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Les fondamentaux de la restauration (2) – Chap. 1 : La formation des États

Les fondamentaux de la restauration – 2

Mgr Henri Delassus, L’Esprit familial dans la maison, dans la cité et dans l’État, Société Saint-Augustin, Lille, 1911.

Chapitre I – Comment se forment les États

Le point de départ : quelques vérités universelles, fondamentaux de la réalité de la vie humaine que toutes les civilisations et tous les temps ont admis d’une façon ou d’une autre et reflétées dans les institutions. L’Église catholique n’a fait que « polir et purifier le diamant de la sagesse naturelle » embrumée ici et là par des mauvaises coutumes, l’ignorance des fins dernières, celle du message évangélique et la faiblesse des hommes.

Pour ceux qui ne sont pas habitués, cela peut décoiffer !

« La vérité sociale est à l’opposé de l’utopie démocratique.

L’utopie démocratique, c’est l’égalité. La démocratie rêve un État social n’ayant égard qu’aux individus, et a des individus socialement égaux.

Ce n’est pas ce que Dieu a voulu. Pour nous en convaincre, nous n’avons qu’à considérer ce qu’il a fait. Dieu aurait pu créer chaque homme, comme il créa Adam, directement et par lui seul. Ainsi avait-il fait pour les anges. Et cependant là même, il ne voulut point l’égalité ! Il fit que chaque ange fût à lui seul une espèce distincte, répondant à une idée particulière, et ces idées réalisées, se graduant dans leur être, comme elles l’étaient dans la pensée divine[1]. »

Que ceux qui n’aiment pas les démonstrations par les réalités révélées, comme les chœurs des anges, se rapportent à l’introduction de Mes pensées politiques de Maurras. Au fait, les dernières découvertes de la génétique tendent de plus en plus à montrer que nous sommes issus d’un seul couple, avec le chromosome Y d’Adam et la mitochondrie d’Ève. Les dernières découvertes scientifiques remettent en cause aussi toutes les théories évolutionnistes sur les hommes : un homme de Néandertal et un homo sapiens sont les mêmes hommes a priori, ils sont juste aussi différents qu’un teckel et un labrador, qui restent tous des chiens. C’est évident, en fait.

« Dieu avait d’autres desseins. Il voulut que nous reçussions la vie les uns des autres, et que par là nous fussions constitués, non dans la liberté et l’égalité sociales, mais dans la dépendance de nos parents, et dans la hiérarchie qui devait naître de celte dépendance[2]. »

Des faits et des réalités que tous peuvent expérimenter malgré toutes les imprécations modernistes qui nient la réalité, sans jamais parvenir à la changer.

« Dieu créa ainsi la famille ; il en fit une société, et il la constitua sur un tout autre plan que celui de l’égalité sociale : la femme soumise à l’homme et les enfants soumis à leurs parents[3]. »

Cette inégalité et cette soumission permettent à tous de grandir et de se réaliser en tant qu’hommes. Le mot « soumis » a mauvaise presse aujourd’hui. C’est dommage, car bien qu’il contienne la nuance, j’allais dire « islamique », d’esclavage, il signifie avant tout de « se mettre sous la main de » et contient en cela une harmonie par une acceptation active et volontaire pleine de confiance des hiérarchies naturelles pour le plus grand bien de chacun et de tous. Les théories marxistes idiotes de la guerre de tous contre tous n’ont plus courts depuis longtemps. Qui serait encore capable de nier les différences des rôles paternels et maternels, d’époux et d’épouse et leur complémentarité intrinsèque ? Cela se retrouve dans toute hiérarchie.

Se fonder sur des exceptions regrettables d’abus ne peut jamais justifier la négation d’une part de la réalité naturelle, et d’autre part des harmonies prévues par le bon Dieu partout dans le monde. N’en déplaise aux féministes – qui ont tué la femme en castrant l’homme, laissant les femmes sans protecteurs au milieu des loups.

« Nous trouvons donc, aux origines-mêmes du genre humain, les trois grandes lois sociales : l’autorité, la hiérarchie et l’union ; l’autorité qui appartient aux auteurs de la vie, la hiérarchie qui fait l’homme supérieur à la femme, et des parents les supérieurs de leurs enfants, l’union que doivent conserver entre eux ceux qu’un même sang vivifie.

Les États sont sortis de cette société première[4]. »

C’est concis et direct et universel. Les exceptions confirment la règle. « L’autorité, la hiérarchie et l’union ». Cherchez les auteurs, dont l’auteur ultime, Dieu. Approuvez les hiérarchies en tant que telles avant de les nier – y compris celles faussées par la révolution (il est intéressant de constater que malgré tout, la hiérarchie existe toujours et contre tout : regardez l’intelligentsia soviétique ou les ploutocrates actuels. Le problème, c’est que cette élite dit qu’elle n’existe pas et ne devrait pas exister, pratique pour éviter les devoirs qui incombent à l’autorité, de justice en particulier… mais en attendant, elle existe quand même).

