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21 janvier 2022. Prière pour le roi Louis XVI, par le R.-P. Jean-François Thomas

Prière pour le roi Louis XVI

Place du Louvre, Paris, 21 janvier 2022

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi-soit-il.

Sommes-nous en ce matin au lieu d’une exécution, horrible et injuste certes, mais simple produit de la justice humaine, ou bien nous trouvons-nous au lieu d’un martyre ? La République a sa réponse, déjà toute faite depuis le procès du Roi. Quant à l’Église, tout au moins dans les hommes qui la dirige, elle est demeurée bien timide et même parfois hostile à ce sujet. Nous n’avons pas la chance d’être des Russes qui, en toute humilité, ont su reconnaître à la fois leur responsabilité dans le régicide de l’empereur Nicolas II et de sa famille, et la sainteté de ces derniers acquise par le sang versé. Il ne s’agit pas bien sûr de décider par soi-même de ce que fut vraiment l’assassinat du Roi : meurtre uniquement politique ou bien haine envers Dieu dont il était le Lieutenant ? Il n’empêche que le sang qui fut versé ici, là où nous sommes, n’est pas celui d’un homme ordinaire. Lorsque le Roi arriva sur cette place couverte de neige, il apparut à tous, y compris ses ennemis qui en témoignèrent par la suite, comme revêtu de blanc, ce qui n’était point le cas. Le journaliste révolutionnaire Prudhomme y vit une affectation pour souligner sa fausse innocence, or, rapportant ce détail étonnant, il ne fait que souligner le caractère surnaturel du moment. Le Roi, durant le trajet du Temple à l’échafaud, s’était plongé dans les prières des agonisants aux côtés de l’abbé Edgeworth, millénaire préparation à la mort où l’agonisant s’identifie au Serviteur souffrant, à Notre Seigneur Lui-même dans sa Passion. Les bourreaux du Roi, tout en rejetant avec horreur cette image d’un Roi pieux prêt à se sacrifier pour son peuple, sont en fait ceux qui nous laissent le plus d’éléments en faveur de cette conviction du martyre, comme cet autre journaliste écrivant, -hostile aux partisans de Capet prêts à le mettre sur les autels : « À l’exemple du peuple juif de Jérusalem, le peuple de Paris déchira en deux la redingote de Louis Capet — scinderunt vestimenta mea — et chacun voulut en emporter chez soi un lambeau. » Voilà des révolutionnaires encore pétris d’histoire sainte et de catéchisme…

Lorsque notre Roi s’apprête à gravir les marches de la guillotine, regardant une dernière fois la capitale de son royaume, il sait que le principal reproche adressé par les Assemblées fut sa lutte pour la liberté de culte, désirant réparer des décisions malheureuses et contraintes. Le 11 décembre 1792, précédant la première comparution du Roi, les députés s’étaient mis d’accord pour dénoncer ce crime mais sans le nommer, justement pour ne pas offrir à Louis XVI la palme du martyre. Voici quelques lignes du débat :

  • « Dubois-Crancé : — demande qu’on mette dans l’acte énonciatif le texte de la lettre de Louis à l’évêque de Clermont, qui porte que quand le roi aura recouvré son autorité, il rétablira le culte catholique.
  • Valazé : — relit le texte de la lettre.
  • Serre : — je demande qu’il ne soit pas parlé du culte, à moins que vous vouliez le faire un jour canoniser.
  • Sur la proposition de Ruhl, la Convention décrète qu’elle insérera dans l’acte le texte ainsi arrangé : — la nation vous accuse d’avoir manifesté le désir et la volonté de recouvrer votre ancienne puissance. » (Moniteur, année 1792, n° 348)

