Les sociopathes : malades ou saints ?, par Paul-Raymond du Lac
La lecture de la compilation de textes sous le nom « Essais, L’Homme et la Cité » de Stanislas Berton aux éditions « Le Temps retrouvé », Volume II, m’a fait découvrir la question des sociopathes, qui a été apparemment mis à la mode dans les séries américaines et la culture.
Ce sujet, que je ne connaissais pas du tout, semble ainsi en vogue dans le monde anglo-saxon, et par ricochet en France.
Stanislas Berton nous présente les théories d’un certain nombre de conservateurs américains, en particulier Tim Foyle, et des résultats de la « ponérologie », qui cherche à expliquer comment les dirigeants des sociétés totalitaires seraient de fait des « psychopathes », et que donc notre société malade serait dirigée par des malades mentaux.
Le terme sociopathe, quant à lui, se comprend de la façon suivante : un individu sans empathie et qui ne ressent pas d’émotions, qui, pour un objectif et une vision du monde particulière qu’il se donne ou qu’il a, peut utiliser de tout et de tous comme des moyens, sans aucun pathos, sans aucun « sentiment », sans aucun scrupule, sans aucune morale, en bref – ou alors une morale purement utilitaire, car, aussi fausse soit-elle, un homme peut-il ne pas posséder une certaine morale, au sens de critères d’action (aussi faux soient-ils par ailleurs) ? J’en doute.
Tim Foyle encense de façon problématique le bouddhisme, montrant qu’il y a anguille sous roche chez ce personnage. Les commentaires de Stanislas Berton sont néanmoins très justes sur le cas français : les français habitués au Roi très chrétiens ne parviennent pas à se méfier du pouvoir, puisque pendant plus de mille ans il fut charitable, juste, doux et chrétien. Le retour brutal au paganisme avec la Révolution a mis comme hiatus incommensarubale entre les habitudes chrétiennes ancestrales et une réalité terrible de dureté de la politique politicienne – qui semble nouvelle après 1700 ans de christianisme, mais qui est en fait le lot commun de l’humanité, avec en plus pour la Révolution française et ses suites une hargne particulière, aiguë, et souvent insidieuse venant de la haine de la Vérité révélée, qui aboutit in fine à la haine même des réalités naturelles, véritable tour diabolique qui hait la créature humaine pour elle-même, et tente d’atteindre Dieu dans son image… D’où les folies LGBT et compagnie.
Revenons à nos sociopathes.
Je comprends le désir de vouloir désigner les méchants dirigeants de « sociopathes », et, indirectement, de malades. Je pense néanmoins que c’est une erreur de fond : car ces « sociopathes » pourraient être autant des saints, s’ils dirigeaient leur gouvernail vers Dieu, et non vers eux-mêmes, ou une quelconque fausse religion ésotérique qu’ils veulent imposer.
Expliquons-nous. Selon la philosophie classique, l’homme vertueux, l’homme parfait est celui qui a remis de l’ordre dans sa constitution. Les passions, dont les passions internes, soumises à la volonté éclairée par l’intelligence – et donc parvenir en tout à prendre des décisions froides, c’est-à-dire raisonnables, sans précipitations, avec mesure.
La vérité chrétienne ajoute la clef de voûte indispensable et essentielle : volonté et intelligence doivent elles-mêmes être ordonnées à Dieu pour être véritablement bien ordonnées. Ceux sont les saints, dont la volonté propre disparaît, ou plutôt s’auto-détruit par la vertu d’humilité pour correspondre toujours plus à la volonté du Seigneur, tel un esclave se laissant complètement instrument de son maître, tel un enfant sage se laissant faire par ses parents, telle une voile prenant le vent sans résistance aucune.
Le saint n’est plus atteint par les désordres des passions. Il ne réagit pas par « empathie », mais sait lire les âmes et compatit à la misère d’autrui, car il connaît aussi sa misère, et aime le prochain pour Dieu, qui a pris la peine de le créer. Pas d’empathie pour de l’empathie, mais une compassion « froide » qui ne se fait pas prendre par le sentiment : le saint sait que le véritable amour n’est pas pressé ni pressant, que l’amour spirituel est sûr de lui, car il trouve son appui dans l’amour de Dieu, la charité, si sûr de lui qu’il ne pense pas à l’aimé terrestre quand il est loin de lui, car il sait que cet aimé, comme lui, aime Dieu, et que chacun, tout le temps, cherche à agir selon Dieu, ce qui les relie par un lien de charité, et non pas une passion inquiète1.
