Histoire

Si vis pacem, para plorarum?

Si vis pacem para plorarum? Eh non, que les rieurs d’hier sèchent leurs larmes de pleureuses d’aujourd’hui.

Exit lacrima et pathos. Ave bellum cum thanatos cortegum.

La guerre civile? Certains l’évoquent. La France se l’est naguère faite, et plus d’une foi(s)…

Cette liberté de la presse, si elle existe, et qu’on y tient, sera alors le cadet – et non l’aîné! – de nos soucis. Laissez-moi vous conter cette réalité.

Il était une fois, au pays du Roi Coton, un ichtyologiste qui versait aussi dans l’herpétologie. D’origine française, il visita ce royaume en pleine guerre civile. Une guerre que les uns nommaient “guerre d’Agression”. “Guerre de Liberté” ripostaient les autres. C’était en 1863. Et voici ce que notre spécialiste des crocodiles – qui ne pleurent pas – rapporta.

Alphée Prisme

                                                                         Liberté de la presse et de la pensée

 “La liberté de la presse, ainsi que celle de la pensée, sont illimitées dans les Etats Confédérés.

 Il n’existe pas de loi sur la presse, il ne saurait y avoir de délits politiques commis par la voie des journaux.

 Le seul fait d’émettre une opinion opposée à l’ordre de choses régnant, ne rend passible d’aucune peine celui qui l’exprime.

 Les autorités confédérées ne sévissent contre un citoyen et ne le privent de sa liberté, que lorsqu’il s’est livré à des actes coupables, établis par des faits, et non sur de simples soupçons, ainsi que cela se pratique sur une vaste échelle dans les Etats du Nord.

 Le ministre d’Etat de Washington, dans une dépêche adressée à l’ambassadeur de Sa Majesté Britannique, se félicitait de n’avoir qu’à toucher du doigt le timbre placé à la portée de sa main droite, pour faire arrêter tout récalcitrant dans l’Etat du Maine, et celui à portée de sa main gauche, pour en agir de même dans l’Etat de l’Illinois : les deux extrémités de son empire. Admis dans le cabinet du secrétaire d’Etat, à Richmond, je n’y ai pas vu et j’y ai vainement cherché ces timbres despotes.

 Aucun Etat, pas plus que le Gouvernement central de Richmond, n’a “d’organe officiel”. Dans tous les pays où règne une liberté pleine et entière de la presse, on verra toujours des journaux prendre à partie de dénigrer les actes administratifs. Il n’y a pas de gouvernement, fût-il le modèle de la perfection, qui ne se trouve en présence d’un parti opposé.

 L’opposition est généralement composée d’hommes dont le désappointement est le seul mobile ; ils ne s’acharnent contre le gouvernement de leur propre pays, que parce qu’ils n’ont point atteint le but de leurs ambitions personnelles : de là viennent les théories sociales qu’ils préconisent.

 Tel est le cas du journal le Standard, qui se publiait à Raleigh, capitale de la Caroline du Nord. Il a inauguré un système de dénigrement général de la cause du Sud, et il a fallu tout le respect du Gouvernement de Richmond pour la liberté de la presse et la souveraineté de l’Etat de la Caroline du Nord, pour que ce journal n’ait point été supprimé. Il faut que le Président, lui-même, soit l’homme que nous connaissons, pour résister au courant populaire qui lui conseillait de sévir.

 J’ai été témoin, au commencement d’août, de l’indignation avec laquelle les numéros du Standard, qui contenaient ces diatribes, ont été accueillis par les populations. Il y eut dans la Caroline du Nord, desmeetings dans lesquels on s’est attaché à repousser, comme indignes du peuple, les allégations qu’on lui imputait si gratuitement, déclarant avec énergie que ce même peuple de la Caroline du Nord resterait fermement attaché à la cause des Etats Confédérés.

 Pendant les quelques jours que je passai dans les camps de l’armée du Nord de la Virginie, j’ai vu les régiments de la Caroline du Nord se réunir en assemblée civique à Orange-Court-House, comme de simples citoyens, et voter une série de résolutions pareilles à celles déjà exprimées quelques jours auparavant par leurs concitoyens. A en juger par certains symptômes, je suis porté à croire que s’ils eussent été à Raleigh en ce moment-même, ils auraient pris sur eux de venger l’honneur outragé de leur Etat natal, comme le tentèrent un peu plus tard les habitants de Raleigh, qui se portèrent en masse aux bureaux du Standard. Le gouverneur de l’Etat, M. Vance, vint lui-même apaiser l’exaspération de la foule et l’engagea à traiter le journaliste et son journal avec le mépris du silence, afin de ne pas fournir à l’histoire un seul exemple où la liberté de la presse aurait reçu la moindre atteinte.

 La foule écouta, comprit et obéit aux conseils de M. Vance, et, faute d’abonnés, le journal a quitté la ville.

 Dira-t-on maintenant que les Caroliniens sont mécontents de leur position dans la Confédération du Sud, et qu’ils n’aspirent qu’à la reconstruction de l’ancien état des choses. Citera-t-on encore les billevesées du Standard comme exprimant l’opinion de tout un peuple?

 Sans doute que dans la Caroline du Nord, comme dans tous les autres Etats de la Confédération du Sud, on aspire à la paix ; mais les moyens auxquels le sentiment populaire donnera son adhésion, seront ceux qui reposeront sur une séparation définitive des anciens Etats-Unis ; une paix enfin qui les laissera arbitres de leurs droits civiques, de leur liberté politique et de leurs institutions locales, et non une paix comme l’entendent les Butler, les Banks, les Hooker, les Mc’Neils, les Mitchell et les Turchin.”

Charles Frédéric Girard* (1822-1895) 

                                                                                      

* Les Etats Confédérés d’Amérique visités en 1863, chapitre XVII (Edouard Dentu, 1864)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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