Et union surtout : car les différents et les inégaux peuvent s’unir, comme le plus et le moins d’un aimant. Les égaux, quant à eux, se font la guerre – prenez une fondation d’entreprise : n’associez jamais deux financiers ou deux ingénieurs, ce sera la guerre et la faillite, mais prenez un financier et un ingénieur, des inégaux, et là, l’union et la fécondité sont possibles.

« Puis, M. Flach montre comment la mesnie se développant à son tour produisit le fief, famille plus étendue dont le suzerain est encore le père ; si bien, que pour désigner l’ensemble des personnes réunies sous la suzeraineté d’un chef féodal, on rencontre fréquemment dans les textes des XIIe et XIIIe siècles, époque où le régime féodal eut son plein épanouissement, le mot « familia »[5]. »

« C’est ainsi que s’est faite notre France. Le langage en témoigne aussi bien que l’histoire. L’ensemble des personnes placées sous l’autorité du père de famille est appelé : familia. À partir du Xe siècle, l’ensemble des personnes réunies sous l’autorité du seigneur, chef de la mesnie, est appelé : familia. L’ensemble des personnes réunies sous l’autorité du baron, chef du fief féodal, est appelé : familia. Et nous verrons que l’ensemble des familles françaises fut gouverné comme une famille. Le territoire sur lequel s’exerçaient ces diverses autorités, qu’il s’agisse d’un chef de famille, du chef de la mesnie, du baron féodal ou du roi, s’appelle uniformément dans les documents : patria, le domaine du père.

La patrie, dit M. Franz Funck-Brentano, ce fut à l’origine le territoire de famille, la terre du père. Le mot s’étendit à la seigneurie et au royaume entier, le roi étant le père du peuple. L’ensemble des territoires sur lesquels s’exerçait l’autorité du roi s’appelait donc « Patrie »[6]. »

De la famille à la patrie tout simplement. Lisez les études anthropologiques des sociétés dites « primitives », tout y est. Regardez l’histoire des patriarches de l’Ancien Testament, tout y est.

« En 989, un de ces barons féodaux, celui qui incarnait, de la manière la plus complète et la plus puissante, les caractères qui marquaient chacun d’eux, fut porté, — sous l’impulsion même du mouvement qui poussait la France à l’organisation de ses forces vives — au sommet du groupe social : Hugues Capet devint roi. Par l’intermédiaire du baron féodal, la royauté sortit de l’autorité qu’exerçait le père de famille. »[7]

Et notre belle France a illustré cette continuité naturelle de la façon la plus éclatante possible.

«  Telle est l’origine historique de toutes les tribus ; et l’origine des nations est toute semblable : les tribus s’agglomèrent comme se sont agglomérées les familles et toujours sous l’ascendant d’une famille princière. Le Contrat Social, qui fait se rassembler un beau jour des hommes étrangers les uns aux autres et les fait se lier entre eux par un pacte conventionnel, n’a jamais existé que dans l’imagination de Jean-Jacques; et si ses disciples ont tenté quelque part de se constituer ainsi en État, leur société factice n’a pas dû tarder à se dissoudre. Rien ne subsiste que ce qui est fait par la nature et selon ses lois.

Ces lois, nous les avons vues agir aux origines des civilisations grecque et romaine, comme aux origines de la civilisation moderne. Les missionnaires et les explorateurs les constatent chez les sauvages. Pas plus chez eux qu’ailleurs, il n’y a de tribu que là où il y a un commencement d’organisation, et cette organisation, elle la tient de la prééminence d’une famille à laquelle les autres sont subordonnées[8]. »

Réalités sociales historiques incontestables.

Qu’on aille nous trouver une organisation sodomite durable… On cherche toujours.

« Au-dessus de toutes, surgit, au Xe siècle, la famille de Hugues Capet, qui fit la France par la patience de son génie, par la persévérance de son dévouement, par la continuité de ses services.

Il faut ajouter : « Et par la volonté et la grâce de Dieu ». Lorsque le comte de Maistre releva cette expression de l’Écriture : « C’est moi qui fais les rois », il ne manqua pas d’ajouter : « Ceci n’est point une métaphore, mais une loi du monde politique. Dieu fait les rois au pied de la lettre. Il prépare les races royales; il les mûrit au milieu d’un nuage qui cache leur origine. Elles paraissent ainsi couronnées de gloire et d’honneur ». Et M. Blanc de Saint-Bonnet : « Quand celui qui sonde les cœurs et les reins choisit une famille parmi toutes les autres, son choix est réel et divin. Celle-ci le prouve bientôt (quoique la liberté lui reste pour recueillir ou dissiper ses dons) en fournissant plus de législateurs, de guerriers et de saints, que les familles les plus nobles, bien qu’en ce point celles-ci l’emportent déjà sur les autres dans une proportion prodigieuse »[9]. »

