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Le retour du voyage comme tribulation, par Paul de Beaulias

L’une de nos prières du soir en famille se compose de la façon suivante :

« Répandez, Seigneur, vos bénédictions sur mes parents, mes bienfaiteurs, mes amis et mes ennemis. Protégez tous ceux que vous m’avez donnés pour supérieurs, tant spirituels que temporels. Secourez les pauvres, les prisonniers, les affligés, les voyageurs, les malades et les agonisants. Convertissez les hérétiques, et éclairez les infidèles.

Dieu de bonté et de miséricorde, ayez aussi pitié des âmes des fidèles qui sont dans le purgatoire, spécialement de celles pour lesquelles je suis obligé de prier. Donnez-leur le repos et la lumière éternelle. Ainsi soit-il. »

L’autre jour, j’ai dû partir en voyage, en famille. Cela faisait longtemps. En tant que père de famille, l’idée de voyage m’était déjà désagréable bien avant celui-ci, préférant le refuge du chez soi avec ses règles et ses habitudes quotidiennes, son rythme figé et inamovible, malgré les servitudes du travail et matérielles. Un peu une image de la vie rêvée au ciel — en beaucoup moins bien, cela va sans dire — où nous pouvons nous reposer dans la félicité éternelle de la contemplation divine. Comme au ciel aussi, le voisinage est connu, et nous sommes connus pour ne jamais porter le masque par exemple, et tout le monde nous laisse en paix.

Il faut partir pour un voyage pourtant : le retour de l’inconnu et la crainte des mauvaises rencontres au début domine. Prier pour les voyageurs tous les jours n’est pas fortuit : les anciens, quel que soit le temps ou le lieu, savaient bien les dangers et les tribulations liés aux voyages. Aller vers l’inconnu, devenir étranger, s’exposer aux dangers les plus inattendus, dans une instabilité par définition constante, sans cesse en mouvement pour aller à son but… Et pourtant, les anciens voyageaient bien plus qu’on le croit aujourd’hui : ils avaient confiance en la Providence divine et ils priaient encore et encore. Et puis, le but assigné devait en valoir la peine. Partir d’un lieu connu, pour aller chez des connus valait bien le sacrifice de passer par un chemin d’inconnus. Pour les chrétiens, ils savaient bien aussi que la figure du voyageur est avant tout la réalité de toutes nos vies de tribulations : nous partons de notre geôle sur terre pour nous diriger vers le Ciel — ou l’enfer, selon —, le but en vaut la chandelle, et les inconvénients du voyage sont bien pâles par rapport à la joie d’atteindre le but.

C’est ce que je me suis dit en arrivant chez mes chers amis, pour un baptême : les quelques inconvénients du voyage effacés comme par magie, et bien faibles comparés à la joie une fois atteint le but. Et la tribulation physique du voyage concret rappelle aussi notre situation de pèlerin sur cette terre, qui marche vers son but inlassablement, et qui n’est jamais chez lui en ce monde.

Nous n’avons pas en effet de chez-nous véritable sur cette terre : la chance de notre génération, qui n’a rien, est justement de n’avoir rien, et même pas de chez-soi ; cela nous facilite le détachement envers des choses que nous ne possédons plus.

Il nous faut être enraciné, c’est une évidence : admirons les saints des temps anciens qui avaient des racines profondes et solides, des familles anciennes et assises, parfois des petits paradis terrestres sur tous les plans, matériels et spirituels. Un saint Thomas d’Aquin ou un saint François d’Assises ont quitté des situations très élevés dans la société, et des promesses de carrières honorables et qui auraient permis, en plus, de vivre quand même en bons chrétiens. Mais cela ne suffit pas à l’amour ardent du Christ : malgré tout, ils n’ont pas oublié leur condition de pèlerin sur cette terre et ne se sont pas laissé au confort du petit chez-soi de cette terre, en abandonnant tout ce qu’ils avaient et ce qu’ils étaient, sans rien renier de ce qu’ils avaient et de ce qu’ils étaient. Ils ne firent que reconnaître la réalité révélée par le Christ, et tirer les conséquences.

En temps covidiens, le voyage redevient une tribulation, même pour les voyages de proximité. Masque, conformisme social, hostilité, rencontre de l’étranger hostile, passe sanitaire…

Dieu nous fait une bénédiction, au fond ! Soyons en gré, tout nous est facilité : il suffit d’être courageux et pieux !

Paul de Beaulias

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France !

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