Politique

Le sismographe – les jeunes, les Européennes et le FN

Commencé lors d’une manifestation[1] cette série d’interview est peut être plus parlante qu’un certain nombre d’études, de diagrammes et de graphiques qui se sont déployés sous mes yeux pendant des semaines.
Napoléon préférait les petits schémas aux grands discours. Il était artilleur. Selon moi ce sont les démonstrations, les mots, les maladresses parfois, qui témoignent le mieux de l’état d’un esprit. C’est sûrement le disciple de Péguy qui parle en moi !

Mon petit panel n’est guère représentatif : socialement je n’ai affaire qu’à des jeunes caractérisés par leur niveau d’étude élevé. Il est intéressant de noter, parce que cela casse une certaine idée, que deux jeunes filles, par ailleurs charmantes, ont répondu à mes questions. Qu’on se le dise : les femmes arrivent en politique et elles ont plutôt la fougue d’une Charlotte Corday, que l’esprit de salon de Madame de Staël !

D’une manière générale, le résultat de 2002, dont les médias de grande écoute ne cessent de nous rabattre les oreilles, semble bien avoir perdu un peu de sa consistance chez les jeunes que nous avons interviewés. Par ailleurs, une certaine divergence d’opinion à travers l’UMP semble voir le jour. L’idée européenne n’interpelle pas au même degré dans cette structure politique caractérisée structurellement par une diversité d’opinion assez frappante.

Par delà cette fracture interne à l’UMP, nos jeunes se partagent entre eurosceptiques et europhiles, et  ce assez nettement. N’ayant pu interroger de jeunes de gauche (NPA, PCF ou FdG), ceux-ci n’ayant pas répondu favorablement à mon appel à témoins, j’en suis réduit à conjecturer sur ce point que tous sont d’accord dans leur europhilie. Toutefois, cette séparation entre europhilie et euroscepticisme n’est pas une séparation entre Droite et Gauche, elle n’est donc pas politique, au sens Français du terme mais bien plutôt métapolitique : ne parvenant plus à convaincre sur le plan politique, l’Europe retourne dans un débat d’ordre plus théorique, en appelant à la perspective, plus qu’en se basant sur le bilan (un peu décevant) de l’Union.

Un des points relativement reconnu est l’idée que le Front National de Marine Le Pen fait évoluer les lignes politiques et vient réveiller un édifice qui se servait d’une dialectique qui semble maintenant bien peu efficace. Pour le meilleur ou pour le pire, c’est là que nos jeunes divergent. Certains dénoncent l’inanité du programme économique du Front, ce qui semble être l’argument prioritaire. En creux on peut lire un étonnement assez marqué pour la capacité du Front National à attirer le vote « ouvrier », mais surtout le vote de gens censés être éduqués.

La question de la place du FN dans la vie politique Française demeure assez bien partagée. A droite le FN est clairement perçu comme sous représenté et nos interviewés souhaiteraient un peu plus de représentativité, toutefois sans tomber dans l’écueil d’une quatrième république ingouvernable du fait de la proportionnalité ; si la demande de changement est forte, les propositions concrètes ne sont pas même esquissées.
Pour nos interviewés de gauche j’avais préféré, sur le moment, tourner la question sur un angle plus large. Il est notable de constater que ce sont les questions sociales qui semblent établir la vraie fracture entre ce qui est acceptable (aka républicain, j’imagine) et ce qui ne l’est pas. En cela on peut retrouver l’assertion d’Arthur qui décrypte les préoccupations socialistes en la matière comme une manière de détourner l’attention sur les questions d’ordre plus politique qui ne seraient plus entre ses mains. Pourtant le FN est là, et l’on conçoit mal comment le faire disparaître, même si la volonté d’assister à sa disparition semble assez présente.

On souhaite donc bien, par cohérence, que le FN soit présent dans la vie politique Française, mais c’est sur la question de la proportion, de la posture des autres partis vis à vis du Front que les avis se divisent, confirmant ainsi la rupture et la recomposition des lignes politiques que l’on avait constatées dans les autres questions.

Reste à savoir si, alors que l’UMP semble en grande difficulté (un malade dont l’agonie n’en finit plus) l’on va assister à une recomposition du paysage politique autour d’un bipartisme, ou autour d’un tripartisme…

Dans le deuxième cas, il est évident que la cause monarchiste ne pourrait que se réjouir d’une telle situation qui permettrait, moyennant d’intelligents -et intelligibles- positionnements, de créer un engouement susceptible de ressembler à celui qui existait autour de l’Action Française dans l’entre-deux guerre.

