Ah bas le roman !, par Antoine Michel
L’idole est de taille, s’y attaquer est certainement quelque chose de dangereux : il est de bon ton dans la société cultivée française, et même chez les contre-révolutionnaires, de gloser sur des romans et autres œuvres littéraires qui seraient contre-révolutionnaires, ou du moins bien traditionnels, comme Jean de la Varende, Henry Bordeaux, pourquoi pas Dumas, Balzac et bien d’autres.
Et pourtant, et pourtant, même les « bons » romans sont en fait très mauvais.
Vous me rétorquerez : Pourquoi ? N’est-ce pas un plaisir légitime, et qui peut même apprendre de la vie ?
Je répondrais : et bien que non malheureusement. Il peut évidemment exister des romans qui sont d’un moindre mal, mais ils ne sauraient être véritablement bon pour une raison simple : la littérature est par définition la peinture des passions – il faut bien comprendre que je parle de la littérature dans ce sens strict.
Et cette peinture au mieux divertit du bien, au pire se complaît dans la vision de ces passions en créant dans l’âme des émotions, et des ressenties, ce qui joue donc sur la part animal de notre être, et nous éloigne de l’action vertueuse, c’est-à-dire raisonnable, puisque c’est un encouragement au désordre des passions. Sans compter que certaines passions, du fait du péché originel, ne doivent pas être rendues présentes à l’âme crûment, ou même indirectement : c’est déjà une tentation trop forte ! Sans parler du côté exhibitionniste-voyeur de l’auteur qui se dévoile lui-même à travers les personnages et en se cachant derrière la fiction.
Même les meilleurs romans se complaisent toujours dans la description des passions et des mouvements de l’âme, et sont en cela impudiques, en particulier pour les mouvements de l’âme concupiscente…
Prenez un « Centaure de Dieu » de Jean de La Varende : à entendre ses thuriféraires ce serait un roman très catholique et contre-révolutionnaire, alors qu’il décrit des passions amoureuses violentes et des historiettes chevaleresques qui ne donnent pas tellement envie d’apprécier la noblesse, sans parler de la complaisance coupable dans les divertissements équestres qui dévient les protagonistes de leurs devoirs. Ce n’est pas parce qu’à la fin le héros décide de devenir prêtre et renonce (ou pas) à tout cela, que cela en fait un bon roman : il meut dans l’âme pure des mouvements entravant la vertu, et l’apologie naturaliste fait oublier la pratique des vertus surnaturelles.
Sans parler de la perte de temps de lire ce genre de chose, qui n’apprenne rien sur la vertu et n’édifie pas, puisque nous sommes dans la fiction et le virtuelle, toute chose qui sont diaboliques par essence – le roman est au fond aux derniers siècles ce que la réalité virtuelle se veut être pour notre siècle !
« Vous êtes un peu sec, non ? »
Disons que le seul « roman » qui trouve grâce à mes yeux serait le genre policier, qui, au contraire de la littérature qui dépeint les passions, cherchent à entrer dans le raisonnement du policier qui enquête et a pour but cette enquête, sans forcément de peinture des passions.
Le détective et le criminel sont au fond tout à fait proches, se comprennent, et sont hautement raisonnables, qui dans la planification du crime, qui dans l’enquête : la seule différence est que l’un agit pour le mal, l’autre pour le bien. En ce sens, c’est édifiant car il est facile de comprendre que la différence entre un saint et un criminel invétéré ne tient que dans sa liberté éclairée par l’intelligence de choisir le bien ou le mal.
Mais là encore, à quoi bon ? Disons qu’un roman policier sans passion puisse exister, comme peut-être ceux de Chesterton, qui sont en fait des contes plus que des des romans – donc pour édifier, pour apprendre la vie morale et la vertu, et non pour décrire les passions, l’intrigue policière n’étant qu’un prétexte.
La distinction est là : ce qu’on appelle le roman désigne massivement le genre qui prend pour fin (et non pas un simple accident dans la description) la peinture des passions et des états d’âme, et cela n’est jamais bon (car nos passions doivent être soumises à la raison, et il faut les dresser, les user pour le bien, pas se complaire en elles, ce qui est déjà un désordre de l’âme). Nous ne parlons pas ici ni des contes, ni de la poésie, ni des récits historiques, des légendes ou des sermons, mais bien du genre particulier du « roman », dans toutes ses formes.
Le bât blesse vraiment : car en plus de jouer sur les passions même quand le roman est censé être historique (qui se complaît à entrer dans la tête des personnages, ce qui est réservé à Dieu normalement), il mêle à la réalité la fiction, au mieux, voire se complaît dans la fiction.
Ne cherchons ni l’émotion ! Ni le sentiment ! Mais la froide raison qui tient en bride, sans les tuer, nos passions, et sait les user pour mieux nous porter à notre fin !
