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Les fondamentaux de la restauration – 4

Mgr Henri Delassus, L’Esprit familial dans la maison dans la cité et dans l’Etat, Société Saint-Augustin, Lille, 1911

CHAPITRE II LES ÉTATS DOIVENT CONSERVER LE TYPE FAMILIAL

Nous étions restés la dernière fois sur la conclusion que l’état n’est que la continuité de la famille, déjà un petit royaume en soi. Les papes l’ont évidemment rappelé – enfin, c’est moins évident aujourd’hui semble-t-il – quand la famille a été menacé, institution naturelle excellemment politique, au sens traditionnel du terme. Suivons notre bon auteur pour remarquer dans l’histoire de France à quel point le gouvernement fut toujours familial :

« La monarchie elle-même avait conservé ce même caractère. Le gouvernement était essentiellement familial. La femme et le fils aîné du roi étaient étroitement associés à l’exercice du pouvoir. Le trésor de l’Etat était sous la surveillance de la reine et sous son contrôle direct. Le chambrier, qui s’appellerait aujourd’hui le ministre des finances, était de ce fait son subordonné. Aussi bien, jusqu’à nos jours, dans la plupart de nos ménages est-ce la femme qui lient la clé de la caisse. La reine paraît dans les traités conclus avec les puissances étrangères. »[1]

Tout historien sait que ces affirmations sont vraies. Les offices suivants sont encore plus parlants :

« Les six grands officiers de la couronne qui assistaient le roi dans tous les actes de sa puissance avaient eu, à l’origine, des fonctions domestiques très nettement marquées par les titres mêmes de leurs dignités. Le sénéchal, le connétable, le pannetier, le bouteillier, le chambrier, le chancelier prirent leur nom des différents services de la maison du roi, et il arriva que l’Hôtel du roi se transforma peu à peu en un séminaire d’hommes d’Etat (1). »

Les grands offices de la Cour étaient par définition familiaux, et donc charnels en ce sens que fondés sur des relations de confiance et quasi-familiales ; rien à voir avec l’aridité moderne étatique de fonctionnaires administratifs désincarnés et désespérément inconnus, comme des boulons remplaçables, situation idéale pour mettre en place un totalitarisme larvé ou pas.

Bref, revenons à l’origine des offices, détails toujours intéressants et qui montrent au passage l’érudition de notre auteur, détails re-confirmés par la recherche actuelle.

« Le sénéchal était l’écuyer tranchant. Quand on était en guerre, il suivait son maître dans les expéditions, il veillait à l’arrangement de la tente royale. En l’absence du roi, il commandait les armées. Ces fonctions devinrent héréditaires dans les maisons de Rochefort et de Giuerlande; Louis VI en diminua l’étendue, Philippe-Auguste les supprima. Le connétable était le comte de l’écurie, cornes stabuli. Quand Philippe-Auguste eut fait disparaître l’office de senéchal, le connétable devint le chef de l’armée, le roi lui adjoignit deux maréchaux. L’office fut supprimé par Richelieu.

Le pannetier surveillait la cuisson du pain. L’office eut pour titulaire les plus grands noms de France, entre autres des Montmorency.

Le bouteillier avait l’administration des vignobles royaux et en gérait les revenus. Il eut l’intendance du trésor royal et la présidence de la Chambre des Comptes. A partir du XII« siècle, ces fonctions devinrent héréditaires dans la maison de la Tour. Elles furent supprimées par Charles VII.

Le chambrier dirigeait le service des appartements privés. Il devint le trésorier du royaume, et en cette qualité il était placé, comme nous l’avons dit, sous les ordres de la reine. La charge fut supprimée en 1415.

L’origine du grand chancelier est religieuse en même temps que domestique. Les rois mérovingiens conservaient parmi leurs reliques la petite chape (cappa) de saint Martin. De là le nom de chapelle donné au lieu où étaient gardées les reliques des rois. Aux reliques étaient jointes les archives.