Les Lys Blancs refleuriront-ils ?

A Dieu command !

Roman Ungern

Le Militant LGBT

Cette interview s’étant déroulée avant les autres, nous avons par la suite affiné nos questions sur la forme, tout en en conservant le sens.

Paul est étudiant à Lyon en relations internationales, et milite activement pour l’accroissement des Droits des personnes LGBT. Se reconnaissant dans les valeurs politiques portées par la Gauche, Paul n’est cependant pas affilié à un parti en particulier.

Roman Ungern (R.U) :Quelle situation t’as le plus marqué : le 21 avril 2002, ou le 25 mai 2014 ?

Paul : Ce ne sont déjà pas les mêmes élections. L’une est un scrutin à deux tours, l’autre à un tour. L’une est nationale, l’autre est européenne. Ce serait embêtant dans les deux cas, mais c’est la réaction qui est différente : le scrutin à un tour ne donne pas les mêmes enjeux puisque on est sur un enjeu de réaction à ce qui me paraît comme un mauvais choix, alors qu’en 2002 il fallait empêcher que le Front National ne parvienne au pouvoir. On est plus dans une posture de passivité et de réaction que d’efficacité, au sens où les manifestations d’aujourd’hui n’ont pas d’autre but que de montrer notre mécontentement face à ce résultat.

R.U : Olivier Duhamel a déclaré récemment qu’il fallait changer de tactique contre le Front National et l’affronter sur le plan des idées. La lutte contre le FN te paraît-elle satisfaisante, autour de quel axe la mener ?

Paul : La lutte contre le FN est déjà relativement satisfaisante, mais il faut aller plus loin que la dialectique anti-raciste et anti-xénophobe. Il faut attaquer le FN sur le plan économique car on se rend compte que le volet économique de l’argumentaire du front National commence à convaincre. Cependant il faut bien faire comprendre aux gens que vouloir sortir de l’euro c’est, pour moi, de l’ordre de la mise en danger d’autrui. Comme je le dis souvent : « C’est pas avec un porte avion en cale sèche, trois missiles nucléaires et des sièges sociaux de fabricants de sacs de luxe que la France va survivre. ». Donc d’une part il faut maintenir le discours anti-raciste et anti-xénophobe, mais il faut l’enrichir d’un discours qui déconstruit le discours économique du front National. Pour autant il est tout à fait légitime d’être fier de l’histoire de son pays, et aussi de celles des autres pays Européens. Mais il faut bien comprendre que l’Europe comporte une grande richesse culturelle : il est de l’intérêt de tous que nous puissions nous enrichir mutuellement. De plus l’Europe est un espace en paix, alors qu’elle fut en guerre plus ou moins permanente pendant près de 2000 ans… Il ne faut pas oublier cela non plus, l’Europe offre une zone de Paix et de Démocratie, toute relative soit elle, et c’est important.

RU : Pourquoi « relative ? »

Paul : Jusque récemment le pouvoir du peuple dans les institutions Européennes était assez réduit. Cette fois ci nous pouvons désigner le président de la commission Européenne, il faut continuer dans ce sens et accroître le pouvoir des peuples dans les institutions Européennes mais aussi être capable de mieux les expliquer parce que les gens n’y comprennent rien et que cette incompréhension favorise l’abstention. De fait il faut se diriger vers un projet Européen plus « fédéral ».

R.U : Selon toi le FN devrait-il avoir une place dans la vie politique Française ?
Paul : Ce n’est pas tellement qu’il doit ou ne doit pas avoir de place, il a une place de fait puisqu’il existe, donc on doit faire avec… « Deal with it »  en quelque sorte. Ce qui importe vraiment c’est d’opposer systématiquement quelque chose au discours du FN. Autre chose : il faut absolument que l’UMP maintienne son opposition à toute alliance avec le FN : ces derniers temps, surtout depuis le discours de Grenoble de Sarkozy, on sent que certains cadres de l’UMP se rapprochent sensiblement du FN sur le plan des idées. Pas tellement sur le plan économique d’ailleurs, mais surtout sur les questions sociales-sociétales. Ainsi, NKM qui s’est abstenue lors du vote de la Loi du mariage dit « pour tous » alors qu’elle était vraisemblablement pour : il y a une pression du parti qui fait que l’UMP se dirige insensiblement vers le FN. Or il est impossible de se rapprocher du FN : on sait qu’il y a un vrai discours haineux planqué derrière les tentatives de dédiabolisation du parti.

Zita, sympathisante Front National

Roman Ungern (R.U):Est-ce que tu pourrais te présenter en quelques mots (Etudes, parcours politique et ou associatif)? 