La France, obéissant aux lois naturelles, comme tous les pays, obéit de plus aux lois surnaturelles : elle n’est pas la fille aînée de l’Église pour rien. La hiérarchie acceptée et légitime produit des fruits bons, c’est historique. Regardons la nôtre qui appuie pour la France ces faits de façon éclatante :

« Pour ce qui est de la sainteté, il suffit, pour s’en convaincre, de parcourir n’importe quelle Vie des Saints. En s’en tenant au bréviaire, on s’aperçoit — l’observation est de M. Blanc de Saint-Bonnet — que les familles nobles réunies en ont produit plus de trente sept sur cent et les seules familles royales six, c’est-à-dire plus du vingtième ! Même au dix-huitième siècle, où la noblesse était si déchue, les filles de nos rois étaient des saintes et leurs petits-fils des héros.

En admettant une famille noble sur cent et une famille royale ou princière sur deux cent mille, on aurait cette proportion; le même nombre de familles a produit, dans la noblesse, cinquante fois plus de saints que dans le peuple, et dans les maisons royales quatre cents fois plus que dans la noblesse ou vingt mille fois plus que dans le peuple.

Que sont, devant ces faits, les déclamations de la démocratie même chrétienne sur les vertus du peuple et les vices des grands! Des sols se font un argument contre l’institution monarchique des désordres de Louis XV. Ils ne songent point aux séductions dont il n’a cessé d’être entouré, et devant lesquelles ils auraient fait, eux, sans doute, meilleure figure. Ils ne songent pas non plus aux saints dont il était le fils et le père. Ils ne se songent point à l’incroyable puissance de vertu qu’il a fallu à une famille pionnée, depuis huit siècles, dans le bain dissolvant des plus grandes prospérités pour ne point retomber dans l’égoïsme et produire encore au bout de ce temps la sainteté[10]. »

La noblesse n’est pas qu’un titre, c’est avant tout le résultat historique des vertus perfectionnées de générations en générations. En France, du moins. Les individus égarés ne contredisant pas la règle. Soyons tous nobles. Et dans quelques générations, quoiqu’il arrive, la restauration sera là, dans nos nombreux descendants.

« Quand on se reporte à l’époque du démembrement de l’empire de Charlemagne, on voit sortir du traité de Verdun trois États d’importance à peu près égale, formés chacun d’éléments disparates, qui sont devenus, avec le temps, la France, l’Allemagne et l’Italie. De ces trois États, un seul est arrivé assez rapidement à la constitution de son unité, c’est la France[11]. »

On appréciera toutes les références, universitaires aussi :

« M. Izoulet, professeur au Collège de France, a exposé cette conception de l’amour de la patrie : « L’amour de la patrie n’est pas un sentiment simple et superficiel, facile à improviser. Ce n’est pas un champignon qui pousse en une nuit. C’est une plante aux profondes et lentes racines. L’amour de la patrie est une complexe résultante d’obscures composantes. La patrie plonge sa triple racine dans les secrètes profondeurs des habitudes terriennes, des piétés domestiques, et des émotions religieuses. Dieu, le sol et le foyer sont le triple ingrédient de ce dictame.» Que peut-il donc advenir du patriotisme chez un peuple où trop de gens ne songent qu’à  déserter la terre, à briser le foyer, et à renier Dieu? Quand la triple racine se dessèche, comment la plante pourrait-elle ne pas languir et périr ?[12] »

Nous n’aimons pas la France comme un concept, mais comme notre terre nourricière, la famille qui nous a élevé et légué tant de chose, à commencer par la vie, et enfin l’amour et le service du Roi incarné dans Sa Majesté Louis XX.

Paul-Raymond du Lac

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France


[1] Mgr Henri Delassus, L’Esprit familial dans la maison, dans la cité et dans l’État, Société Saint-Augustin, Lille, 1911, p. 11.

[2] Ibid., p. 12.

[3] Ibid., p. 12.

[4] Ibid., p. 12.

[5] Ibid., p.16 ; cf. Jacques Flach, Les Origines de l’ancienne France, la condition des personnes et des terres, de Hugues Capet à Louis le Gros, Paris, 4 t., 1886-1917.

[6] Mgr Henri Delassus, op. cit., p. 17.

[7] Ibid., p. 18.

[8] Ibid., p. 19.

[9] Ibid., p. 20-21.

[10] Ibid., p. 21-22.

[11] Ibid., p. 24.

[12] Ibid., p. 25-26.


Dans cette série d’articles intitulée « Les fondamentaux de la restauration », Paul-Raymond du Lac analyse et remet au goût du jour quelques classiques de la littérature contre-révolutionnaire. Il débute cette série avec L’Esprit familial dans la maison, dans la cité et dans l’État, écrit par Mgr Delassus il y a désormais plus d’un siècle.

Mgr Delassus, L’Esprit familial dans la maison, dans la cité et dans l’État (1911) :

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