Politique

Les fondamentaux de la restauration (10) – Chap. VII : La nécessité de la reconstitution de la famille

Les fondamentaux de la restauration – 10

Mgr Henri Delassus, L’Esprit familial dans la maison, dans la cité et dans l’État, Société Saint-Augustin, Lille, 1911.

Chapitre VII —  La réforme doit commencer par la reconstitution de la famille

Comme le surent tous les sages de tous les temps, l’homme est un animal social par nature. Sans société, il se meurt. Notre époque refuse frontalement cette vérité fondamentale par l’individualisme, mais la réalité ne change pas : cette contradiction engendre nos souffrances contemporaines et des catastrophes sans fin, sans parler de la destruction de tout ce qui est bon.

Mais quel est le but de la société ? Parfaire ses membres par la pratique de la vertu : faire des adultes, c’est-à-dire des honnêtes hommes, des prud’hommes, des personnes vertueuses. Cela est le fondement la politique, pas du théâtre dramatique de la barbarie que jouent nos gouvernements aujourd’hui. Dans un monde catholique, la société vise en sus de cette perfection naturelle, une perfection surnaturelle : la sainteté, qui, en dernière instance, consiste à aller au ciel (souvent après un séjour au Purgatoire, qui finit de purifier et de sanctifier l’âme). Voilà pourquoi l’ancienne France était extraordinaire ! Elle permettait à la grande masse d’entrer au ciel, quitte à passer par le purgatoire, guidée par des âmes d’élite : tous ces saints qui font notre histoire !

Mais pour réformer (re-former) une bonne société, pour restaurer notre société, il nous faut ces âmes vertueuses et ces élites, car c’est la minorité qui fait l’histoire et tire la majorité vers le haut. Pour se faire, il nous faut la famille :

« Encore ne peut-il suffire que l’on obtienne d’individualités, si nombreuses qu’elles soient, la pratique de ces vertus ; il faut qu’elles soient incorporées dans des institutions. Les vertus privées passent avec les hommes qui les pratiquent. Les nations sont des êtres permanents. Si les vertus sont leur soutien et leur fondement, elles doivent être perpétuelles ; et cette perpétuité, elles ne peuvent la trouver que dans des institutions stables.
La première de ces institutions, la plus fondamentale, celle qui est de création divine, c’est la famille. La famille, avons-nous dit, est la cellule organique du corps social. C’est en elle que se trouve le foyer des vertus morales et sociales ; c’est d’elle que nous les avons vues rayonner et pénétrer de leur puissance tous les organes sociaux et l’État lui-même. Il en fut ainsi chez tous les peuples qui arrivèrent à une civilisation.
Or, la famille n’existe plus en France. Cette affirmation pourra surprendre ; mais elle n’étonnera que ceux qui, voyant notre pays dans son état actuel, n’ont jamais eu idée de ce qu’il était autrefois et de ce qu’il doit être. »

Imprécation terrible, mais constat de bon sens : sans bonnes familles, pas de vertus. Sans vertus, pas de civilisation, et bientôt la barbarie… Souvenons-nous que Mᵍʳ Delassus nous parle depuis la première décennie du siècle de 1900, et déjà, à son sens, la famille n’existait plus en France ! Que dirait-il aujourd’hui ? Car évidemment, la famille n’est pas le petit cocon-noyau des parents et des enfants (qui, d’ailleurs, lui non plus, n’existe presque plus aujourd’hui !), mais la lignée à travers les âges pour son axe vertical et les collatéraux présents à plusieurs degrés pour son axe horizontal, sans compter les multiples alliances matrimoniales, élargissant le cercle encore des liens du sang, et sans compter les familiers et les gens divers, si liés à la Maison qu’ils font parti de la famille. Bref, une véritable petite société consciente d’elle-même et déjà quasi-complète, permettant l’exercice de toutes les vertus, en particulier la justice, fondement naturel de la société, et la charité bien ordonnée, lien surnaturel qui rend la société douce à vivre.

Notons que ce genre de société existe dans toute civilisation, mais seule la Chrétienté l’a systématiquement purifié des scories produites pour des cœurs de fer (esclavage, concubinage, polygamie, vengeance, etc.) : seule la Loi d’amour de Dieu, le lien en Dieu de toute cette famille l’élève en une sorte de monastère céleste !

