Politique

En ces temps d’imposture universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire

La phrase qui sert de titre à cette chronique est tirée de « 1984 » de George Orwell. L’actualité vient encore une fois de le prouver. Il aura suffi d’une petite déclaration de Roger Cukierman, président du CRIF, pour mettre le feu aux poudres, je cite : « il faut dire les choses : toutes les violences [antisémites] aujourd’hui sont commises par des jeunes musulmans ». À peine était-elle relayée par les médias que la réaction du CFCM ne se fit pas attendre. Aussitôt Dalil Boubakeur, président du CFCM et recteur de la grande mosquée de Paris riposta par voie de communiqué : « Considérer que toutes les violences aujourd’hui sont commises par des jeunes musulmans sont des déclarations irresponsables et inadmissibles qui contreviennent au principe même du vivre ensemble », puis annonça qu’il ne participerait pas au dîner du CRIF.

Certes, l’affirmation de M. Cukierman n’est guère diplomatique, elle rompt avec le discours officiel de la république qui cherche par tous les moyens à arrondir les angles, notamment lorsqu’il s’agit de la minorité musulmane, quitte à travestir la vérité. Or, la vérité est que depuis le mois de mai 1978, tous les attentats antisémites qui ont été commis en France ont été perpétrés par des musulmans. 37 années de violences, ça pèse dans la balance, d’autant que la disproportion entre les deux communautés religieuses est patente. La France compte 550.000 juifs, alors qu’elle abrite en son sein un peu plus de 6 millions de musulmans. Il y a de quoi se sentir le dos au mur. Surtout qu’aux attentats, vient s’ajouter la violence du quotidien : insultes, tags antisémites, agressions verbales et parfois physiques, sans parler des tombereaux d’ordures déversés dans les réseaux sociaux, et les slogans ouvertement antisémites lancés à chaque manifestation de soutien à la Palestine. Certes, pour ce qui est des manifestations, l’extrême gauche vient prêter main forte, mais la réalité est là. Clichés et vidéos en attestent, ce sont bien des musulmans qui sont en première ligne.

Je veux bien croire que tous ces actes soient le fait d’une minorité agissante, dont il reste encore à déterminer la taille. Mais il y a quand même un fait on ne peut plus gênant pour l’ensemble des musulmans, qui, étonnement, n’est jamais abordé par qui que ce soit. Tous ces actes délictueux sont commis au grand jour, les auteurs ne cachent pas vraiment leurs convictions, et souvent se vantent de les avoir commis. Or, il me semble que la législation française punit l’expression publique de l’antisémitisme, d’autant plus sévèrement lorsqu’elle est accompagnée de violences. Cette même législation impose aux citoyens, via l’article 73 du Code de procédure pénale, d’interpeller le ou les auteurs ou à défaut d’avertir l’officier de police judiciaire territorialement compétent des faits qui ont été commis ainsi que l’identité du ou des auteurs. Or, force est de constater que la loi du silence règne. Je veux bien croire que la peur puisse pour partie  justifier l’omerta, mais comment ne pas voir là la manifestation d’une solidarité ethnique et religieuse ? Quant à une condamnation officielle de l’antisémitisme par les responsables religieux, il aura fallu que les frères Kouachi et Amedy Coulibaly commettent l’irréparable pour qu’elle soit prononcée. Et encore, les précautions oratoires prises avaient pour but de dédouaner l’islam de la moindre responsabilité, en reprenant la rengaine officielle qui consiste à dire que les terroristes dénaturent l’islam.

En vérité, si le débat public est à ce point tendu, si le climat social est à ce point détestable, c’est tout simplement par la faute de la république qui, il y a plus de trente ans, a laissé des groupes de pressions communautaristes s’immiscer dans le débat public. Pire, elle a conféré à certains la qualité d’associations reconnues d’utilité publique, leur permettant ainsi de percevoir de substantielles subventions non seulement de l’État, mais également des collectivités locales. À partir de ce moment, on a pu assister à une racialisation des discours, à une compétition victimaire dont le seul but était d’obtenir que certaines lois soient adoptées afin de verrouiller l’expression de certaines opinions. Afin d’être clair, je précise que je ne soutiens pas l’expression de certaines opinions moralement condamnables, mais ce ne sont que des opinions pas des appels au passage à l’acte. Et j’ai la faiblesse de croire que l’on gagne plus, ne serait-ce que moralement, en les combattant pied à pied, par l’argumentation que par la simple interdiction. Et c’est à partir du moment où ces associations ont été reconnues comme des acteurs non seulement valables mais également incontournables du débat public, qu’on a pu voir les premières exigences communautaristes être formulées. Et comme si cela ne suffisait pas, les représentants de l’Etat ne cessent de parler de “communautés”, comme si d’un côté il y avait les Français, et de l’autre les membres d’autres groupes pour qui l’appartenance au peuple français n’est qu’accessoire. Il y a seulement 50 ans, on parlait de Français de confession juive ou musulmane, aujourd’hui c’est l’exact inverse. Merci la république.

Pierre Guillemot

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