Nous devrions rougir de nous dire catholiques pour beaucoup d’entre nous, car, jusqu’à ce jour, nous avons souvent épousé les thèses ennemies, ceci par lâcheté, ou bien même convaincus que Louis XVI n’avait pas tout mis en œuvre pour sauver ses peuples de la barbarie. Le Roi se tourne vers nous ce matin, alors qu’il s’avance vers son martyre. Sur ses lèvres, un des versets du psaume III qu’il vient de lire dans la voiture le conduisant au supplice : « Seigneur, que votre bénédiction se répande sur ce peuple qui est encore le vôtre ! » Il est habité par le silence en cet instant, malgré les sinistres roulements de tambours, les ordres militaires et les injures des Fédérés et des Jacobins massés sous le ciel lourd. Où sont donc les « braves gens », comme il disait le 14 juillet 1791, tandis que tant de foule l’acclamait encore au cri de « Vive le roi ! » ? Les princes eux-mêmes l’ont abandonné : ses frères les comtes de Provence et d’Artois, ses cousins, le prince de Condé et le duc de Bourbon, tous réfugiés à l’étranger contre l’ordre du Roi, attisant autour d’eux une violence et une haine dont le Roi ne pouvait qu’être victime. Et le pape lui-même ne bougea guère. Qu’importe… Notre Souverain ne cultive aucun ressentiment dans son cœur, pas plus qu’il ne le fit jamais au temps où ses plus grands courtisans dressèrent de lui dans l’opinion publique le portrait d’un homme sot et plat. La propagande entretenue par les philosophes, les journalistes, par la cour, tissée patiemment depuis tant d’années porte enfin ses fruits. Parmi ses frères, Louis XVI était le seul à avoir cultivé, dès son enfance, les vertus de piété et d’honnête homme, de foi et d’intelligence. Il devait nécessairement tomber car il était bien l’incarnation de ce que les révolutionnaires ne pouvaient accepter plus longtemps, déjà par son sacre de roi et, de plus, par ce qu’il était comme homme, à savoir un chrétien essayant de vivre de façon héroïque, selon son état de vie, toutes les vertus chrétiennes.

Dans ses Conversations, réflexions rédigées lorsqu’il a une dizaine d’années à la demande de son exigeant précepteur le duc de La Vauguyon, il écrivait par exemple, encore duc de Berry : « Je me propose d’être, toute ma vie, fortement et constamment attaché à la piété et à tous les exercices de la piété. Je m’élèverai au-dessus de toute sorte de respect humain, et je prends la résolution ferme et sincère d’être hautement, publiquement, généreusement fidèle, à celui qui tient en sa main les rois et les royaumes. Je ne puis être grand que par lui, parce qu’en lui seul est la grandeur, la gloire, la majesté et la force, et que je suis destiné à être un jour sa vive image sur la terre ; je ne rougirai jamais de ce qui peut seul faire ma gloire. » (IVe Entretien, manuscrit 4428, Bibliothèque Nationale)

Sire, Votre Majesté n’a point failli et vous n’avez pas rougi car vous ne vous êtes pas trompé de gloire alors que le monde autour de vous était emporté par les ruses du démon. En ce matin neigeux, qui donc est à plaindre, de vous ou de nous ? Vous accédez à l’antichambre du mystère. Les révolutionnaires, ce soir, vont illuminer les rues et organiser un bal public sur le lieu de votre martyre, mais la terreur va envelopper la ville saisie par la stupeur et l’effroi. Le Fils de saint Louis n’est plus. Vive le Fils de saint Louis !

Ainsi soit-il.

P. Jean-François Thomas, s. j.

2 réflexions sur “21 janvier 2022. Prière pour le roi Louis XVI, par le R.-P. Jean-François Thomas

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  • Benoît Legendre

    La révolution est fille du détestable mariage de l’impiété grandissante au 18e siècle et de l’égoïsme financier de la bourgeoisie…
    J’entends par impiété le recul, plus ou moins fort selon les provinces, des manifestations religieuses individuelles et collectives dans la société française au cours du 18e siècle, l’excellent Jean-Christian Petitfils explique très bien dans son “Louis XV” le triste progrès de la déchristianisation (déjà !) en France… Si les campagnes gardent encore une société imprégnée de Foi, les villes, et Paris la première, deviennent de plus en plus des “déserts religieux”…

    Le malheureux Louis XVI, de son côté, n’a pas su, n’a pas pu protéger le royaume de l’ouragan révolutionnaire… le rappel des Parlements en 1774, la regrettable ordonnance du Marquis de Ségur, Secretaire d’Etat à la Guerre empêchant aux roturiers l’accès à l’épaulette d’officier, l’affaire du collier, les dépenses de la Cour, le soutien aux rebelles américains contre leur roi… notre pauvre souverain a trop laissé donner de coups contre sa couronne !

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