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De l’importance du détachement – aimer charitablement sans s’attacher avec déraison

« Jésus lui répondit: Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même » ( Matthieu 22, 36-38)

« Qui aime bien châtie bien. »

Aimer, au sens chrétien s’entend, c’est-à-dire dans son sens véritable et universel, est un chemin que l’on ne pourra jamais accomplir complétement sur cette terre ; seule l’imitation du Seigneur permet ne serait-ce que faiblement d’entre-apercevoir l’infinie charité divine et d’appliquer si partiellement que ce soit cette charité sur cette terre de façon juste.

Notre temps moderne ne connaît plus la charité, c’est une évidence. La « solidarité » flétrit littéralement toute possibilité de charité en rendant de pierre des actions forcées, qui devraient être de miel. La sagesse éternelle et l’application historique en chrétienté dans l’Eglise et dans le Royaume de France le démontrent à loisir : pour tout ce qui ne concerne pas la justice stricte, la conservation de l’ordre naturel, l’application des devoirs obligatoires pour l’harmonie sociale, où la plus grande sévérité est de mise – on ne peut tolérer à moins d’impuissance les meurtres (dont la définition signifie la prise d’une vie de façon illégitime) par exemple, sous aucun prétexte, et de même pout tous les commandements naturels. Pour tout ce qui en vient au domaine de la charité en revanche, soit, en première approche, tous les domaines et tous les actes vertueux louables et méritoires mais dont l’absence, à strictement parler, n’empêchent pas la société de « tourner », ne peuvent pas faire l’objet d’une justice stricte – on peut punir celui qui vole le riche, car c’est injuste de voler, absolument, mais il serait injuste, si injuste, de punir celui qui ne donne pas au pauvre. Pour le dire autrement, l’erreur est toujours facilement à dénoncer, bien plus facilement que d’affirmer la vérité, souvent si difficilement exprimable.

Ainsi la solidarité, qui force à des actions « charitables » tuent par principe et en soi toute charité de ces actions en les rendant d’ailleurs bien plus difficiles à réaliser : forcer des plus riches à donner aux plus pauvres – la redistribution – est une absurdité sans nom puisqu’elle ne fait qu’attiser envie et haine, tue tout esprit de reconnaissance des aidés qui se convainquent de leur bon droit, tout en tuant toute possibilité de faire naître cet esprit de charité qui conduira le riche à faire aumône volontairement et librement. Car là seul est la valeur de l’acte charitable, par définition posé volontairement et librement : il contribue alors au progrès moral dans la vertu du donneur comme du receveur – le donneur par l’amour du prochain, le receveur par la reconnaissance légitime du soulagement gagné par le don et dans le sacrifice offert dans sa pauvreté. La solidarité est au fond une charité matérialiste qui se fonde sur la grave erreur de croire que le bonheur de l’homme est matériel, c’est donc une anti-charité.

Bref, notre temps moderne ne connaît plus la charité encouragée socialement – pire toute la société moderniste y met des bâtons dans la roue en contraignant ce qui ne doit pas être contraint – et en étant laxiste là où il faut de la contrainte. Cela ne fait que rendre plus méritoire et efficace nos actes charitables, soyons en heureux ! – tout malheur a sa part de bonheur, nous pouvons mériter aujourd’hui plus que si nous vivions dans une société chrétienne où les actes charitables seraient plus faciles à réaliser : soyons honoré de ce cadeau divin.

Comment néanmoins vivre charitablement ? Que signifie aimer son prochain ?

« Jésus lui répondit: Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Matthieu 22, 36-38)

« Qui aime bien châtie bien. »

Notre temps, outre d’oublier la véritable charité, cet élan volontaire et libre pour le bien d’autrui, nourri par l’amour de Dieu concrétisé par le sacrifice et la résurrection de Jésus-Christ, croit bêtement que l’amour est attachement. « L’amour-passion » comme on dit. Que c’est faux ! Seul l’attachement au bien, au vrai et au beau, soit à Dieu, peut se justifier. D’où le premier commandement de Notre Seigneur. Et là seulement nous pouvons aimer sainement et charitablement notre prochain, comme nous-mêmes.