Le chef des chapelains fut le grand chancelier, portant constamment au cou le grand sceau royal. »[2]

D’où la conclusion :

« M. Viollet, dans son Histoire des Constitutions de la France, a ainsi défini le caractère de notre ancienne monarchie : « L’autorité du roi était à peu près celle du père de famille; aussi le pouvoir patriarcal et le pouvoir royal sont-ils à l’origine apparentés de très près. » Et revenant ailleurs sur la même idée, il dit encore : « Il est manifeste que le roi joue le rôle d’un chef de famille patriarcale. »[3] »

Rappelons une vérité importante : le caractère patriarcal de l’état traditionnel est un summum de la société organisée, indépassable sur cette pauvre terre. Tout « novelleté » est une décadence : la désincarnation de l’état moderne est une déchéance. La démocratie comme établissement du principe de la souveraineté populaire comme vraie est une absurdité contre-nature (définition de ce qui est absurde d’ailleurs, puis absurde signifie par définition ce qui va contre la réalité, contre la vérité, contre la raison, soit contre la nature – toutes choses au fond identiques).

Revenons à notre auteur, qui réaffirme LA caractéristique fondamentale de la royauté. Attention, c’est important :

« Comme le père de famille, le roi était dans le royaume la source de toute justice. Summum justitiae caput, c’est ainsi que Fulbert de Chartres définit le roi au XIe siècle. Chaque groupe naturel, local ou professionnel avait son organisation et son autorité propre : la famille a son chef, l’atelier son maître, la commune ses magistrats, les corporations ses syndics, l’Eglise ses évêques. L’idée d’une règle commune établie par un pouvoir quelconque pour l’ensemble des habitants eût alors paru une monstruosité. Chaque groupe s’administre lui-même. Mais entre ces libertés et franchises locales, ces petits états multiples et indépendants, il faut maintenir l’harmonie, la paix, assurer le respect de la bonne coutume. C’est le rôle le plus important du roi ; il est le justicier pacificateur, l’apaiseur des discordes, le gardien des libertés et de la paix publique qui en est venue à s’appeler la paix du roi. A l’origine, ce rôle s’exerça à grands coups d’épée. Harnulf appelle Louis le Gros, l’infatigable batailleur : « Louis le pacifique, maintenant, le sceptre en main, à chacun son droit ». Mais bientôt le roi rendit la justice de façon différente. Le roi écoutait les plaignants comme un seigneur ses vassaux, comme un père ses enfants[4]

Le soulignement est de nous. Voici en quelques lignes le rôle fondamental du roi : celui de justicier, au sens plein et traditionnel du terme. Rien à voir avec une justice moderniste dont on ne sait plus ce qu’elle veut dire, une sorte d’idéalisme variable et relative selon la folie du moment. Non, c’est la vertu de justice, très concrète : rendre à chacun son dû selon sa place, et conserver l’harmonie dans la société. Les deux vont ensemble, et cette exigence implique la nécessaire exemplarité et sévérité intrinsèquement mêlé de miséricorde et d’amour. Nous avons là d’ailleurs l’aspect chrétien qui n’existe pas ailleurs : chez les païens la justice est souvent très dure, aussi adoucie qu’elle puisse être parfois par la relation filiale au souverain, comme le rappelle d’ailleurs Mgr Delassus dans la citation précédente. Le père est sévère car il aime ses enfants et veut leur bien, qui est, au niveau temporel, la paix, soit l’harmonie, ou encore la jouissance des fruits d’un ordre juste et paisible. La révélation chrétienne vient parfaire tout cela en incarnant la paix en Jésus-Christ, seule justice absolue et véritable, sans rien renier de la justice naturelle, valable en elle-même et pour toujours.

Rappelons-nous ainsi avec notre bon auteur les fruits des relations filiales entre monarque et sujets, que nous ne connaissons plus aujourd’hui :

« Les événements qui concernaient directement le roi et la reine étaient pour la France entière des événements de famille. La maison du roi était au propre « la maison de France ». »[5]

« Les Lettres d’un voyageur anglais sur la France, la Suisse et l’Allemagne rendent les mêmes témoignages que ci-dessus. Voici quelques lignes de la citation qu’en fait J. de Maistre dans l’un de ses opuscules : « L’amour et l’attachement des Français pour la personne do ses rois, est une partie essentielle et frappante du caractère national… Le mot roi excite, dans l’esprit des Français, des idées de bienfaisance, de reconnaissance et d’amour en même temps que celles de pouvoir, de grandeur et de félicité… Les Français accourent en foule, à Versailles, les dimanches et les fêtes, regardant leur roi avec une avidité toujours nouvelle, et le voient la vingtième fois avec autant de plaisir que la première. Ils l’envisagent comme leur ami, comme leur protecteur, comme leur bienfaiteur. » »[6]

