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Diplomatie et jeu d’échec au pays du matin frais

Forte de 223 0000 kilomètres carrés, soit l’équivalent en superficie de la Grande-Bretagne, la péninsule coréenne est divisée en deux entités distinctes l’une de l’autre depuis juillet 1953, date à laquelle a pris fin la guerre de Corée qui a opposé les deux idéologies, communiste et capitaliste, sur cette partie du continent asiatique. Faisant face à la Corée du Sud et sa démocratie, la Corée du Nord qui est dirigée d’une main de fer par la dynastie marxiste des Kim (ou lignée du mont Paektu) et qui partage ses frontières terrestres et maritimes, avec trois grandes puissances internationales (la Chine, la Russie et le Japon). Depuis l’arrivée au pouvoir du bedonnant Kim Jong-Un en 2011, pompeusement rebaptisé « Grand soleil du XXIème siècle » par les instances du parti unique, les tensions entre la dictature marxiste et les Etats-Unis se sont considérablement accrues.  Loin de la crise économique qui frappe l’Europe, se joue dans l’ombre une véritable partie d’échec sur fond de néo-guerre froide qui pourrait déstabiliser toute l’Asie voir aboutir à une guerre mondiale si un conflit venait à éclater entre les Etats –Unis (USA) et la Corée du Nord, leurs alliés respectifs.

Depuis deux mois, la République populaire démocratique de Corée a multiplié les tirs de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) et essais à la bombe hydrogène (le dernier datant du 29 août dernier) comme ses discours agressifs à l’encontre des Etats-Unis, alliés japonais et sud-coréens compris. Non sans raviver les craintes d’un conflit nucléaire ou conventionnel à grande échelle.

Tout au long de la guerre froide (1945-1991), proche du bloc soviétique, la Corée du Nord avait préservé son indépendance en maintenant sur un même équilibre ses relations avec la Chine et l’Union des républiques soviétiques et socialistes (URSS). Elle se targuait même d’être l’un des rares pays-frères à n’avoir aucune troupe étrangère sur son sol. Une politique qui s’est poursuivie après la chute du mur de Berlin et qui a permis au régime marxiste nord-coréen de rester en place sans craindre une révolution à l’instar des pays d’Europe de l’Est. La Chine, qui tenait à la sauvegarde de cet état tampon entre elle et le Japon, versait même des millions dans la coopération avec Pyongyang  grâce à divers traités d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle signés entre les deux pays depuis 1961. Et si les rapports avec le voisin russe s’étaient considérablement distendus sous l’ère Eltsine, l’avènement du président Vladimir Poutine (1999) avait également permis un nouveau rapprochement entre les deux pays qui s’étaient concrétisés par les nombreuses visites de leurs dirigeants respectifs, agrémentées de fortes poignées de mains chaleureuses. La Russie n’hésite d’ailleurs pas à force de spots télévisés de vanter les charmes du « pays du matin frais » et ses tours opérateurs de proposer à leur clientèle « des séjours collectifs et individuels destinés à montrer aux voyageurs la diversité du pays le plus fermé au monde».  La nomination de Pak Ui-Chun comme ministre des affaires étrangères  en mai 2007 avait même été considérée par toutes les capitales comme un « signe évident d’ouverture en faveur de la Russie » par un pays débiteur économiquement de ce géant eurasien. Non sans avoir crispé au préalable Washington.

Geste significatif de la bonne entente entre les deux pays si il en est, l’annulation en 2014 de la dette à hauteur de 90% que la Corée du Nord avait à l’égard de l’ancienne Union soviétique. Soit la bagatelle de 11 milliards de dollars. Moscou et Pyongyang avaient rapidement décidé, par la suite, d’utiliser le Rouble pour leurs échanges commerciaux afin de rendre la capitale nord-coréenne moins dépendante du dollar américain sur ses exportations.

Devant la levée de protestations et autres déclarations qui ont été émises à la suite de ces récents tirs de missiles, le ministre des affaires étrangères russes , Sergueï Lavrov, s’est opposé à toutes sanctions supplémentaires contre la Corée du Nord et a accusé implicitement les Etats-Unis de provoquer intentionnellement le gouvernement de Kim Jong-Un en déployant dans le ciel de deux bombardiers stratégiques B-1B et quatre chasseurs furtifs F-35B, conjointement avec des appareils sud-coréens. Déjà lors des premiers tirs recensés et qui avaient été un échec, début aout, conjointement la Russie et la Chine avait marqué leur nette opposition au vote des sanctions imposées contre le régime de Kim Jong Un.

