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Vers une abolition de la monarchie à Wallis et Futuna ?

Les îles Wallis et Futuna (aussi appelées Royaume d’Uvéa) viennent de fêter le 54ème  anniversaire de leur statut de territoire d’Outre-Mer mais sans leur souverain.

Destitué avec tout le gouvernement par le Conseil coutumier, le 5 septembre 2014, le Lavelua Kapeliele Faupala, aujourd’hui âgé de 75 ans, ne porte plus la couronne traditionnelle de Wallis.  En place depuis juillet 2008, le Lavelua  faisait figure de « roi de transition » ayant succédé à Tomasi Kulimoetoke II, lequel avait régné pendant un demi-siècle sur des îles aux eaux cristallines.

Territoire français le plus éloigné de la Métropole, baignant dans l’archipel polynésien, les îles de  Wallis et Futuna comptent 12 000 habitants dont les ancêtres sont venus soit des Tonga, soit des Samoa voisines. C’est en 1887, que la Reine Amélia de Wallis ratifia un traité de protectorat entre son royaume et la République française qui s’empresse alors d’incorporer ses nouveaux territoires dans son entité des Établissements français de l’Océanie. Mais ce sera dans le cadre d’un référendum en 1959, que les habitants de Wallis et Futuna choisiront d’adopter le statut de territoire français d’Outre-mer (TOM). Les institutions traditionnelles étant maintenues, la République française reconnaît également le pouvoir des trois rois (un à Wallis et deux à Futuna) tout en gérant l’archipel en collaboration avec les élus locaux et les autorités coutumières, choisis parmi les familles nobles de l’archipel.

Loin d’être une monarchie héréditaire, le Lavelua est élu par la noblesse locale qui garde aussi le pouvoir de le destituer. Entouré d’un Premier ministre et de 5 autres ministres, il nomme les chefs de districts qui ont eux-mêmes pleine autorité sur les petits chefs de village. Une monarchie traditionnelle régie par le droit coutumier qui considère pratiquement le souverain élu comme le « représentant de Dieu sur Terre ». L’Eglise catholique, qui nomme depuis 1935 des Vicaires apostoliques (actuellement Monseigneur Ghislain de Rasilly), contrôle d’ailleurs encore  l’enseignement public primaire.  

Un conflit éclate en 2002 lorsque le Roi Tomasi Kulimoetoke II fait fermer un journal local après que celui-ci a émis de sévères critiques envers son pouvoir, notant son refus systématique de toute  évolution moderne de la coutume et celui de livrer à la justice française un de ses proches, accusé de détournement de fonds. L’île se divisa rapidement en deux camps, partisans d’une monarchie conservatrice et partisans d’une monarchie réformée. Le premier acte de résistance de ces derniers fut… de refuser de descendre de vélo en passant devant la résidence royale. Trois ans plus tard, une crise politique éclate et menace directement le pouvoir royal. Les chefferies acquises aux « rénovateurs » annoncent la destitution du Lavelua et son remplacement par le prince Sosefo Mautamakia Halagahu. Les partisans du Roi (dont d’anciens militaires armés de fusils, de machettes et de bâtons de dynamite) réagissent rapidement et par centaines, organisent le blocus de l’île afin d’empêcher tant le couronnement que la gendarmerie française de débarquer. A l’origine de cette crise, le meurtre accidentel d’un wallisien par le petit-fils du souverain qui une nouvelle fois refuse de le remettre aux autorités, estimant que la coutume prévaut sur le droit juridique français. L’Administrateur de la République, Xavier de Fürst, décide rapidement de couper la rente mensuelle de  5500 euros du Roi qui réclame quant à lui en retour le départ immédiat du fonctionnaire français. Du côté des « rénovateurs », on reste persuadé que le vieux monarque, qui mène une vie quasi monacale dans son palais tout en pierres grises, est manipulé par son entourage et notamment par la princesse  Etuaneta, sa fille.

Il faudra tout l’art d’un médiateur pour que la tension retombe. Quant à l’Administrateur français, remercié en 2006 de son poste,  il a été mis à la retraite en 2014.

Le Lavelua décède en 2008, âgé de 88 ans, mais laisse derrière lui une monarchie en crise. Les tensions vont encore s’accroître avec l’accession de son successeur désigné et ancien Kalae Kivalu  (Premier ministre) favorisé par la France qui sera représentée lors du couronnement par le Président de la province sud de la Nouvelle-Calédonie, le pied-noir Philippe Gomès. L’animosité est telle entre les deux camps que les représentants de la Nouvelle-Calédonie, entre deux cordons de gendarmes, doivent publiquement affirmer qu’ils ne sont pas là pour soutenir l’un ou l’autre des candidats au trône.

Lorsque le nouveau Roi décide de limoger son Premier ministre en septembre 2014, c’est une sécession qui éclate dans les îles. Les
 chefferies traditionnelles, acquises aux « rénovateurs » destituent le souverain qui n’offre aucune résistance et se retire du palais. Un an plus tard, la situation reste toujours confuse. Le trône vacant est occupé par une régence de deux premiers ministres qui revendiquent chacun la légitimité du pouvoir. Si les discussions en avril dernier avaient avancé afin de désigner une seule chefferie qui permettrait l’élection d’un nouveau souverain, le premier ministre royaliste désigné a décidé de ne plus partager cette position. Certaines familles royales des archipels en ont profité pour proposer un candidat au trône qui viendrait de Nouvelle -Calédonie.

La République française et son ministère de l’Outre-Mer se gardent bien d’intervenir dans cette crise monarchique qui perdure d’autant qu’elle doit régler actuellement à Tahiti une autre querelle royale avec le controversé prince Joinvile Pomare XI. Ce denier qui revendique la couronne de Tahiti, s’est fait pompeusement couronner le 9 septembre 2009 par un conseil de chefs traditionnels et ne cesse de revendiquer l’indépendance de l’île aux autorités françaises. En effet, depuis que le Roi Pomaré V a cédé, pour une caisse d’alcool, l’île de Tahiti à la France, le 29 juin 1880, la monarchie a été abolie à son décès et la dynastie reléguée aux oubliettes de l’histoire. Bien que contesté par les autres membres de la famille royale, le prince Joinville Pomaré  qui depuis des années à fort à faire avec la justice française, vient d’annoncer qu’il restaure le sénat coutumier dont l’objectif sera d’accomplir “un devoir de mémoire” face « au colonialisme métropolitain ».  Une décision que ne partage pas l’actuel Président de Polynésie.

Loin de la France, survit dans l’océan pacifique un idéal monarchique dont les souverains restent de véritables spécificités au sein de ces Territoires d’Outre-Mer. Mais contrairement à Tahiti, les îles de Wallis et Futuna ne connaissent aucune velléité d’indépendance à ce jour. Une stabilité politique qui pourrait être remise en cause avec le futur référendum prévu sur l’auto-détermination de la Nouvelle-Calédonie et au détriment des populations locales, si la crise monarchique s’amplifie, aspirant aujourd’hui à retrouver… une paix royale ! A moins que la République française ne se décide à abolir définitivement ces monarchies polynésiennes, véritables épines dans ses pieds et dont elle se garde bien de médiatiser l’existence. 

Frédéric de Natal

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