Il nous est nécessaire de renouer avec nos ancêtres, qui nous déterminent tant, même chez ceux qui ont oublié d’où ils viennent — la loi marxiste du « déterminisme social » et celle de la « reproduction de classe » sont fausses, mais la vision erronée des rouges se fonde sur un semblant de constatation naturelle, celle d’une vérité politique fondamentale : il est vrai que nous sommes tributaires de l’accumulation des vertus et des vices de nos ancêtres, qui rejaillissent souvent sur nous sans que l’on s’y attende ; cela est bon quand le legs est bon, évidemment, mais ce legs n’est jamais absolument déterminant, nous pouvons le surmonter quand il est mauvais, et même l’utiliser pour mieux nous convertir, l’Évangile nous l’apprend.

« Dans l’une des conférences qu’il prêcha à l’Oratoire, Mᵍʳ Isoard a fort bien dit : « La vie de l’individu est une, mais l’analyse nous y découvre trois éléments, les forces diverses de trois temps distincts. Cet homme a déjà vécu en d’autres existences. Il a le sentiment d’avoir vécu en son aïeul, en son bisaïeul. Ce qu’ils ont pensé, il le retrouve en lui-même.
La vie de ses ancêtres, c’est le commencement de la sienne, c’est sa première époque.
— La seconde, le présent, la vie individuelle est comme une efflorescence de la première. Je continue l’œuvre de mon bisaïeul, j’ajoute à sa pensée ; ce qu’il désirait faire, je le fais, je prolonge son action dans ce monde.
— Ah ! je vivrai longtemps sur cette terre, où je compte déjà tant d’années d’enfance dans mes aïeux, d’adolescence dans mon père, de maturité en ma propre existence !
C’est cette troisième vie qu’il aime, qu’il regarde incessamment. Il vivra dans le fils, dans le petit-fils, dans l’arrière-petit-fils. Son bisaïeul à lui l’apercevait de bien loin, dans la brume, lorsqu’il travaillait, conservait, amassait. Et lui, il regarde de ce même côté, en avant : il pense, désire, bâtit pour l’arrière-petit-enfant, pour ceux qui sont là-bas, si loin, dans les limites de l’horizon. Et, de la sorte, tout homme vivant en un temps où règne l’esprit de tradition est un milieu entre nombre de générations. Il vit en elles. Il a ce sentiment qu’il préparait sa propre vie dans celles qui l’ont précédé, qu’il continuera longtemps à vivre dans celles qui viendront après lui. »

Le bon Dieu nous a créé inscrits dans une lignée : ce n’est pas pour rien ! Notre auteur a raison de souligner combien le sentiment naturel de voir sa vie continuer dans sa descendance — comme de prendre conscience que nous sommes le fruit d’un miracle, puisque nous ne sommes nés que grâce à l’improbable union d’une myriade d’ancêtres — est légitime. Tout cet ordre naturel nous porte à deviner l’ordre surnaturel : notre vie est destinée à l’éternité de la vie divine, et nous contribuons, en tant que maillon de la chaîne, à augmenter la gloire divine, et à permettre la vie divine de toucher plus d’âmes !

Il y a peu encore, au Japon, la Maison incarnait parfaitement cette société naturelle dont l’individu nécessite le travail et l’existence, et pour laquelle il se sacrifiera volontiers :

« Le Japonais Naomi Tamura, revenant d’un voyage aux États-Unis, a publié un livre sur la famille. Il y explique que dans son pays le mariage repose surtout sur l’idée de la race. « La vie d’un homme, dit-il, a moins d’importance que la vie d’une famille. Sous le régime féodal, le châtiment le plus terrible était l’extinction d’une famille existant depuis des centaines d’années ; et de nos jours encore, tout Japonais instruit croit que l’extinction de sa race est la plus grande calamité qui puisse frapper un être humain. »

Pourquoi notre monde moderne en est-il arrivé à un tel niveau de déliquescence ? Tout simplement on en est venu à croire que des illusions étaient des réalités, ou en tout cas, au début, agir comme si ces mensonges éhontés étaient des réalités (pour son intérêt, sa folie, ses passions), cela est la révolution française, et les lumières, en particulier le fou Rousseau, qui malheureusement pour nous a su bien écrire :