Apprécions la citation suivante, celle d’un universitaire très anticlérical : l’auteur nous montre la nécessité de savoir citer à bon escient les bonnes autorités, même celles qui sont hostiles. Car une autorité hostile qui reconnaît une vérité est d’autant plus convaincante :

« M. Aulard, historien officiel de la Révolution, forcé par les réalités qui se sont imposées à son attention, parle ainsi de l’amour des Français pour leur roi et de leur attachement à la monarchie : « Les maux dont on se plaint, nul ne songe à les attribuer à la royauté ou même au roi. Dans tous les cahiers, les Français font paraître un ardent royalisme, un ardent dévouement à la personne de Louis XVI. Surtout dans les cahiers du premier degré ou cahier des paroisses, c’est un cri de confiance, d’amour, de gratitude. Notre bon roi ! Le roi notre père ! Voilà comment s’expriment les ouvriers et les paysans. La noblesse et le clergé, moins naïvement enthousiastes se montrent aussi royalistes » (Hi.t. politique de la Révolution française, p. 2).

Et plus loin (page 7) : « Bien que le peuple commençât à avoir un certain sentiment de ses droits, loin de songer à restreindre cette toute-puissance royale, c’est en elle qu’il plaçait tout son espoir. Un cahier disait que, pour que le bien s’opérât, il suffisait que le roi dît : A moi mon peuple ! »

Les mêmes sentiments persévérèrent jusqu’en pleine Révolution. M. Maurice Talmeyr, dans sa brochure La Franc-Maçonnerie et la Révolution française, en a fait l’observation : « Pendant deux ans, la Révolution se fait au cri de : Vive le Roi ! Ensuite, la plupart même des hommes et des femmes d’émeute, soldés pour outrager le souverain, sont tout à coup ressaisis, en face de lui, de l’insurmontable amour de leur race, pour le descendant de ses monarques. Toute leur exaltation, en sa présence, tourne, comme en octobre 1769, en respect et en tendresse. » M. Talmeyr apporte d’autres faits en confirmation de ce qu’il dit et appelle en témoignage Louis Blanc.»[7]

Continuons, il n’y a rien à ajouter :

« Elle est donc bien vraie l’observation de M.Frantz Funck-Brentano : « Rien n’est plus difficile pour un esprit moderne, que de se représenter ce qu’était dans l’ancienne France la personnalité royale et les sentiments par lesquels ses sujets lui étaient attachés. » On disait communément que le roi était le père de ses sujets ; ces mots répondaient à un sentiment réel et concret du côté du souverain comme du côté de la nation. « Nommer le roi « père du peuple », dit La Bruyère, qui met toujours tant de précision dans tous ses dires, c’est moins faire son éloge que sa définition », et M. de Tocqueville : « La nation avait pour le Roi tout à la fois la tendresse qu’on a pour un père et le respect qu’on ne doit qu’à Dieu. »

« La France est passionnément monarchiste », a dit Mirabeau.

Et Michelet : « Des entrailles de la France sort un cri fendre d’accent profond : — Mon roi ! »

« Ce régime (monarchique), dit Augustin Thierry, la nation ne l’avait point subi, elle-même l’avait voulu résolument et avec persévérance, Il n’était point fondé sur la force ni sur la fraude, mais accepté par la conscience de tous (1). »[8]

Alors, même si des révolutionnaires notoires le reconnaissent… A se demander comment on peut encore rester révolutionnaire.