Zita: J’ai 23 ans, je suis en dernière année de licence. Je n’ai pas de réel engagement politique mais j’ai fréquenté certains mouvements politiques de droite pour m’aider à me forger une opinion. J’ai participé à quelques activités politiques comme du collage, des conférences ou des activités plus festives. J’ai plus particulièrement fréquenté le FN cette année en allant à certaines de leurs activités et en écoutant régulièrement les représentants du mouvement. J’ai aussi beaucoup suivi la campagne de Chauprade. Je ne suis pas encore à 100% avec le FN mais il bouscule un peu les stéréotypes du bien-pensant ce qui n’est pas pour me déplaire.

R.U: Le résultat des Européennes donne le FN victorieux avec 25% des suffrages exprimés. Quelle date t’a le plus marquée: 21 Avril 2002 ou 25 Mai 2014?
Zita: Le 25 mai 2014. J’étais trop jeune en 2002 pour me rendre compte de ce qui se passait réellement avec cette élection. Je me rappelle simplement n’avoir pas trouvé très démocratique qu’il y ait autant de manifestations contre JM Le Pen alors qu’il était au second tour.

R.U: La plupart des acteurs médiatiques et politiques s’entendent sur l’idée de lutter contre le Front National. Cette lutte te parait-elle opportune et bien menée?
Zita: Bien menée, non. Cela se voit avec les résultats des européennes du FN. Je pense que les gens font aujourd’hui plus attention à ce qu’ils vivent au quotidien plutôt qu’à ce qu’ils entendent de la part de journalistes.

R.U: Le FN compte 2 députés dans la représentation nationale, cela te parait-il normal ou faut-il envisager de changer de scrutin?
Zita: Le scrutin est fait en sorte pour que le FN n’ait pas beaucoup de députés ce qui est une aberration puisque le FN est le 3ème parti de France, 1er depuis les européennes. Les verts en ont plus alors qu’ils ont des résultats pitoyables aux élections. Cela est une mauvaise représentation de l’électorat. Il devrait donc être plus représenté à l’AN.

Arthur : le Monarchiste

Arthur[2] est étudiant en droit et en science politique, ses cours de Droit constitutionnel lui ont fait sentir un attachement profond pour le général de Gaulle, du fait de son rôle de résistant d’une part, mais aussi de son rôle de monarque républicain. Arthur se dirige alors vers « Debout la République », mais en n’en restant que sympathisant car préférant garder une autonomie. Comprenant l’importance du royalisme dans la posture et la vie du Général, Arthur décide de creuser un peu plus la question. Il est alors séduit par l’idée d’un homme qui ne puisse régner sans une forte adhésion, sans une forte légitimité avec sa majorité, qui tire une légitimité certaine de l’Histoire. La réflexion d’Arthur le pousse à considérer que l’avantage d’une monarchie est le fait qu’un Roi emporte l’unité tandis que le président n’est élu que sur la base de la division de l’électorat. La position d’arbitre de ce dernier en pâtit donc.

Roman Ungern (R.U): Le résultat des Européennes donne le FN victorieux avec 25% des suffrages exprimés. Quelle date t’a le plus marqué: 21 Avril 2002 ou 25 Mai 2014?

Arthur : Le 25 Mai 2014, puisque c’est probablement la plus grande victoire du Front National! C’est surtout eu égard aux scores relativement faibles des autres partis eurosceptiques, à savoir le Front de Gauche ou DLR. Cela montre qu’en dépit de ses faiblesses, il parvient à fédérer une grande partie des eurosceptiques face à une pluralité de partis europhiles!
L’impact est assez limité mais cela permettra aux eurosceptiques d’être représentés au parlement européen et cela obligera d’une certaine manière les partis europhiles à s’entendre plutôt que de s’engager dans des luttes partisanes, à créer un consensus en prenant en considération les critiques apportées par le FN, faute de quoi ils risquent de pêcher en 2017!

R.U : La plupart des acteurs médiatiques et politiques s’entendent sur l’idée de lutter contre le front National. Cette lutte te parait-elle opportune et bien menée?
Arthur : Ah, Ah, Ah évidemment que non!
Le problème du PS par exemple, c’est qu’il ne fédérait plus que par le biais de l’antifascisme et délaissait le côté social (dont le FN s’empare de plus en plus) pour du sociétal (mariage homosexuel, PMA, GPA…) au lieu de proposer un réel projet dans lequel pourraient se retrouver ses électeurs ! A côté de ça, le FN projette dans l’idée d’une France Forte et Indépendante! Il porte une espérance que l’on peut partager ou non à l’heure où la crise économique à totalement détruit l’ambition européenne que portait le PS ou l’UMP.

