Politique

La tradition est incarnée ou n’est pas

tradition

« J’utilise depuis tout à l’heure le mot « tradition » qui peut évoquer pour certains une simple pensée voire une compréhension des choses foncièrement passive. La tradition dont je parle ici dépasse de loin la vision étriquée précédente, et consiste en l’accomplissement de ce que l’on a appris dans sa chair, l’accomplissement d’œuvres et la volonté de les montrer, avec aussi la volonté de transmettre à la génération suivante en enseignant et en faisant apprendre. Ou encore, la tradition est aussi le moyen qui permet, par sa manifestation concrète à l’extérieur, de s’assurer de la sienne propre [et des vérités invisibles], grâce à ses yeux et à ses oreilles.  »
— Kunio Yanagita, Histoire d’ancêtres (先祖の話), Tôkyô, Kadokawa, 2014 (1945), p. 39.

La tradition est un mouvement créateur porté vers l’avenir sans rien perdre du passé. L’homme n’est qu’un maillon dans la chaîne des temps, avec une multitude d’ancêtres et l’espérance d’une descendance éternelle. La tradition n’est pas une simple idée. Elle n’est ni immobile, ni passive, ni passéiste. Elle est, au contraire, l’incarnation et l’accomplissement effectif de la sagesse des anciens. La transmission suppose, en outre, la volonté active de transmettre à la génération suivante, car il ne suffit pas de bien incarner et de bien vivre la tradition, il faut aussi la continuer, c’est-à-dire permettre aux suivants de l’incarner à leur tour, comme il nous a été donné de l’incarner. Cette incarnation, cette exemplification n’est ni univoque ni unique, elle se fait simplement dans l’union de l’esprit de vérité.

Il faut surtout toujours se souvenir dans ce monde gangrené par l’idéalisme et la désincarnation qui ne provoque que paradoxalement un matérialisme effréné, mais qui est tout à fait naturel. Nous sommes faits de chair et d’esprit et nous sommes cette union, inexorablement, nécessairement. Vouloir séparer l’inséparable ne fait qu’exacerber les excès dans les deux sens, et les excès se réunissent en fin de compte car la nature les a unit depuis la Création : ainsi cohabite sans soucis le pire idéologisme répugnant, des excès matériels barbares que nous ne pouvons connaître que trop bien.

La tradition est au contraire l’acceptation de cette union naturelle et le soutien mutuel. Tout esprit s’incarne dans la réalité, dans nos actes, nos œuvres, et les phénomènes qui nous entourent. Pour transmettre la tradition, il ne suffit pas de dire, il faut montrer, et faire faire. La religion relie, comme la tradition relie, et l’une comme l’autre s’incarne dans les choses matérielles, les personnes et les rites. La Tradition sans la famille n’existe pas. La Tradition française sans le Roi Très Chrétien disparaît inéluctablement. La Tradition sans Dieu n’a pas de sens.

L’importance de la manifestation de la vérité dans le réel est constitutive de la tradition, d’où l’incarnation dans le Roi, le Pape, le Tennô, mais aussi chacun de nous dans nos gestes, nos rites, nos fêtes.

À ce moment seulement on peut aider nos enfants à se diriger vers l’avenir sereinement et à transmettre avant la vie après la mort. Seule une bonne transmission permet l’élan créateur dans la redécouverte de notre énergie primordiale, notre volonté, accordées par Dieu à la Création, mais souilléesaffaiblies, par notre malignité, par le péché des débuts et nos péchés récurrents. Il faut sanctifier et purifier sans faiblir pour retrouver l’état des origines dans la transmission de la sagesse pratique séculaire, qui ne se dissocie jamais de la sagesse tout court, de la sagesse des paroles. Une parole n’a un sens que si elle est réalisée, comme le Verbe, c’est-à-dire incarné.

Incarnons et accomplissons toujours la Tradition qui est un grand mouvement éternel. Dans le Roi, en Dieu et dans la Famille.

Paul de Beaulias

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