« Au nombre des sophismes que J.-J. Rousseau, le docteur de l’État révolutionnaire, l’évangéliste de la société moderne, a tiré de la prétendue bonté native de l’homme, se trouve celui-ci : « Les enfants ne restent liés au père qu’aussi longtemps qu’ils ont besoin de lui pour se conserver. Sitôt que ce besoin cesse, le lien naturel se dissout. Les enfants exempts de l’obéissance qu’ils doivent au père, le père exempt des soins qu’il devait aux enfants, rentrent tous également dans leur indépendance ; s’ils continuent de rester unis, ce n’est plus naturellement, c’est volontairement, et la famille elle-même ne se maintient que par convention ».
Ces paroles ravalent l’homme au rang des animaux. Là, en effet, le lien se dissout dès que le besoin cesse. La Révolution, qui a voulu faire entrer, par ses lois, dans les mœurs, toutes les idées de Jean-Jacques, n’a point manqué de s’emparer de celle-ci et elle en a tiré la loi du divorce. Abolie par la Restauration, cette loi anti-familiale a été promulguée de nouveau par la République actuelle qui l’aggrave de jour en jour »

Regardons par la fenêtre : nous sommes une société d’animaux. Non, pire que cela ! Les animaux, eux, ne pêchent pas, ils ne font qu’obéir à leurs instincts, qui ne sont pas mauvais en soi. Notre société fait terriblement pire : elle se dégrade en faisant la bête alors qu’elle est homme ! Elle est diabolique quand elle se vautre volontairement dans les pires immondices : notre société est bien pire que l’animalité ! Quel animal se vautrerait dans la jouissance sexuelle déconnectée de toute reproduction ? Cela n’existe pas chez les mammifères, il n’y a que quelques chaleurs, et qui sont dirigés vers la reproduction… Nos tristes contemporains croient être libres, alors qu’ils sont esclaves !

Mᵍʳ Delassus a raison de dire que l’institutionnalisation du divorce marque la fin de notre société chrétienne, et de notre société tout court : au XXIe siècle, rien ne change ! Vous voulez restaurer la société et vous débarrasser de toutes ces folies dites sociétales ? Reformer directement à la source, en interdisant le divorce (l’avortement, la promotion des relations contre-nature, la contraception, le commerce d’enfants, etc. suivront) .

Continuons :

« La loi du 13 juillet 1907 a porté une autre atteinte à la famille en y affaiblissant de nouveau l’autorité. Il faut un chef dans toute société. Le chef de la famille c’est l’homme ; l’Apôtre saint Paul ne fait que rappeler sur ce point l’institution divine. La nouvelle loi a décidé que, quel que. soit le régime adopté par les époux, la femme pourra administrer les produits de son travail personnel et les économies en provenant, sans l’autorisation de son mari.
Sans doute, des femmes avaient à souffrir ; mais on ne remédie point aux désordres privés par des atteintes portées aux principes.»

Notre auteur décrit la dégringolade, étape par étape, par la destruction des bons principes… Aujourd’hui, non contente d’avoir détruit la saine, sainte et nécessaire autorité masculine, paternelle, royale, apostolique, la société consacre comme supérieure l’autorité féminine, pourtant contre-nature… Les sociétés d’Amazones n’ont existé que dans les fantasmes des légendes, les sociétés matrimoniales courent à leur perte (l’histoire le prouve, notre temps le prouve). Cela n’a rien à voir avec du machisme : nous ne faisons que reconnaître la réalité : Notre Dame est la plus grande de toutes les créatures, car elle fut la plus soumise à son Fils bien-aimé, Notre Seigneur, qui est son Père du Ciel aussi, son Créateur. Joseph de Maistre le dit bien : toutes les civilisations païennes ont muselé et entravé la femme, car, sous le pêché originel non guéri par le baptême, elle tient d’Ève.

C’était dur pour tout le monde, mais la société ne pouvait tenir qu’à ce prix. Seul l’Évangile a pu purifier la société et restaurer la femme dans toute la splendeur de la grâce et de son rôle de soleil, de cœur irriguant toute la société de son amour ! Seules les saintes femmes ont permis aux apôtres de se convertir, en portant la Bonne Nouvelle ! Seule une Clothilde et tant d’autres Reines purent amener ces brutes d’hommes à leur véritable père ! Mais, continue Joseph de Maistre, prophète véritable de nos temps, une société qui oserait libérer les femmes sans être sous la loi de l’Évangile signerait son arrêt de mort… Nous y sommes !

