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Pourrait mieux faire !

On sait qu’en Suisse, quatre fois par an, a lieu un certain nombre de votations à l’initiative du peuple souverain, sans réelle limitation des sujets abordés. Le 9 février 2014, le peuple s’est ainsi prononcé sur trois thèmes.

— Sur l’avortement.

Remarquons au passage que ce sujet n’est pas tabou en Suisse. L’initiative demandait la fin du remboursement de l’avortement par l’assurance-maladie obligatoire. Les initiants avançaient l’argument logique que la grossesse n’étant pas une maladie, qu’il n’était donc pas correct d’exiger une participation de tous pour son financement. L’exemple de l’Autriche, où pareille mesure existe depuis des années sans la moindre conséquence particulière, n’a pas suffit. Avec 69,2 % de Non, le rejet est unanime.

— Le plan de financement et d’aménagement de l’infrastructure ferroviaire.

Cette mesure a franchi l’obstacle du référendum sans coup férir, le Oui l’emportant à 62,02 %. Là, encore, le résultat était des plus prévisibles au vu de l’excellente image des transports ferroviaires dans la culture historique de la Suisse. Mais en ouvrant les vannes à hauteur de 6,4 milliards pour des infrastructures ferroviaires, les citoyens viennent d’autoriser l’État à piocher 6,4 milliards dans leurs poches : hausse de la TVA, des impôts et des taxes sur le carburant.

Étrange approbation venue d’un corps électoral qui refusait à 60,5 %, la hausse de la vignette autoroutière à 100 francs trois mois plus tôt, et qui s’expose aujourd’hui à subir un surcoût d’une demi-vignette à chaque plein d’essence !

— L’initiative contre l’immigration.

C’était bien entendu le point d’orgue de ce dimanche 9 février, qualifiée par certains de votation de l’année, voire de la législature. Elle fut adoptée par 50,3 % avec une participation de 58 %… Depuis dimanche soir, la Constitution fédérale est agrémentée d’un nouvel article sur l’immigration demandant l’établissement d’une limite supérieure annuelle au nombre des nouveaux venus, et comme condition à l’octroi d’un permis d’établissement « la demande d’un employeur, la capacité d’intégration et une source de revenus suffisante et autonome ».

Ainsi, l’exemple suisse, l’immigration de masse non contrôlée, est encore mis en avant par deux députés de l’opposition parlementaire républicaine dite de droite. MM. Gilbert Collard et Jacques Bompard, respectivement apparenté au Front dit national et président de la Ligue du Sud et maire d’Orange, à travers une proposition de loi constitutionnelle prônant l’instauration d’un référendum d’initiative populaire.

Cette proposition de loi constitutionnelle avance qu’il est « peu probable, au regard de l’historique des consultations helvétiques que ni un vote parlementaire ni une consultation référendaire n’auraient été possibles s’ils avaient dépendu du bon vouloir de l’exécutif ou du Parlement de la Confédération helvétique ». Et de ce fait, il conviendrait, après de nombreux textes proposés antérieurement en France, « qu’une telle initiative populaire et démocratique puisse être rendue possible dans le cadre de notre Constitution du 4 octobre 1958 ».

Les deux députés s’appuient sur quatre éléments qui rendent leur proposition particulière.

1. Elle ne limite pas le champ « des lois d’initiative référendaire aux seuls domaines prévus actuellement par l’article 11 de notre Constitution. La loi référendaire d’initiative citoyenne, expression doublement directe du peuple souverain, ne saurait voir son champ borné a priori. Elle doit pouvoir englober désormais toutes les questions institutionnelles et sociétales, hormis le champ des révisions constitutionnelles prohibées par l’article 89 de notre Constitution ».

On sait que cet article 89 n’autorise pas la mise en cause du régime républicain et qu’une ré-instauration monarchique devrait pour exister passer outre ou abroger cet article.

2. La proposition de réforme « tend à éviter toute mesure dilatoire visant à retarder ou à empêcher la libre expression du peuple souverain par le biais d’une vacance durable de la fonction présidentielle ».

3. La proposition de réforme « abroge les modifications apportées à l’article 11 de la Constitution par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008. En effet, cette réforme envisageait, concernant l’article 11, une procédure complexe, improbable et très éloignée du référendum d’initiative parlementaire qui était initialement envisagé ».

Pour rappel, cette loi constitutionnelle de 2008 instituant le référendum d’initiative populaire ne peut avoir lieu que si le Conseil constitutionnel, un tiers des parlementaires et 10 % du corps électoral se prononcent en sa faveur… 

4. « Le droit de signer une pétition référendaire est réservé aux seuls citoyens français inscrits sur une liste électorale. En effet, il existe d’ores et déjà des listes électorales complémentaires permettant aux ressortissants de l’Union européenne résidant en France de participer à l’élection des conseillers municipaux ou des représentants de la France au Parlement européen. Il est évident qu’ils ne peuvent pas participer à une consultation référendaire qui reste l’expression la plus directe de notre souveraineté nationale. » Les deux députés font suivre leur proposition du texte de la nouvelle loi précisant les changements à apporter à l’existant en quatre articles.

1. « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants, et par la voie du référendum, soit à l’initiative du président de la République ou du Parlement, soit par une pétition référendaire d’initiative citoyenne à la demande de 500 000 citoyens français inscrits sur les listes électorales. » Amélioration nette. Malgré le fait que les représentants de la souveraineté nationale ne sont pas réellement représentatifs du Peuple par le jeu permanent des partis politiques représentatifs de l’oligarchie au pouvoir.

2. « Le président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux Assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions… » La proposition reste très respectueuse des usages, sans doute pour ne pas effaroucher qui que ce soit et démontrer que nos deux députés sont des républicains orthodoxes… 

3. « Une pétition référendaire doit être signée par au moins 500 000 électeurs français inscrits sur une liste électorale. » « Le Conseil constitutionnel vérifie que la condition requise à l’alinéa ci-dessus est bien vérifiée. » « Il en avise le président de la République qui convoque le corps électoral dans le délai de trois mois. En cas de vacance de la présidence de la République ou d’empêchement, le décret de convocation est signé par le président du Sénat, et si celui-ci est à son tour empêché d’exercer ses fonctions, par le Gouvernement. » « Si le référendum a conclu à l’adoption de la proposition référendaire d’initiative populaire, le président de la République promulgue la loi dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats de la consultation. » « Aucune pétition référendaire ne peut porter atteinte à l’intégrité du territoire ni à la forme républicaine de Gouvernement. » Le dernier alinéa limite quand même l’initiative du peuple si celui-ci voulait décider un changement de régime et renvoie à l’article 89 préservant ainsi toute tentative de réinstauration monarchique.

Au moins légalement. Et même illégalement puisque l’on sait que le coup de force est de plus en plus impossible.

La souveraineté des Français reste soumise aux bons soins de l’oligarchie en place.

Gérard de Villèle

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