Joseph Cathelineau naît le 28 mars 1787, 8ème enfant et seul fils du généralissime. Il est dans sa pleine adolescence quand son père prend les armes contre la Convention. La monarchie est tombée en août 1792, la guillotine a tranché la tête de Louis XVI, la Vendée s’est soulevée. Le jeune Cathelineau voit ses oncles mourir tour à tour dans les combats contre les colonnes infernales. D’abord Joseph capturé par les « bleus » et guillotiné en mars 1793,  Jean à la défaite de Savenay en décembre 1793 et enfin Pierre en février 1794, à Cholet. La Révolution décimera peu à peu la famille du Saint de l’Anjou. Son fils grandit dans le rejet de cette révolution qui a mis fin à l’Ancien régime et à la vie de son père, c’est Marie Louise Victoire de Donnissan, future marquise de La Rochejaquelein qui le prend sous sa protection. On évoque la mémoire de son père, on vilipende ce Premier consul qui n’a pas voulu du titre de Connétable proposé par Louis XVIII en échange de sa restauration. D’ailleurs, Louis de la Rochejaquelein soulèvera la Vendée et l’Aquitaine contre « l’Ogre corse » permettant au duc d’Angoulême d’entrer dans Bordeaux. Jacques-Joseph Cathelineau vivait dans le culte de la grande épopée de son père et devait s’en inspirer. Il s’engage dans la nouvelle armée royale qui s’était constituée au retour de l’Empereur des français de l’île d’Elbe et qui prit en tenaille un Napoléon Ier, bientôt défait à Waterloo en juin 1815.

Auréolé de ses premiers faits d’armes, la Restauration le combla d’honneurs, anoblit sa famille le 14 mars 1816 et le plaça auprès du comte Charles d’Artois dont il demeurera toute sa vie un fidèle, gagnant le surnom de « Saint de la Garde ». Ultra-royaliste, il protège la famille royale lors de la révolution de 1830 qui porte sur le trône Louis-Philippe Ier d’Orléans (cet « usurpateur de bonne maison » comme le qualifiait le duc de Wellington) puis se retire en ses terres. C’est un opposant au régime libéral qui se met en place et qui heurte ce profond catholique. Il complote, il est surveillé, il répond à l’appel de la duchesse de Berry qui entend soulever l’Ouest de la France afin de restaurer Charles X. Un roi exilé à Londres, très agacé par l’aventure de sa belle-fille. Elle lui confie son premier corps d’armée entre Loire et Sèvre. Mais surpris par la gendarmerie, il est capturé entre Beaupréau et Jallais. Un rapide procès, il est passé par les armes le 27 mai 1832.

Sa famille doit fuir l’Anjou, pourchassée pour sa fidélité à la légitimité. Marié en 1808 à Marie Catherine Coiffard, Jacques-Joseph de Cathelineau avait eu un fils en 1813, Henri. Le petit-fils du Saint de l’Anjou a déjà l’expérience du combat. Il était au côté de son père dans l’aventure de la duchesse de Berry. C’est un légitimiste convaincu et il entend  porter les armes au nom de ce principe sacré. D’abord au Portugal au côté des Miguelistes (il a d’ailleurs participé à l’accession sur le trône de Dom Miguel Ier) où il se distingue à la bataille d’O’Porto, puis en Espagne au côté des carlistes avec les « Chevaliers de la Légitimité » dont le serment suffit à expliquer leur seul but : « je donne mon âme à Dieu, mon corps au Roi, je promets de m’employer de tous mes moyens à coopérer au rétablissement de la légitimité en France, à prêter aide et secours à mes frères quand les circonstances l’exigent (…)». Lyon en tête, Paris, Besançon, Rodez et Toulouse, fourniront le gros des troupes dont Henri de Cathelineau prendra un des commandements. En France, la monarchie tombe en 1848, la Seconde république s’installe brièvement, balayée par un Second empire naissant que refuse de reconnaître le comte de Cathelineau et qui reproche à Napoléon III son soutien aux carbonaris. Pour Henri, le seul souverain légitime est Henri V, comte de Chambord. Sa foi mystique le porte au secours du Pape Pie IX et en 1860, avec son soutien, il organise un corps autonome de 60 légitimistes appelés « Croisés de Cathelineau » (ou Chevaliers de Saint Pierre), portant scapulaire sur la poitrine. Mais la rivalité avec les Zouaves pontificaux tourna à l’avantage de ces derniers et le Pape sous pression de la Curie, décide de dissoudre la compagnie et de la fusionner avec les Zouaves. Déçu, il rallie alors le Roi François II de Bourbon-Deux-Siciles menacé par les chemises rouges de Garibaldi avant de devoir reprendre le chemin de l’exil vers la France où il s’était de nouveau installé à la chute des Orléans. François II tente de le rappeler à ses côtés mais tergiverse. Il n’y aura pas de contre-révolution à Naples.

Les années passent, la France entre bientôt en guerre contre la Prusse en 1870. Faisant fi de son anti-bonapartisme, Henri de Cathelineau lève un « Corps Cathelineau » pour la défense de la patrie. Il se distinguera lors de la bataille d’Orléans ; on lui donnera le titre de général de Brigade. A Rome, les armées de Victor-Emmanuel II de Savoie sont entrées dans l’état pontifical. Alors que Napoléon III est prisonnier à Sedan, Henri avec le Général de Charrette et  un régiment des « Volontaires de l’Ouest », bannière du Sacré-Cœur au vent, se porte au secours du pontife qui capitulera quelques jours après. Dernier baroud d’honneur du comte, la 3ème guerre carliste en 1872. Il aidera le « Roi Carlos VII » avant de rentrer dans son château, en Anjou et d’y mourir le 20 novembre 1891.

Le général Joseph-Jacques Marie de Cathelineau (1861-1953) à défaut de porter sur un champ de bataille le combat pour la légitimité le fit sur celui de la scène politique. Un mariage princier en 1897 pour celui qui est l’arrière-petit-fils direct du Saint de l’Anjou et qui épouse la duchesse de Montfort- Laurito  (descendante des ducs de Bretagne et Rois de Naples) dont il accola le nom au sien. A la mort du Comte de Chambord, il rallie naturellement Jean III de Bourbon et s’occupe de former en 1884 le Comité central de propagande légitimiste qui va organiser des messes chaque 21 janvier en l’église de la Madeleine à Paris. Ayant eu l’honneur de tenir le drapeau blanc qui accompagnera le corps de la comtesse de Chambord en 1886, il refusera de soutenir l’action du Général Boulanger. Alors que l’Action française devient le mouvement monarchiste majeur du début du XXème siècle, de Cathelineau tente de lui opposer une autre doctrine, le Traditionalisme intégral pour lequel il publiera entre 1911 et 1912, un bimensuel, « La Monarchie française ». Un échec alors que le légitimisme décroit en France, faute de prétendants. Joseph-Jacques Marie de Cathelineau décide alors de se retirer de la politique.

L’histoire ne devait pas s’arrêter pour autant. A la France impériale, le capitaine Gérard de Cathelineau devait donner sa vie à 36 ans lors d’un combat en Algérie française le 12 juillet 1957. En 1905, un zouave avait écrit en guise d’épitaphe : “Chez nous, point de défaillance, soldat de Dieu, soldat du Roi (…) Dieu est avec nous et au Ciel Pie IX et Henri V prient pour nous.”. Il venait de résumer tout le combat de la légitimité incarné par les descendants du Saint de l’Anjou.

Frédéric de Natal

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.