Comment notre société est-elle devenue barbare ? En détruisant peu à peu l’économie des sacrements, qui faisaient régner notre Seigneur dans les cœurs, et liaient les hommes dans l’amour de Dieu :

« La Restauration, qui avait rapporté la loi du divorce, n’avait fait que demi-besogne. Elle avait laissé subsister le mariage civil, autre invention révolutionnaire, dont le but était d’enlever au mariage sa sanction divine, et l’effet d’enlever à la famille la cohésion que lui donnent les liens scellés par Dieu lui-même.
[…] Les effets de cette loi sont désastreux, aussi bien pour l’État que pour la famille ; elle vient s’ajouter au divorce et au mariage civil pour obtenir que la famille française n’ait plus, ne puisse plus avoir la permanence qui lui faisait autrefois traverser les siècles. Et, cependant, cette permanence entre si bien dans l’ordre voulu de Dieu, qu’on la trouve enseignée dans toute la Bible. L’Évangile nous fait lire en deux sens la généalogie de la Sainte Famille de Nazareth, en descendant d’une génération à l’autre, et en en remontant le cours. Marie et Joseph, comme tous les Hébreux d’ailleurs, savaient qu’ils ne faisaient avec leurs ancêtres qu’une seule et même famille, qui remontait à David, comme David remontait à Juda, l’un des fils de Jacob, comme Jacob remontait à Noé, le restaurateur de la race humaine. De Noé étaient sortis trois grands embranchements qui, à chaque génération, produisaient de nouvelles souches; et chacune de ces souches gardait religieusement les généalogies, par lesquelles elles se rattachaient au tronc commun. »

Souvenons-nous de tout cela et rejetons avec force tous ces modernistes qui se prétendent catholiques : les Évangiles crient la loi naturelle, ils citent tous les ascendants de notre Seigneur, de même que son ascendance doublement royale par sa mère et par son père adoptif, et sa royauté céleste par sa nature divine. Le Christ ne vient pas abolir, mais accomplir ! La loi du talion n’est pas abolie, et il est sain d’en user pour faire justice, mais à condition de l’accomplir dans la loi de la charité ! Cessons d’être manichéens et sachons être justes et charitables ! La charité n’existe que sur des bases naturelles, la charité n’a de sens que si la justice est respectée. Les criminels seront punis, et s’ils ne sont pas punis ici, pauvres d’eux, ils seront punis là-bas !

Ne soyons pas abattus des calamités qui nous assaillent : soyons plutôt heureux et remercions le Seigneur ! Il nous punit enfin, il s’intéresse enfin à nous, nous n’avons qu’à nous corriger… Nos prédécesseurs étaient si perdus qu’ils n’avaient même pas la chance d’avoir des calamités pour se rendre compte de leurs erreurs, à tel point le bon Dieu les avait abandonnés, la pire des punitions !

Alors restaurons encore et encore et, pour cela, restaurons la famille. Pour cela, puisons dans les exemples du passé :

« Une loi écrite au cœur des Français, consacrée par une coutume bien des fois séculaire, assurait la transmission du patrimoine d’une génération à l’autre ; et un triple enseignement, celui donné par la conduite des parents que les enfants avaient sous les yeux, celui des exhortations, des conseils, des admonestations qu’ils en recevaient, et celui des écrits appelés livres de raison ou livres de famille, tenus à jour par chaque génération, assurait la transmission des traditions familiales.
Aujourd’hui, les livres de raison n’existent plus, même à l’état de souvenir, si ce n’est chez les érudits ; le patrimoine n’est plus considéré par les enfants que comme une proie à se partager ; et combien y en a-t-il parmi nous qui pourraient nommer leurs bisaïeuls ? »

Alors parents ! Vous savez désormais quoi faire : devenir des modèles de sainteté, exhorter et enseigner vos enfants en leur disant ce qu’il faut dire, et préparer des livres de raisons, véritables annales et livres d’édification familiale !

« La famille, avons-nous dit, a deux supports : le Foyer et le Livre de famille, appelé en France Livre de raison. Ces deux supports ont été brisés l’un et l’autre par la loi : le premier directement, le second par voie de conséquence. La transmission du foyer et du patrimoine qui l’enveloppe, formait entre les générations successives le lien matériel qui les rattachait l’une à l’autre. A ce premier lien s’en joignait un autre : la généalogie et les leçons des ancêtres consignées dans le livre où la généalogie était dressée. Le Code civil s’est opposé à la transmission du foyer ; il a décrété le partage égal des biens meubles et immeubles : par là, il a isolé toutes les générations, il a rendu chacune d’elles indépendantes, et de celles qui l’ont précédée, et de celles qui sont à venir; et pour toutes il a modifié peu à peu la manière de penser relativement à l’héritage paternel. On n’y voit plus qu’une source de jouissances personnelles. Autrefois, c’était un dépôt, un dépôt sacré que l’on avait l’obligation de transmettre comme on l’avait reçu. »

Il nous est peut-être difficile, à vue humaine, de constituer un foyer matériel, avec une assise solide, nécessaire sur le long terme, car nous sommes des êtres de chair et nous avons besoin d’un cocon pour nous protéger, pour croître en paix, pour avec des points d’ancrage. Toutefois, cela n’est pas une nécessité absolue : il suffit de compenser par plus de sainteté. Petit à petit, heure par heure, prière par prière, sans avoir peur.