Car que cela signifie-t-il de s’aimer soi-même ? C’est vouloir son bien pour son bien, soit, en termes chrétiens, son salut, soit encore, dit autrement, l’obtention de notre fin, qui est Dieu. Et donc, au fond, nous ne pouvons pas être « attachés » à nous-même, à strictement parler, cela n’a pas vraiment de sens. Pourquoi ? Car étant nous-même, nous n’avons jamais peur de nous perdre. On peut avoir peur de la mort ou de devenir fou, et de se perdre de cette façon-là, mais pas de perdre cette attachement envers nous-même : car quand nous mourrons ou si nous devenons fous nous perdons par là-même la conscience de nous-même pour le second cas et restons intègre dans le premier cas devant le tribunal divin, et donc il n’y pas d’arrachement à nous-même – bien qu’il y a arrachement au corps. Si on comprend attachement comme lien nécessaire à notre existence et vue comme tel, nous ne pouvons pas être attaché à nous-mêmes puisqu’on ne peut vivre et donc exister sans vivre et sans exister : notre vie et notre existence sont indissociablement liées. Si je meurs je n’existe plus sur cette terre. A la différence de tous les autres êtres qui peuvent mourir ou disparaître alors même que je vis encore.

Pour autrui et pour les choses extérieures, en revanche, nous nous attachons, c’est une pente naturelle, mais vite dangereuse et qui doit être freinée : car ces attachements, qui se fondent sur l’impression fausse que « sans cet autre ou cet objet extérieur je ne pourrais plus vivre » – d’où la douleur des déchirements de ces attaches non nécessaires – nous voilent le véritable objet de notre attachement, Dieu.

Et là prend tout le sens du second commandement, « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Soit pour le bien propre de ce prochain, comme on pense toujours à son propre bien, au prix des efforts et des sacrifices pour l’obtenir. Aimer autrui sans avoir peur de le perdre, « sans s’attacher », dans le détachement de la charité profonde qui pense au bien de l’autre pour son bien propre, qui est le même que le sien propre : obtenir le salut.

De là découle ainsi la maxime « qui aime bien châtie bien » : la vérité ne supporte pas l’erreur, vouloir le bien de soi puis des autres exige la sévérité inhérente à la vérité. Sévérité toujours charitable, comme des parents aimant leurs enfants, et donc sévères tendrement pour leur bien, comme l’on est sévère envers soi-même, pour son bien : on se fait violence pour aller vers la vertu sans jamais se nuire, car la violence nuisible n’a pas pour objet que le mal et le vice, puisqu’elle violente notre nature, là où la sévérité nous violente pour nous faire respecter la nature.

Tout cela suppose évidemment une habitude de la pratique de la vérité, et une imitation du Christ, s‘inspirant de sa vie, de sa croix : l’amour détaché de toute chose du monde passe par un sacrifice complet de son être dont le modèle inatteignable est la Croix, demandée par le Père qui aimait son fils plus que tout, et accepté volontairement et librement par le fils, pour l’amour de tous les hommes, autant d’autruis.

Il ne s’agit pas de dire qu’il ne faut pas s’attacher. Il s’agit de dire qu’il faut s’attacher dans l’amour de Dieu et dans rien d’autre. Donc, il est très mauvais de s’attacher démesurément avec des païens et des apostats, car cet amour de Dieu n’est pas partagé dans la Foi, et cette attachement risque de devenir le nouveau but nécessaire effaçant la seule fin nécessaire, Dieu.