Cessons ainsi de lire de la littérature ! Et lisons plutôt la vie des saints, les saintes écritures – ou vous avez toutes les passions humaines, mais en vrai et révélées – et l’histoire des hommes illustres : il y en a pour tous les âges, et on trouvera toujours de l’édification !
J’irais même à dire que le roman est en ce sens plus dangereux que le film – même s’il reste à 99 % du temps excessivement dangereux, et toujours dangereux à 100 % pour les âmes pures : pourquoi ? Car un film dure peu, disons, et surtout happe par l’image toute l’attention : il réduit le volontaire, et empêche l’âme de divaguer (l’âme est enkystée par l’image, et les passions de l’âme suscitée sont certainement plus vives, mais bien plus superficielles). Le roman, bien plus ouvert lui, fait entrer beaucoup plus de volonté de la part du lecteur, et peut faire bouger profondément et grandement l’âme du lecteur, qui se laisse entraîner plus ou moins volontairement dans le désordre de ses passions : toutes habitudes qui peuvent entraver dans la vie réelle le fonctionnement de la raison, qui sera plombée, ou plutôt désordonnées, par l’imagination et autres capacités animales de l’âme. Au pire, elles peuvent justifier des désordres de l’âme, et retarder leur correction, voire donner des tentations au péché.
Après, évidemment, sachons raison garder : à une certaine époque quand tout le monde encensait le roman et en lisait, on peut s’y intéresser, pour des raisons apologétiques, voire conseiller du « moindre mal » pour substituer au pire : mais il vaut mieux être clair sur le fond du problème, à savoir que la peinture des passions pour elle-même n’est jamais bonne. De plus, aujourd’hui, où plus personne ne lit véritablement, il serait urgent que les milieux contre-révolutionnaires n’encouragent pas à la lecture de la littérature, en donnant ainsi de mauvaises idées à des gens de bonne volonté.
Commençons tout de suite comme faisaient les grands chrétiens du Moyen-âge : évangiles, psautier, saintes écritures, vie des saints, histoires des personnages illustres, à commencer par nos rois de chair et d’os !
En tant que père, quand je lis ou relis certains romans (soit disant bons), je me dis que jamais je ne mettrai cela dans les mains de mes enfants !
A bon entendeur
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France
Antoine Michel
Je partage assez votre irritation sur ce genre littéraire qui détient le monopole d’une production éditoriale énorme et souvent de très médiocre qualité. Il doit y avoir de bons romanciers et donc de bons romans mais ils constituent une partie infime de la population des faiseurs de romans et bien souvent les meilleurs restent très confidentiels. En fait, c’est le réceptacle de tous ceux qui se prétendent écrivain à un moment ou un autre et pour être reconnu comme tel, il faut publier des romans. Or, l’immense majorité n’est aucunement « écrivain » mais certainement « cabotin ». Il me semble que le genre du roman est le paravent de l’incroyable pauvreté de notre Littérature actuelle. Il suffit de se référer au dernier prix Nobel pour prendre conscience du narcissisme pathologique de nos littérateurs mais aussi de nos essayistes. Ne parlons de nos « poètes » dont la plupart ne déclament plus qu’un galimatias incompréhensible. Tous ces gens ne veulent que se pavaner « en publiant un livre » comme ils disent. Il faut donc reprendre la « querelle des Anciens et des Modernes » en soutenant bien évidemment les Anciens, ceux qui ont résisté au Temps et surtout les lire ou les relire en prenant son temps…
N’a-t-on pas le droit au plaisir ?
Désolé mais je ne suis pas du tout d’accord, certes votre analyse n’est pas complètement fausse mais je ne vois pas en quoi ce serait un problème d’étudier l’être humain et de se divertir dans le cadre de la fiction qui en fin de compte ne fait que dépeindre la réalité sans la nommer.
Il n’y a pas que la vie des saints, la Bible et la grande histoire de France (même si j’en conviens c’est le plus important)
Vous nous parlez de perte de temps car ça n’edifie pas (ce n’est d’ailleurs pas toujours vrai, quand est-il d’un roman qui nous raconterait l’histoire édifiante d’un homme ou d’une femme pleine de piété comme c’est d’ailleurs le cas dans bien des romans parfois même écrit par des prêtres) il fallait être moine mon cher si vous voulez absolument fuir tout divertissement
Vive le roman et vive le roi quand même !
Je suis un peu sévère j’en conviens. Je crois tout de même que plus que le divertissement ce qui est dangereux dans le roman c’est une sorte de fascination inavouée pour les passions et nature humaine, qui a ce défaut d’être déconnecté de la réalité – car la vie des saints racontent tout cela en bien mieux, et dans la réalité, lisez les confessions de saint augustin, il y a tout.
Et je dois avouer aussi que je suis un peu fatigué par une certaine mode d’une certaine génération à justifier par la “culture” les romans, parfois les pires….
Nous sommes tous appelé à être des moines, combattants dans le monde si nous ‘entrons pas dans la religion
Vive le roi!
L’auteur
Je comprends même si je reste sur ma position