Cependant contrairement à la rhétorique guerrière que se livrent les Etats-Unis et la Corée du Nord, ni Pékin ni Moscou (toutes deux membres du BRICS, acronyme anglais qui désigne le groupe des cinq pays émergents qui se réunissent depuis 2011 et dont les PIB entendent peser sur l’économie mondiale) n’ont d’ailleurs véritablement aucun intérêt de voir un conflit nucléaire se déclencher voir un conflit tout court comme l’indiquait l’analyse géopolitique de France Info dans son édition du 9 août 2017. Ce, alors que l’on fêtait les 72 ans de Nagasaki et d’Hiroshima, du nom des deux villes japonaises sur lesquelles les américains larguèrent des « bombes H » afin de mettre un terme définitif au conflit mondial dans le Pacifique. En effet, comme le  Pakistan et l’inde, le régime nord-coréen entend poursuivre son programme nucléaire, dont on ne se sait réellement pas quel potentiel il a atteint depuis sa mise en place en 1958, afin de maintenir dans une sorte de surenchère régulière, une forme d’assurance-vie de son système politique. Prix d’une survie qui menace un Japon qui a immédiatement condamné les tirs de missiles qui se sont abîmés dans ses mers. 

Dans cette guerre des mots, la Chine semble faire office de faiseuse de rois face à une Russie, tapie dans l’ombre qui entend toutefois lui damer le pion avec douceur.

Signes de  refroidissement entre la Chine et la Corée du Nord, l’absence d’une délégation chinoise aux dernières festivités de la libération a montré certaines irritations palpables entre les deux républiques marxistes et laissé le champ libre aux autorités russes dans le duo qu’ils forment avec Pékin. Un Vladimir Poutine qui démontre une nouvelle fois toute sa capacité à devenir diplomatiquement incontournable dans ce vaste jeu d’échec, entre lune de miel et fiel, qu’il joue avec Donald Trump. Un président américain perçu comme un belliciste invétéré face à un désormais Vladimir Poutine qui, peu à peu, reconstitue avec talent l’ancienne sphère d’influence de l’ancienne Union soviétique et qui applique avec justesse la célèbre maxime, revisitée par ses soins, de  la tsarine Catherine II : « nous n’avons trouvé point d’autres moyens de garantir nos frontières que de les agrandir ».

C’est donc  actuellement une gestion tripartite qui  va se dessiner dans ce bras de fer qui oppose  la Chine, la Russie et les Etats-Unis. Et si la solution de Moscou passe inévitablement  par une « déclunéarisation » de la Corée du Nord, « résolution pacifique au problème », le projet  qu’elle va proposer à l’ONU, vise aussi à désenclaver humanitairement une Corée du Nord ultra militarisée (49 soldats pour 1000 habitants contre 1 pour 1000 aux Etats-Unis à titre de comparaison). Car actuellement c’est  aussi 2 personnes sur 5 qui souffrent de sous-nutrition  et qui  vivent avec des rations alimentaires que le régime marxiste a progressivement réduit au fil des années (on estime que plus de 600 000 personnes sont mortes de faim , depuis l’avènement du régime marxiste, dans ce qui a toujours été considéré comme le grenier à blé du royaume coréen durant le règne de dynastie royale des Choséon, destituée par un coup d’état pro-japonais en 1910).

Une des rares solutions où s’accordent les Etats-Unis et la Russie  (rejoints récemment par la France et le Royaume-Uni) qui n’a cependant pas encore les moyens de supplanter la Chine sur son terrain de jeu idéologique préféré. Assez toutefois pour reprendre pied sur la péninsule coréenne et lui donner une carte supplémentaire dans sa confrontation géopolitique avec les américains.

Dans la zone démilitarisée du 38ème parallèle, qui sert de frontière entre les deux Corées, les haut-parleurs déversent chacun à leur tour leur propagande, entre ton martial et hystérie paranoïaque. Tout en se défiant depuis les miradors installés le long des clôtures de fer  dans de vastes manœuvres militaires, aucun des deux pays frères ne semblent pourtant prêt à un conflit. Encore moins de prendre le risque d’être à l’origine d’une nouvelle guerre mondiale qui pourrait «aboutir à une catastrophe planétaire et à un grand nombre de victimes » a rappelé en signe d’avertissement le président en Russe, alors en visite à Pékin.  La paix passera-t-elle par, Moscou ?  Les prochaines négociations à venir au sein de ce conflit larvé pourrait bien le confirmer.  Un message qui n’est pas passé inaperçu parmi les membres du conseil des nations unies qui ont appelé chacun des pays engagés «à faire preuve de plus de retenues et d’unité » en ces heures cruciales. Le président Donald Trump a compris qu’il lui faudrait certainement lâcher du lest face au géant asiatique chinois afin que ce celui-ci condamne unilatéralement les tirs de Pyongyang.

Une question reste encore cependant sans réponse : le président américain a-t-il réellement  la volonté de vouloir éviter un conflit armé ?

Frederic de Natal

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