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La presse nationale peut bien disparaître

Il y a peu, au micro de RTL, comme dans certains blogs à forte audience, on s’émouvait du sort funeste qui attend les grands titres de la presse nationale. La démocratie menacée par la mévente et la possible faillite de ces canards, boiteux. Décidément, les Français sont de mauvais citoyens. Ils boudent cette presse qui selon les avis autorisés serait le reflet de ce que nous pensons. Ils tournent le dos à ces journaux qui proposeraient des articles de qualité, enfin c’est ce que disent les chroniqueurs et certains blogueurs. Les plus lyriques évoquent la déontologie du journaliste hexagonal, le dur travail qui consiste à recouper les sources avant de publier une nouvelle. Comme si la récente histoire de la presse n’était pas émaillée, plus que de raison, d’articles qui firent l’objet d’un correctif, voire d’un démenti. Certains, ne craignant pas le ridicule vont même jusqu’à vanter la neutralité des folliculaires, oubliant au passage les articles laudateurs qui encensaient la démocratie qui entrait à Phnom-Penh en même temps que les khmers rouges. Oubliés également les mensonges relayés en 1999 lorsqu’il s’agissait de convaincre le peuple français de la nécessité de bombarder les Serbes, amis de la France, nos frères dans le Christ. À l’époque, il fallait faire avaler certaines fables comme la volonté d’épuration ethnique de l’armée serbe qui se battait contre les terroristes de l’UCK. Il fallait faire pleurer Fanchon en narrant les massacres imaginaires de civils bienveillants, réveiller les vieux souvenirs en osant parler de camps de concentration où étaient parqués les albanais.

Et l’on s’étonne que le public tourne le dos à cette armée de valets, tristes sires appointés et serviles, prêts à tout pour ne pas voir les précieuses subventions qui les maintiennent à flot se tarir subitement. Il fallait les entendre les Naulleau, les Duhamel et consorts nous servir la soupe, appeler au sursaut citoyen pour sauver la presse écrite nationale, garante de la pluralité des opinions, de la démocratie. Et pourquoi pas de la république tant qu’on y est ! Ont-ils tiré quelques leçons de leurs errements passés ? Foutre non. Depuis 2011, ils ont tenté de nous faire croire que Bachar el Assad était un odieux tyran, assassin de son peuple, massacreur de braves soldats de la liberté et boudé par son peuple. Ils ont utilisé tous les moyens pour nous faire accroire qu’il était nécessaire d’intervenir militairement pour soutenir ces preux, de renouveler le paradoxe, combien de fois répété, consistant à apporter la démocratie via des tapis de bombes. Fort heureusement l’exemple de la désastreuse (pour le peuple) intervention en Libye, les mensonges précédents aidèrent l’opinion publique à se forger une intime conviction en complète opposition avec la propagande officielle. Trois ans après, alors qu’il est devenu patent pour tout le monde que l’ASL n’a jamais représenté qu’elle-même, qu’elle a été mise sur la touche par les diverses factions islamistes – ce que les blogueurs réactionnaires avaient prédit il y a belle lurette – les folliculaires commencent tout juste à amorcer une timide marche arrière.

La démocratie n’a pas besoin de menteurs ou de valets aux ordres, bien au contraire. Elle se nourrit de la confrontation des opinions. Or, à de minimes points de détail près, on peine à trouver la moindre véritable différence entre les grands titres nationaux. De gauche comme de « droite », ils nous servent la même soupe cuisinée par les États-Unis et/ou leurs satellites. Pour tenter de conjurer la fatalité qui les guette ils augmentent leurs tarifs. Ce qui risque de contribuer à accélérer la mévente, qui mécaniquement entraînera une baisse des recettes publicitaires, conduisant inexorablement ces titres vers la faillite. Bon débarras !

Pour autant, le tableau n’est pas aussi noir qu’on veut bien le dire, car il y a une presse qui se porte plutôt bien, celle dite régionale. Elle mêle habilement les nouvelles locales aux nationales et internationales, elle publie des articles de qualité où les faits sont généralement présentés honnêtement et l’analyse qui en est faite tranche souvent avec l’unanimisme de titres comme Libération, Le Monde, Le Figaro. Tiens, puisque nous parlons de ce trio d’étroits mousquetaires, penchons-nous sur leurs tirages, loin d’être glorieux. Pour l’année 2013, les chiffres de l’OJD (Office de Justification de la Diffusion), concernant le tirage et le nombre quotidien d’exemplaires vendus sont édifiants :

  • Le Figaro a tiré à 390495 exemplaires dont 318506 vendus,
  • Libération a tiré à 144095 exemplaires dont 108717 vendus,
  • Le Monde a tiré à 348765 exemplaires dont 281872 vendus.

Et encore, dans le nombre d’exemplaires vendus ne sont pas décomptés les abonnements institutionnels souscrits par les ministères, les collectivités locales et les grandes entreprises. Maintenant, regardons le tirage d’Ouest France :

  • Tirage à 830403 exemplaires dont 742645 vendus.

En clair, ce seul quotidien régional a vendu plus d’exemplaires que les trois cadors de la presse nationale qui totalisent seulement, et péniblement, 709095 exemplaires vendus. Des esprits retors pourraient y voir le succès d’un journal qui a épousé les causes du lectorat français en prenant, par exemple, parti pour la défense de la famille, en s’opposant au mariage pour tous. Mais je gage que les commentateurs qui ont accès aux micros se refuseront à partager cette analyse, comme ils s’ingénient depuis des années à considérer la réalité plutôt que l’idéologie, les vrais intérêts de la France plutôt que ceux des millionnaires qui les maintiennent artificiellement en vie. La vraie diversité se trouvant dans cette presse régionale considérée avec mépris par les soi-disant grandes plumes et autres experts autoproclamés des médias, vous savez ce qu’il vous reste à faire. 

Pascal Cambon

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