Encore une autre vérité historique aujourd’hui dument prouvée :

« On sait d’ailleurs que la majorité de la Convention, ne fut pas acquise au vote qui condamnait Louis XVI à la mort. L’un des votants n’avait pas vingt-cinq ans, un autre n’était pas Français, cinq autres n’étaient pas validés ou inscrits, enfin sept députés votèrent deux fois, comme députés et comme suppléants de leurs collègues. Au lieu d’une voix de majorité, le verdict avait une minorité de treize voix (1). »[9]

On peut se reporter à Christian Petitfils ou Philipe Pichot pour le résumé détaillé de ce vote et son déroulé (en fait deux votes, et quelques questions de détail sur l’état des votes, mais en fin de compte le constat est juste : la mort, malgré des pressions démentielles du public sans-culotte prenant à parti les députés en continu, ne fut voté qu’à une voix près !)

Et conclusion très importante : la France est royale ou n’est pas !

« Depuis cette date fatale du 21 janvier 1793, pas un de nos échecs nationaux qui n’ait scellé quelque ruine, sinon définitive, tout au moins fort durable, puisque le dommage en a subsisté jusqu’à nous. Et pas un succès, pas une gloire, pas une conquête, pas un bonheur national qui n’ait eu les lendemains les plus douloureux. La suite de nos Rois représente la plus admirable continuité d’un accroissement historique, et l’assassinat de l’un d’eux donne le signal des mouvements inverses, qui, malgré la multitude des compensations provisoires, prennent dans leur ensemble la forme d’une régression. Pour le progrès social comme pour les moeurs, pour l’ordre politique comme pour l’étendue territoriale ou le nombre des habitants par rapport à celui des autres Etats de l’Europe, la France est tombée au-dessous de ce qu’elle était en 1793. Premier fait. Second fait : avec des ressources admirables et d’incomparables moyens, la France tend à persévérer dans la chute, en raison môme des principes qui la déterminèrent, il y a cent seize ans, à son régicide.

Il est donc vrai, qu’en coupant la tête à son Roi, la France a commis un suicide. »[10]

En 2020 ? Nous avons un roi, la France est toujours royale et donc existe encore. Mais le Roi n’étant pas sur le trône, elle est mourante. Tout simplement – même si concrètement c’est douloureux, cela reste simple ; que les Français prennent conscience que seul le Roi donne un sens à la France !

La France sans roi n’existe pas.

Et la France est un grand pays dans sa royauté hautement familiale, hautement respectueuse des vérités naturelles et surnaturelles :

« C’est à l’esprit familial de la monarchie que la France a dû en très grande partie sa prospérité. Et cette prospérité fut telle que la France était, sans conteste, la première nation de l’Europe. »[11]

Respecter les vérités naturelles, la justice et son ordre paye toujours et donne toujours de bons fruits, même si nous ne les voyons ou ne nous en rendons pas compte à vue humaine :

« C’est qu’en effet, toute société qui garde l’esprit familial, parce qu’elle reste soumise à la loi de la nature, prospère pour ainsi dire nécessairement. « Rien dans l’histoire, dit M. Frantz Funck-Brentano, n’a jamais infirmé celte loi générale : tant qu’une ualion.se gouverne d’après les principes constitutifs de la famille, elle est florissante; du jour où elle s’écarte de ces traditions qui l’ont créée, la ruine est proche. Ce qui fonde les nations sert aussi à les maintenir. »

Edmond Burke, dans ses Réflexions sur la Révolution de France, adressait aux Français de 1789 ces sages paroles. Que n’ont-elles été écoutées! « Vous voulez corriger les abus de votre gouvernement; mais pourquoi faire du nouveau? Que ne vous rattachez-vous à vos anciennes traditions? » »[12]

Revenons aux traditions.

Revenons aux pieds du roi.

Et la France renaîtra de ses cendres.

(à suivre)

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul-Raymond du Lac

 

[1] Ibid, p.33

[2] Ibid, p.33-34

[3] Ibid, p.34-35

[4] Ibid, p.35

[5] Ibid, p.37-38

[6] Ibid, p.38

[7] Ibid, p.39-40

[8] Ibid, p.41

[9] Ibid, p.42

[10] Ibid, p.42 note importante

[11] Ibid, p.44

[12] Ibid, p.46

Une réflexion sur “Les fondamentaux de la restauration – 4

  • PELLIER Dominique

    plus que revenir aux traditions, prions Dieu qu’Il nous donne ce roi, prions pour la FRANCE, un point, c’est tout et ne nous relâchons pas!!!!

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