Le saint exerce avec grande perfection toutes les vertus, dont celle de prudence et de charité : pour œuvrer, il use de sa raison, de son jugement, en toute objectivité, sans se laisser ballotter ni par le monde, ni par les passions, ni par les distractions. C’est un « monstre froid » qui pour le feu de la charité déplacera les montagnes, continuera sa route droit, dans un mépris du monde, une ignorance des scories de ce monde, qui ne l’affectent plus directement puisqu’il est en Dieu.
Il est ainsi semblable au « sociopathe », qui est au fond un monstre froid de raison, non pas pour Dieu, mais pour lui-même ou pour autre chose.
Ce sociopathe n’est au fond qu’un « machiavélique », c’est-à-dire quelqu’un d’intelligent, et de volontaire, qui a réussi à dompter ses passions et à remettre un certain ordre, mais non dirigés vers Dieu, et les problèmes commencent…
Au fond, pour être politique, ou plutôt chef, dirigeant, il est nécessaire d’être un sociopathe : comment voulez-vous prendre de bonnes décisions si vous n’êtes pas détaché de ceux qui vous entourent et de ce qui vous entoure ? Diriger rend seul, et c’est une bonne chose, car cela aide à prendre les décisions avec objectivité. Le saint aussi, comme le moine, est seul d’un point de vue humain : cela l’aide à toujours s’attacher plus à Dieu, et à véritablement aimer son prochain pour Dieu.
L’histoire des hommes montre bien ce fait : le fait qui choque encore le fond chrétien de nos habitudes, à savoir cet aspect machiavélique, calculatoire, en bref non charitable, qui use tout et tous pour un but qui n’est pas Dieu (ou le service, ou le bien commun), est en fait une donnée constante et classique partout où la chrétienté ne règne pas…
Cela est d’ailleurs si vrai que le païen ne comprend même pas que vous puissiez être choqué, et tout le monde admet cet état de fait – qui est néanmoins voilé par de « beaux discours », comme ceux des révolutionnaires sur la révolution par exemple, mais des « mythes » que tout le monde sait être faux par ailleurs ; pourquoi ce besoin ? L’homme reste homme, fait pour Dieu, et même s’il s’habitue comme une bête à la dureté du péché, sa nature le pousse toujours vers Dieu et la vérité, et il ne peut supporter cette sorte d’avilissement pratique sans le cacher sous des oripeaux de respectabilité – c’est assassiner ses vieux en le justifiant par leur dignité à mourir typiquement.
Le fait que ces discours « pathologiques » soit en vogue du côté anglo-saxon, et par ricochet chez nous, reflète bien notre époque du tout sentiment, passion, du ressenti et de l’empathie : ne tombons pas dans le piège ! Ce n’est pas parce que la raison peut-être malicieusement utilisé pour le pire (les suppôts du diable), qu’il faudrait la condamner : elle aussi le premier outil des saints donné par Dieu pour notre sainteté.
Le sociopathe n’est ainsi pas un malade mental, mais quelqu’un qui est parvenu à une certaine « vertu » naturelle de domination de ses facultés basses par ses facultés hautes, mais soumis à quelque chose qui n’est pas Dieu (orgueil, désir de pouvoir, de vaine gloire, de contrôle, d’argent, le diable, ou ce que vous voulez).
Le bon dirigeant ne peut devenir tel que s’il parvient à se détacher du monde, à réfléchir avec réalisme, avec objectivité, ce qui exige une « froideur » de chirurgien, pour prendre la bonne décision pour sauver le malade : qui voudrait que son chirurgien, le bistouri dans vos viscères, commence à être pris d’empathie, d’émotions, à trembler, et, sans le vouloir certainement, vous tuer ?
Évidemment, le mauvais chirurgien qui profite de l’opération pour vous implanter une puce afin de vous soutirer plus tard quelque chose, à l’image de nos dirigeants actuels, est un méchant salaud : mais il vaudra toujours mieux que le passionné tirant qui vous tue directement.
Alors, encore une fois, la Restauration, ou rien.
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France
Paul-Raymond du Lac
1Voir aussi cet article pour ce sujet si difficilement compréhensible pour nos contemporains.
De l’amour spirituel et de l’amour charnel, par Paul-Raymond du Lac (vexilla-galliae.fr)