Devant le succès du FN, le PS et l’UMP ne doivent plus lutter contre ce parti et doivent en ce sens le traiter comme leurs autres adversaires.

Ce n’est qu’en proposant d’autres choses et par la dialectique qu’ils pourront s’imposer.

Après, une autre chose que je remarque : c’est que par exemple un humoriste comme Dieudonné parvient à fédérer une France multiculturelle, chose que l’antiracisme institutionnalisé ne parvient plus aujourd’hui. Ça montre bien l’épuisement de cette stratégie.

R.U :Le FN compte 2 députés dans la représentation nationale, cela te parait-il normal ou faut il envisager de changer de scrutin?

Arthur : Oui, cela me paraît normal et je n’ai pas envie que F. Hollande se retrouve avec une majorité qui n’est pas la sienne, ni qu’il mettre le suffrage proportionnel. Ca le mettrait davantage en

Claire[3], sympathisante UMP

Roman Ungern (R.U): Est-ce que tu pourrais te présenter en quelques mots (études, parcours politique et ou associatif)?

Claire: étudiante en Business School en fin de Master 1. J’ai 22ans, je viens de Lyon et je suis très portée sur l’international. Aucun parcours politique.

Parcours associatif : 7ans de scoutisme et 1 an à la Présidence de l’association Erasmus de mon école.

(R.U):Le résultat des Européennesdonne le FN victorieux avec 25% des suffrages exprimés. Quelle date t’a le plus marquée: 21 Avril 2002 ou 25 Mai 2014?

Claire: Le 25 Mai 2014. Car le chiffre (25%), est plus important d’une part, car il intervient en pleine crise politique française aux yeux de beaucoup d’autre part et enfin surtout, parce qu’il ne concerne pas une élection nationale, mais EUROPEENE, or le FN est un parti qui va à l’encontre des intérêts européens dans ses idées. Ce résultat souligne donc pour moi le fait que les Français n’ont toujours pas compris à quel point l’UE est essentielle pour la France. Je remets pour cela en cause les médias, trop captivés par les activités politiques nationales et l’éducation française globalement.

Ces résultats mettent également en évidence le fait que les Français sont trop peu formés à l’économie et sans doute pas assez au courant du traité de libre-échange en cours d’élaboration avec les Etats-Unis, qui aiderait la France à sortir plus vite de la crise. Or les Américains, depuis les résultats du vote français et eurosceptique de façon plus générale en Europe, se posent des questions sur le futur de ce traité.

Je dois en revanche faire remarquer que j’étais trop jeune pour m’intéresser à la politique en 2002.

Je tiens par ailleurs à rappeler le taux d’absention impressionnant pour cette élection, qui confirme la vraie crise politique que traverse notre pays.

R.U: La plupart des acteurs médiatiques et politiques s’entendent sur l’idée de lutter contre le front National. Cette lutte te paraitelle opportuneet bien menée?

Claire: Les médias attaquent bien trop les politiques de façon générale et les décrédibilisent. Le FN est moins attaqué que le PS qui est au pouvoir et qui a obtenu de faibles scores lors de ces élections. L’UMP est également bien attaquée. Ceci contribue largement à la crise politique française et au manque d’information, car celles-ci restent bien trop superficielles, se concentrant sur les faits divers des politiques au lieu de défendre les idées et propositions.

R.U: Le FN compte 2 députés dans la représentation nationale, cela te paraitil normal ou fautil envisager de changer de scrutin?

Claire: Compte-tenu des résultats obtenus par le FN depuis quelques années, cela me paraît anormal. 2 députés, c’est bien trop peu représentatif.

Philippe, Militant UMP 

Roman Ungern (R.U): Est-ce que tu pourrais te présenter en quelques mots (Etudes, parcours politique et ou associatif)?

Philippe: Bonjour, je m’appelle Philippe, je suis diplômé de Sciences politiques spécialisé sur le monde arabe et l’Union Européenne. Je suis arrivé en France il y a 4 ans, mais je suis engagé en politique depuis 2006, à l’UMP. J’ai été tour à tour, responsable jeune de la section UMP d’un pays étranger, Conseiller National Jeunes UMP et enfin, je suis responsable des jeunes de la Droite Populaire dans ma région.

R.U:Le résultat des Européennes donne le FN victorieux avec 25% des suffrages exprimés. Quelle date t’a le plus marqué: 21 Avril 2002 ou 25 Mai 2014?

