Nostalgie covidienne, par Paul de Beaulias

Au Japon, la période covidienne se termine à peine. Jusqu’à il y a environ deux mois, malgré un lent adoucissement des conditions d’entrée dans le pays depuis le printemps 2022, et l’absence de toute mesure coercitive, la « pression sociale » japonaise et la frilosité du gouvernement a eu pour conséquence que toute la société a continué à vivre « en mode pandémie » jusqu’à peu.

La déclaration « officielle » du gouvernement de dire que le port du masque devait être une décision « personnelle » a de facto permis d’empêcher toutes les institutions de continuer à imposer le masque qui sur le lieu de travail qui à l’université – sans aucune obligation légale, donc en théorie il était possible de résister, en pratique c’était quasiment impossible, sinon se résoudre à prendre le risque d’être ostracisé.

Surtout, depuis deux mois, les activités mondaines et sociales ont enfin repris : tout ce qui s’était arrêté depuis 2020 reprend, dont les repas entre collègues, les concerts, les divers festivals et toutes les activités – certaines avaient continué, mais toujours de façon cachée, pour ne pas s’attirer l’ire de la pression sociale.

Bref, la vie a repris son cours normal, ou presque (les bouteilles d’alcool et les thermomètres caméras sont toujours souvent là, et quasiment tout le monde porte encore le masque, hors les 5% qui ont eu le courage de prendre une « décision personnelle »).

Nous connaissons tout ce qu’il y avait de totalitaire derrière cette manipulation covidienne au niveau mondial, et l’échec patent est forcément une bonne nouvelle, malgré l’avancée non négligeable des réflexes totalitaires et des soumissions serviles, sur fond de terreur.

Au Japon, comme cela a déjà été dit dans nos colonnes, à part la fermeture des frontières, rien n’était obligatoire : il suffisait de ne pas avoir peur de la « masse informe » qui vous soumettait à la menace insidieuse de l’ostracisme – chose compliquée pour un autochtone, mais faisable pour un étranger, avec un peu de courage et de prudence.

Vous allez être étonné, mais en un certain sens, la période covidienne résonne avec nostalgie dans notre cœur. Le pire était évidemment de ne pas pouvoir voir la famille, une épine profonde qui faisait souffrir, de ne pas être là pour les obsèques de sa grand-mère, de ne pas rencontrer les nouveau-nés de la famille…

Il n’était pas forcément très facile d’être les seuls au milieu de la masse des moutons noirs à être le mouton blanc mais enfin, il y avait l’avantage de resserrer les liens dans la famille, avec nos amis et nos prêtres.

Les bons côtés étaient en effet nombreux : la messe plus régulière, les paroissiens plus pieux, le travail à la maison, et surtout la cessation de toutes les activités mondaines… Certes les occasions d’apostolat étaient en cela réduites peut-être, mais quel bonheur de pouvoir vivre comme un moine sans pourtant être un clerc régulier… Et quand il s’agissait de sortir en famille, il suffisait d’aller à contre-courant, pour prendre les trains vides, et profiter d’endroit sans personne.

La grâce de pouvoir tranquillement développer sa vie intérieure, sans être soumis aux mondanités si dangereuses pour le silence intérieur, pour l’humilité et la sérénité… Les tempêtes intérieures étaient peut-être plus terribles encore, mais tout était en Dieu…

Et puis les gens, bloqués chez eux, et forcés de ne plus être distrait, étaient bien ouverts au message apostolique – malgré le manque d’ouvriers pour le répandre.

Aujourd’hui, tout le monde se rue encore dans son quotidien occupé, plein de relations mondaines, rempli de bruit : l’action de la grâce ne sera-t-elle pas ralentie par tout cela ? Laissons faire la Providence.

Ce n’est que de la nostalgie, qu’il faut vite savoir jeter au feu, pour repartir en mer : après les remous de l’océan intérieur, les remous de l’océan extérieur ; c’est peut-être plus fatiguant corporellement, mais aussi, dans un certain sens, plus simple… et moins monastique.

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul de Beaulias

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