Par ailleurs, aujourd’hui, les campagnes sont désertées, et les prix ne reflètent plus rien de la valeur réelle des choses : que de véritables et belles terres si peu chères et accessibles à tout portefeuille, là où un mètre carré à Paris pour une vie pourrie coûte si cher !

Le livre de raison peut quant à lui se constituer avec facilité, mettons-nous-y ! Par exemple :

« (Antoine Courtois dans le livre de raison) Mes bien-aimés, nous avons la jouissance de nos biens, nous ne pouvons en consommer que les fruits. Nos biens sont entre nos mains pour que nous travaillions sans cesse à les améliorer, et ensuite pour que nous les transmettions après nous à ceux qui nous suivront dans la carrière de la vie. Celui qui dissipe son patrimoine, commet un vol horrible : il trahit la confiance de ses pères, il déshonore ses enfants ; il eût mieux valu, pour lui et pour toute sa race, qu’il ne fût jamais né. Tremblez donc de manger le bien de vos enfants et de couvrir votre nom d’opprobre ».
Ces sentiments découlaient naturellement de la pensée que tous avaient dans l’esprit : à savoir que le foyer et le domaine patrimonial étaient l’objet d’une sorte de fidéicommis perpétuel ; qu’il n’était point permis de l’amoindrir, que tous devaient s’efforcer de l’accroître. »

Nous sommes un maillon de la chaîne : le savoir et s’y plier c’est déjà apprendre l’humilité, sans imprégner, et mieux servir, servir, servir le bon Dieu.

« Il en était ainsi dans notre France, et pour qu’il en fût ainsi, les enfants étaient élevés dans la pensée, qu’après la mort des parents, le patrimoine ne pouvait être divisé, et le foyer paternel, asile de paix consacré par tant de souvenirs et de vertus, ne pouvait être vendu sans crime. Ce qui pouvait être partagé, c’était le produit net du travail commun, auquel avaient concouru les divers membres de la société domestique actuelle ; mais l’œuvre des ascendants devait être conservée intacte, pour être remise fidèlement aux mains de ceux qui demain, qui aux siècles suivants, continueraient à maintenir la famille que les premiers auteurs avaient fondée. Si l’un de leurs descendants violait le pacte et dissipait le bien commun, il portait devant sa postérité la honte d’avoir fait déchoir la famille. »

Tout cela peut sembler loin et irréalisable à certains de nos contemporains, et pourtant il suffit d’avoir la volonté de recréer ces cocons pour le faire. Sans inquiétudes, le bon Dieu pourvoira à tout, du moment que nous cherchons avant tout le Royaume des cieux. Et cela signifie accomplir ses devoirs selon sa condition : avoir de nombreux et bons enfants pour les parents. Servir son Roi si l’on est français — car être français signifie servir son roi, et rien d’autre, avec fidélité. Restaurer en tout, partout. Servir et se sacrifier en tout et partout. Que les chefs servent le Roi, qu’ils servent leurs subordonnés, pour leur bien et pour leur salut. Qu’ils soient forts et qu’ils usent de cette force avec justice !

Restaurons un peu plus chaque jour, dans l’ordre de la charité : nous-mêmes, la famille, la paroisse, les cercles d’amis et les métiers, le pays (dans le sens du terroir), le Roi et, toujours, à chaque étape, Dieu ! Sinon, la France disparaîtra complétement ! Rappelons néanmoins que nous ne servons pas pour empêcher cette destruction, qui n’est pas de notre ressort, nous servons pour la gloire de Dieu, pour la gloire du Roi, pour le service et le sacrifice de la Majesté royale et de la Majesté divine. Point. Le reste sera donné par surcroît, si Dieu juge que nous en avons besoin.

Paul-Raymond du Lac

Pour Dieu, pour le Roi, Pour la France !


Dans cette série d’articles intitulée « Les fondamentaux de la restauration », Paul-Raymond du Lac analyse et remet au goût du jour quelques classiques de la littérature contre-révolutionnaire. Il débute cette série avec L’Esprit familial dans la maison, dans la cité et dans l’État, écrit par Mgr Delassus il y a désormais plus d’un siècle.

Mgr Delassus, L’Esprit familial dans la maison, dans la cité et dans l’État (1911) :

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