Chretienté/christianophobie

Habemus cardinalem

Le samedi 14 février fut un grand jour pour l’Eglise Catholique. Ce jour-là, lors du consistoire ordinaire public se tenant à la basilique Saint-Pierre de Rome, 20 prélats furent créés cardinaux par le pape François. Chacun reçut des mains du Souverain Pontife les trois symboles de la nouvelle mission qui lui échoyait : la barrette, signe de la dignité et de l’office de Cardinal, l’anneau cardinalice et une diaconie, c’est-à-dire une église de Rome, en signe de participation à la mission pastorale du Pape pour cette ville. Les nouveaux cardinaux sont originaires des quatre coins de la planète, en particulier de pays qui, comme l’archipel du Cap-Vert, la Birmanie ou les îles Tonga, n’avaient jamais eu un de leurs fils élevés à une telle dignité.  C’est d’ailleurs ce qui caractérise le choix du pape : beaucoup, parmi les nouveaux élus, viennent de pays du sud, parfois de pays où les catholiques sont encore très minoritaires, comme la Birmanie, la Thaïlande ou le Viêt Nam. Nombre d’entre eux viennent de l’Amérique Latine et même de l’Afrique (Mozambique, Ethiopie, Cap-Vert),  terres d’un catholicisme jeune et dynamique. Peu, parmi les nouveaux cardinaux, sont européens. Un seul membre de la Curie est devenu cardinal. C’est un Français, le seul de la liste.

J’aimerais revenir un peu sur le profil de ce nouveau cardinal français, Mgr Dominique Mamberti, né le 7 mars 1952 à Marrakech. Pour la première fois depuis 136 ans, un Corse est devenu cardinal. L’évènement, largement passé sous silence dans nos grands médias, a eu un fort retentissement en Corse. « Habemus cardinalem », titrait d’ailleurs à sa Une l’unique quotidien de l’île, Corse-Matin, dans son édition du dimanche 15 février. Une forte délégation, conduite par l’évêque d’Ajaccio pour la Corse, Mgr Olivier de Germay, avait fait le déplacement, et de nombreux drapeaux frappés de la tête de maure étaient visibles place Saint-Pierre. S’il est né au Maroc, du fait des fonctions qu’y occupait son père, les racines du nouveau cardinal sont à Vico, une grosse bourgade située dans un diocèse depuis longtemps disparu[1], celui de Sagone, dont il est l’archevêque in partibus

Mgr Mamberti est un diplomate de carrière. Ordonné prêtre pour le diocèse de Corse le 20 septembre 1981, il fit son entrée au service diplomatique du Saint-Siège en 1986. Il représenta le Vatican en Algérie, au Chili, au Liban et aux Nations unies. Le 3 juillet 2002, il fut consacré évêque en la basilique Saint-Pierre de Rome par le cardinal Angelo Sodano, alors secrétaire d’État. Puis, il fut envoyé occuper  la délicate fonction de nonce apostolique au Soudan, en Erythrée et en Somalie, en résidence à Khartoum, de 2002 à 2006. Le 15 septembre 2006, Benoît XVI le nomma secrétaire pour les relations avec les États de la Secrétairerie d’État, l’équivalent de ministre des affaires étrangères du Vatican, succédant ainsi à Mgr Giovanni Lajolo. En 2013, il fut confirmé dans ses fonctions par le pape François.

En juillet 2014, alors que nos chers « grands médias » se concentraient sur la situation à Gaza, Mgr Mamberti envoya une note officielle à tous les ambassadeurs accrédités auprès du Saint-Siège pour attirer leur attention sur les appels du pape François en faveur des chrétiens d’Irak et du Moyen-Orient dans son ensemble. Dans cette note, il expliquait que le Saint-Siège était « profondément préoccupé » par la souffrance des chrétiens dans la région, précisant que « les communautés chrétiennes souffrent injustement, elles ont peur, et de nombreux chrétiens ont été forcés d’émigrer ».

Dominique Mamberti demeura à la tête de la diplomatie vaticane jusqu’au 8 novembre 2014, date à laquelle le pape François le nomma préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique, en remplacement du cardinal Raymond Burke. En devenant cardinal le 14 février, il reçut la diaconie de Santo Spirito in Sassia. Figurant en première position sur la liste des vingt nouveaux élus, c’est à lui que revint l’honneur de s’exprimer au nom des autres, lors du consistoire ordinaire public. Le cardinal Mamberti s’est ainsi adressé au pape, en italien : « Très Saint-Père, je vous exprime un salut fraternel au nom de mes frères cardinaux. Nous sommes honorés de participer au gouvernement de l’Eglise. Vous nous avez choisis pour nous mettre au service de l’Eglise. »  Il devait ensuite ajouter : « Vous nous avez demandé de faire preuve d’humilité. Nous avons tous conscience que c’est un honneur que d’être sollicité pour parler au nom de Jésus Christ. Vous pouvez compter sur notre collaboration sincère. Nous irons comme vous l’avez dit jusqu’au sacrifice. Nous prierons pour vous et nous aurons besoin de l’intercession de tous. Nous serons les témoins du Seigneur jusqu’au bout du monde. » Dans son homélie, le pape devait déclarer que « comme le dit le mot « cardinal » qui évoque la « charnière », la dignité de cardinalat n’est pas quelque chose d’accessoire qui fait penser à une décoration, mais un point d’appui essentiel à la vie de la communauté. Vous êtes des « pivots ». Plus nous sommes incardinés dans  l’Eglise qui est à Rome, plus nous devons devenir dociles à l’Esprit afin que la charité donne forme et sens à ce que nous sommes et que nous faisons. Incardinés dans l’Eglise qui préside dans la charité, dociles à l’Esprit Saint qui répand dans nos cœurs l’amour de Dieu. »

N’ayant pas encore 62 ans, Mgr Mamberti compte désormais parmi les 125 cardinaux électeurs.

Dans l’après-midi qui suivit le consistoire ordinaire public, le nouveau cardinal a reçu la délégation venue de Corse dans la Sala Regina. L’évêque d’Ajaccio pour la Corse lui a remis une icône représentant Sainte Julie de Nonza, patronne de la Corse. S’adressant aux pèlerins venus de son île, Mgr Mamberti a déclaré : « Je suis touché de voir autant de Corses à Rome. Mes liens sont toujours très forts avec la Corse. Lorsque j’étais encore diplomate, j’ai parcouru le monde. Mais mes racines ont toujours été dans ma région. Plus on est éloigné de sa terre, plus on y est attaché. »

Grande fut donc la joie des Corses de voir l’un des leurs devenir cardinal. Un tel évènement ne s’était pas produit depuis 1879, lorsque le pape Léon XIII avait nommé le dominicain Tommaso Maria Zigliara[2] à la dignité cardinalice. Cette joie devrait atteindre son paroxysme le 19 mars, puisqu’il a été annoncé que Mgr Mamberti serait ce jour-là à Bastia pour la fête de Saint Joseph, qui est l’un des saints patrons de cette ville.

Hervé Cheuzeville

Sources : Radio Vatican et Corse-Matin

 

[1] La Corse a compté jusqu’à cinq diocèses. C’est Bonaparte qui les fusionna en un unique diocèse avec pour siège épiscopal sa ville natale, Ajaccio.

[2] Né en 1833 à Bonifacio, et mort en 1893 à Rome. Membre de la Curie, ce cardinal contribua aux encycliques Æterni Patris (1879) et Rerum novarum (1890).

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