Cet attachement peut par exemple avoir comme conséquence funeste de vous empêcher de dire la vérité ou le bien, par peur de se faire rejeter ou de voir l’attachement brisé par cet autrui qui ne voudra pas entendre la vérité. N’oublions pas que la vie sur terre est un combat, et la lumière est attaquée par les ombres. Et ces ombres utilisent l’attachement comme moyen de pression, comme moyen de chantage pour faire taire la vérité. Mais si vous aimer cet autrui, vous devez penser à son bien ultime, et planter les graines, quitte à perdre momentanément les attaches terrestres. Et si vous avez peur de les perdre pour toujours, elle est injustifiée : si effectivement la personne qui entend la vérité s’obstine à la refuser au point de se condamner devant Dieu au moment de sa mort, c’est qu’elle ne pouvait pas être sauvée. Donc si vous aimez vraiment cette personne, et que vous faites confiance à la grâce, soyez bon instrument – les modalités de témoignages étant infinies et devant être confiés à la prière – : malgré la tempête la personne se convertira, et si elle ne le fait pas, vous ne pourrez pas être accusé de ne pas avoir fait ce qu’il fallait faire – car en derrière instance la conversion est un choix volontaire et libre, et donc, si on peut reprocher de ne pas donner l’occasion de conversion, en donnant la vérité par exemple, on ne peut jamais reprocher le fait que cette occasion n’a pas été saisie, voire qu’elle a été refusée.

Un exemple concret : vous vous mariez. Il serait d’une absurdité totale de ne pas faire beaucoup d’enfants en prétextant de vouloir ménager la sensibilité d’un parent cher par peur de couper les ponts, par exemple. Ce serait une faute grave contre les devoirs qui incombent au mariage, et un scandale grave allant contre cette personne chère, ne lui fournissant pas le témoignage nécessaire dont elle pourrait se nourrir pour se convertir. Les exemples sont infinis, je vous laisse appliquer.

« Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison. » (Matthieu 10, 34-36)

Voici la réalité car la charité vraie suscite des résistances. D’où les martyres, d’où la Passion. Ce qui reflète la gravité, en filigrane, du péché originel.

Finissons par la charité appliquée à l’ordre social : c’est la politique de nos rois et de l’Eglise à travers l’histoire. Soit encourager la vertu et l’adhésion à la vérité, au bon et au beau par des actes volontaires et libres, bons. Là, enfin, se fondent une société organique solide fondée sur les liens de la charité. Un exemple : l’Eglise n’a jamais forcé quiconque à abandonner les systèmes esclavagistes alors même qu’elle affirmait clairement que le salut était pour tous, dont les esclaves. Pourquoi ? C’est simple : le salut des esclaves ne vaut pas plus que le salut des esclavagistes. Le but est de les sauver tous. Donc l’Eglise a toujours poussé les maîtres à s’occuper bien de leurs esclaves, à travailler à leur salut, et à les libérer. Mais la libération pour la libération ne vaut rien : elle peut créer des désordres sociaux graves dans telle société donnée, conduisant à la damnation de bien plus d’âmes de ce fait, par exemple. Ou encore elle peut créer la guerre entre esclaves et maîtres, situation détruisant toute charité et toute harmonie. Pire : une libération massive avec un mobile idéologique peut condamner les esclaves à se faire détruire dans une société, là où, en tant qu’esclaves, ils étaient alors protégés par de bons maîtres.

Donc l’Eglise a poussé tout le monde à se convertir, à développer les liens de charité, aboutissant à plus de saluts, plus de libérations quand les cas se présentaient, en interdisant strictement de nouvelles mises en esclavages. Et progressivement, en paix, l’esclavagisme a disparu des terres d’Europe, ce qui n’était pas un objectif en soi, l’objectif restant le salut. Mais le salut impliquant la vérité, il est évident – après coup – que l’esclavagisme devait disparaître. Et il ne pouvait disparaître que dans le monde chrétien… Esclavagisme qui renaît d’ailleurs aujourd’hui sous d’autres formes dans le monde apostat que nous connaissons, cqfd…

Le roi montrait l’exemple de la charité appliquée, prolongeant l’œuvre du Christ sur cette terre dans le monde temporel, tout en tenant ferme l’épée de la justice pour conserver l’ordre voulu par Dieu.

Paul-Raymond du Lac

Pour Dieu, pour le Roi pour la France

Une réflexion sur “De l’importance du détachement – aimer charitablement sans s’attacher avec déraison

  • PELLIER Dominique

    “Je pourrais parler toutes les langues… Si je n’ai pas la charité,je ne suis qu’une cymbale qui résonne…”

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