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[Exclusif] Michel Ferlet : “Les testaments de nos rois conseillent la Justice et le bonheur pour les français.”

Mercredi à sept heures du soir, le docteur Michel Ferlet mettra en évidence la continuité dans la durée que constitue l’ensemble des “Testaments des rois français – L’art de transmettre le pouvoir “, titre de cet ouvrage unique en son genre (L’Harmattan, 2013). Rendez-vous est donc pris au 15, rue Cortambert (75016) pour écouter puis questionner ce “curieux d’Histoire et chercheur de talent” comme le définit le Président du Centre d’Etudes Historiques, Christian Pinot, qui l’accueillera à cette nouvelle édition des Mercredis de la Légitimité placés sous le haut patronage de Monseigneur le prince Louis de Bourbon, aîné des Capétiens, et proposés par Vexilla Galliae et Le C. E. H.Nous avons consultél’auteur de ce recueil en définitive plein de vie et de promesses. Voici l’ordonnance :

 Vexilla Galliae : Pour quelles raisons avez-vous pris le soin de rassembler autant de testaments qu’il y eut de rois de France et comment avez-vous procédé?

 Michel Ferlet : Ce sujet n’avait jamais été traité. J’aborde mon exposé en soulignant que depuis ses origines jusqu’à maintenant, pendant quinze siècles, la France fut gouvernée par des rois issus de trois lignées. Après la révolution de 1789, en deux siècles elle fut gouvernée par trois modes différents (Monarchie, Empire et République). La logique successorale a créé les éléments propices à une œuvre constructrice et à ce titre, il m’a paru intéressant de regrouper les testaments qui transmettent et qui conseillent. La recherche s’est faite à travers la consultation de nombreux livres et de nombreux documents dont les références se trouvent à la fin de l’ouvrage.

 V. G. : Contrairement à tous les livres sur les généalogies des rois de France où Louis XIX et Henri V ne sont jamais retenus, vous avez décidé d’évoquer ces deux rois qui n’ont pratiquement pas régné sur leurs peuples. Pourquoi ce choix, qui n’est pas innocent?

 M. F. : Le roi est mort, Vive le roi. La constitution de la France au temps des rois désignait le successeur avant même le décès du monarque régnant. Un roi pouvait être roi sans régner? Quand Charles X fut contraint d’abdiquer, il le fit dans un premier temps au profit de son fils aîné qui devint Louis XIX pendant quelques minutes. En effet, Charles X lui demanda presqu’aussitôt d’abdiquer en faveur de son neveu qui devint alors Henri V.

 V. G. : Il y a quelques années, sur France 2 dans l’émission Prise Directe, Thierry Ardisson expliquait que “tout père de famille a envie de laisser à ses enfants quelque chose en bon état : un patrimoine, de l’argent, une maison, etc. Le roi de France, lui, voulait laisser à ses enfants un pays en meilleur état que celui dans lequel il l’avait trouvé, alors qu’un Président de la République, au bout de cinq ans, il passe à autre chose“. Ces testaments en rendent-ils compte?

 M. F. : Dans beaucoup de  testaments, il y a la volonté de conseiller et de construire. La remarque de Thierry Ardisson est tout à fait judicieuse. Le Roi, élu de Dieu, avait conscience d’une mission pour la France et pour ses sujets. Philippe IV (Pesez, Louis, pesez ce que c’est que d’être roi de France), Charles V (comparant la couronne de France à un fardeau) et Louis XVI s’adressant à son fils (Je recommande à mon fils si par malheur il devenait roi) ont souligné mieux que d’autres la charge de la fonction de roi.

 V. G. : Le Rexpress de cette semaine cite quelques belles lignes de votre chapitre Bilan de la dynastie capétienne. Parmi les trois races successives, à laquelle va votre préférence?

 M. F. : J’assimile la construction de la France à celle d’une cathédrale à trois niveaux : chaque dynastie a apporté ses pierres à l’édifice. Les espaces qui séparent les niveaux ont été le fruit de changements de dynasties. Les successeurs loin de tout vouloir détruire se sont appuyés sur les fondations déjà existantes pour les consolider et poursuivre l’ouvrage. Chaque dynastie a sa place dans l’histoire de la France.

 V. G. : S. E. Claude Fouquet, qui vous a précédé l’année dernière comme invité aux Mercredis de l’I.D.A. (aujourd’hui Mercredis de la Légitimité), expliquait lors de sa conférence (1) que “dans toute notre Histoire capétienne, on s’aperçoit que nos rois n’ont jamais été des tyrans ; il faut néanmoins reconnaître que certains Mérovingiens tels Clotaire Ier furent atroces. Ce fut un peu mieux sous les Carolingiens, mais les Capétiens se sont dans l’ensemble bien conduits“. Les testaments de tous nos rois reflètent-ils cet assagissement au fil des siècles et des dynasties?