Philippe: La question est plutôt simple pour moi, il s’agit du 25 mai 2014. Il y a une raison simple à cela. En 2002, je vivais a l’étranger et ma famille ne parlait jamais de politique. J’ai juste regardé les résultats par curiosité, sans trop m’attarder. Par contre, pour le 25 mai, comme je suis engagé et que j’ai participé à ce vote et vu la victoire de l’UMP aux municipales, j’attendais de pieds fermes les résultats. Et il faut être honnête quiconque avait bien lu les études d’opinions, reconnu l’état désastreux du pays et suivi cette campagne européenne totalement ratée savait pertinemment que le FN serait en tête. Jouer l’indignation et la surprise est d’une hypocrisie sans nom. Ce n’est pas tant la victoire du FN qui m’a marqué que les réactions et les analyses un peu vaseuses qu’on a pu entendre sur les plateaux télé.

R.U:La plupart des acteurs médiatiques et politiques s’entendent sur l’idée de lutter contre le front National. Cette lutte te parait-elle opportune et bien menée ?

Philippe: Cette logique aussi est d’une hypocrisie sans nom. Tout d’abord, le rôle d’un parti politique est de conquérir le pouvoir (c’est la base de tout parti) et de structurer la vie politique en permettant l’élection des représentants des peuples. Le but n’est pas de lutter “contre” un parti, mais de lutter pour arriver au pouvoir. De plus, je suis de ceux qui considèrent que le FN est une création de François Mitterrand qui voulait diviser la droite. Ce n’est certes pas lui qui a créé le FN, mais il a favorisé sciemment sa montée pour mettre dans l’embarras la droite de l’époque et la pousser à courir derrière la gauche pour décrocher des diplômes de vertu. Cela a parfaitement fonctionné jusqu’à la prise de contrôle de Marine Le Pen car, son discours attire les classes populaires qui se sentent délaissées par la gauche historique. Le PS est donc complètement paniqué de voir son électorat historique s’en aller vers le FN et ne même pas se diriger vers le Front de Gauche. Quant à une partie de la droite, elle ferait mieux de faire son introspection et comprendre pourquoi nous perdons certains scrutins plutôt que de pointer du doigt le FN, en coeur avec le PS. Non seulement, le RPR n’avait jamais pratiqué le fameux “front républicain” (cf Alain Juppé qui avait exclu -il me semble- des candidats RPR qui avaient appelé à voter PS), mais en plus, cela confirme le fameux argument “UMPS” que le FN adore dégainer. Nous sommes donc doublement perdants : une partie de notre électorat ne nous suit plus et une partie des cadres demandent de voter à gauche… Un comble ! Il vaut mieux perdre une élection municipale au profit de la gauche ou du FN en maintenant nos candidats, pour avoir des élus au sein des conseils pour mieux suivre les dossiers, plutôt que de se disqualifier durant 7 ans et laisser l’un ou l’autre parti être la seule opposition locale ! Pour finir, je vais faire simple : si le FN est un danger fasciste, raciste, nazi, peu importe ce que les gens disent, il suffit de l’interdire. Mais prétendre que le FN est un parti dangereux pour la démocratie, qu’il transformera la France en pays totalitaire et le laisser concourir relève, pour moi de la schizophrénie. On attaque le programme du FN, on ne beugle pas à chaque élection “fasciste”, en organisant des marches et en distribuant des badges. Bossuet disait “Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes”.

R.U:Le FN compte 2 députés dans la représentation nationale, cela te parait-il normal ou faut-il envisager de changer de scrutin ?

Philippe: Je le dis clairement, je ne trouve pas cela normal qu’un parti qui arrive troisième à la présidentielle ne puisse avoir que deux députés, alors que, par exemple, EELV qui s’est totalement effondrée lors de la présidentielle (et des européennes) arrivent à avoir autant de députés uniquement en passant des accords électoraux. Ça me laisse pantois. Par contre, sur le mode de scrutin, je suis partagé. Certes, pour une meilleure représentativité, la proportionnelle semble être la meilleure solution, je le concède. Mais on a vu dans d’autres pays que cela pouvait bloquer le processus de gouvernement, finir en tractations qui occultent le service au peuple et on peut en arriver avec des situations ubuesques, comme l’Italie où, dans les années 80, le gouvernement était formé de plus de 100 ministres pour pouvoir monter une coalition. Je n’ai donc pas d’avis tranché là-dessus. Favoriser la représentativité en risquant le blocage, ou garder ce système pour avoir une majorité claire ?


[1]    Dont vous pouvez bien sûr lire le récit croustillant sur Vexilla Galliae!

[2]    Le prénom a été changé.

[3]    Le nom a été changé.

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