 M. F. : On ne saurait juger un roi sans tenir compte de ce que l’on pourrait définir comme le contexte géopolitique du règne. Il faut également souligner qu’à partir du baptême de Clovis, les rois ont épousé la religion chrétienne ce qui a constitué un frein aux exactions et aux actes condamnables. Beaucoup de Mérovingiens sont loin d’être innocents. On constate dans beaucoup de testaments surtout aux temps des Capétiens un souci de justice et de veiller au bonheur des français.

 V. G. : Vous écrivez que “le testament apparaît alors autant un legs qu’une confession“, pouvez-vous nous donner quelques exemples?

 M. F. : Les exemples sont multiples sous les règnes des Capétiens. Il y a la sauvegarde du royaume qui est attribué à l’héritier légitime mais on n’oublie pas les autres membres de la famille (Philippe Auguste, Louis VIII, Louis IX, Charles V…). Les confessions s’observent aussi dans beaucoup de testaments : Philippe Auguste, Philippe le Bel, Charles V qui dénoncent la pression fiscale au cours de leur règne, Charles IX et la Saint-Barthélémy, Louis XIV et les guerres…

 V. G. : On constate avec vous que “même quand la succession avait été préparée, elle fut rarement simple. Au sein de chaque dynastie, la mort du souverain régnant a souvent précédé des périodes de troubles et il est arrivé que les désirs exprimés par le défunt soient remis en cause dans les années suivant son décès“. Et pourtant, l’Histoire de France est exemplaire à ce titre ; comment expliquez-vous une telle longévité du principe et de ses Lois fondamentales?

 M. F. : La réponse tient dans la place que le roi occupait dans la société française et que l’on trouve résumée dans les propos de Tocqueville : “… Le roi inspirait aux hommes de l’Ancien régime des sentiments qu’aucun des princes les plus absolus qui ont paru depuis dans le monde n’a pu faire naître… Ils avaient pour lui tout à la fois la tendresse que l’on a pour un père et le respect que l’on ne doit qu’à Dieu.” Il y avait une union particulière entre le roi et ses sujets… que l’on continue à observer dans beaucoup de monarchies européennes.

 V. G. : Vous nous rappelez aussi que “les testaments ramènent le lecteur aux années de règne quand ils évoquent les difficultés rencontrées tant en politique intérieure que dans les relations avec la papauté et les menaces qui mettent en péril l’avenir du royaume. Ils soulignent l’instabilité des années de transition par le choix des conseils de régence et le nom des exécuteurs testamentaires. Ils réfléchissent au futur quand ils conseillent les successeurs sur l’art de gouverner.” Les Présidents, eux, ne rédigent pas de testament, l’interchangeable suivant serre la pince du semblable précédent et rebelote. Cette absence sera-telle un problème pour les Historiens des prochaines générations qui souhaiteront se pencher sur les bilans respectifs (mais point respectables) de nos présidents élus par moins de la moitié des français?

 M. F. : A défaut de testaments, certains présidents ont rédigé des mémoires qui se révèlent être davantage des bilans que des leçons de gouvernement. La Ve République censée réparer les erreurs de la Quatrième a montré ses limites. Les changements de majorité font et défont et la durée des mandats interdit une politique courageuse avec des perspectives à moyen et à long terme. Les historiens auront du mal à souligner une politique de continuité dans la durée.

 V. G. : Croyez-vous qu’un docteur Ferlet des temps futurs rassemblera, à son tour, les testaments des consécutifs aînés des Capétiens depuis Henri V?

 M. F. : Je fais partie de ceux qui pensent que par son histoire la France est protégée et que tôt ou tard elle sera de nouveau gouvernée par des rois. A partir de là tout redeviendra possible.

 V. G. : Préparez-vous un nouvel ouvrage et quel en sera le thème?

 M. F. : Non. Pour l’instant, j’attends la retraite.

Propos recueillis par Alphée Prisme

(1) La conférence de S. E. Claude Fouquet sera bientôt publiée ici.

 – Michel Ferlet : Testaments des rois français – L’art de transmettre le pouvoir (L’Harmattan, 2013).

 Tableaux, listes, généalogies et cartes enrichissent cet ouvrage.

Pour en savoir plus : Mercredis de la Légitimité

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