Chretienté/christianophobie

« Dimanche de Gaudete” avec Saint Jean de la Croix

Nous allumons ce dimanche 14 décembre notre troisième bougie. Dans la liturgie de l’Avent, les ornements (chasuble, étole, voile du calice, pendentif du pupitre de la parole) étaient de couleur violette, comme pour le carême. Le violet est symbole de conversion et de préparation à la rencontre du Christ. Mais pour le troisième dimanche de l’Avent, dit “dimanche de gaudete” (réjouis-toi), la couleur est le rose afin de signifier l’attente joyeuse du chrétien. C’est analogue au quatrième dimanche de carême “dimanche de laetare”. Toute décoration florale pendant l’Avent est interdite comme en Carême (sauf les dimanches Gaudete et Lætare et la vigile de Noël).

On utilise la symbolique des bougies au long des quatre dimanches du temps qui prépare Noël et on lit les lectures de l’Ancien Testament, des prophéties relatives au Messie et aux temps messianiques, la plupart tirée du livre d’Isaïe. Dans la liturgie de l’Avent, de grands personnages tiennent une place de premier rang et inspirent notre prière : les deux Isaïe, Jean-Baptiste et la Vierge Marie.

A l’origine, l’Avent, c’est un terme grec “parousia” employé dans l’Église des premiers siècles, traduit en latin par “adventus”. On emploie ce mot en grec et en latin pour designer la venue du Christ parmi des hommes à la fois pour l’avènement de sa naissance et son avènement glorieux à la fin des temps.

Nous sommes invités à travers les lectures de ce 3ème dimanche de l’Avent à participer à la joie de Marie, qui est aussi la joie de l’Eglise. L’alliance, que Dieu veut nouer par Jésus entre Lui et toute l’humanité, l’est au bénéfice de tous les peuples de toute la terre et pas seulement réservée au seul peuple d’Israël. Selon la tradition chrétienne ce qui est dit de Marie ou par Marie, l’Église le reprend à son compte. Marie est la figure de l’Église.

Parlons un peu des grands témoins de l’attente de la venue du Christ : le prophète Isaïe, Jean-Baptiste et Marie. Le prophète Isaïe exprime l’espérance messianique, il annonce la naissance de l’Emmanuel. Il incarne à la fois la préparation de Dieu et les désirs de l’humanité. Jean-Baptiste annonce la venue proche du messie (n’oublions pas comment il a terminé sa vie, sa tête sur un plateau d’argent pour la belle Salomé) et il invite à un baptême de conversion pour s’y préparer. Il est le précurseur, qui dès son enfance, désigne Jésus. Les plus grands peintres se sont intéressés à lui, notamment Léonard de Vinci, Beccafumi et Grünewald sur le retable d’Issenheim, le Greco, Philippe de Champaigne.

La préparation de Noël ne se fait pas de la même manière que celle du mystère pascal par le Carême. L’Avent est un temps d’espérance et une invitation à être vigilent. Il ne comporte pas de jeûne en occident, mais les religieux et les très fervents catholiques s’astreignent à quelques réserves.

Un peu d’histoire à propos de l’Avent, qui  commence dès la fin du IV° siècle. Il existe à Ravenne, ville byzantine en Italie, en Gaule et en Espagne une préparation ascétique aux fêtes de Noël. Il y a en Gaule un jeûne de trois jours par semaine. Cet aspect ascétique est sans doute lié à la préparation du baptême administré à cette époque à l’Épiphanie. Mais au XIII° siècle, en France, ce n’était plus appliqué communément. À Rome, l’Avent apparaît, plus tard, dans la seconde moitié du VI° siècle. C’est un temps de préparation sans considérations ascétiques. Il fut réduit à quatre semaines et devient l’attente joyeuse de l’avènement du Seigneur, sans l’observance d’un jeûne. La pratique romaine s’impose en France au VIII° siècle. Dans l’histoire de l’Avent, deux traditions : la tradition byzantine et orthodoxe et la tradition romaine et occidentale.

Le Christ est celui que tous les prophètes avaient chanté, celui que la Vierge attendait avec amour, celui dont Jean-Baptiste a proclamé la venue et révélé la présence au milieu des hommes. Il  nous donne la joie d’entrer déjà dans le mystère pour qu’il nous trouve, quand il viendra, vigilants dans la prière et remplis d’allégresse.

À l’heure où nous tentons de mettre notre cœur dans la  foi et l’espérance, rappelons à nos voisins, nos proches, que toutes ces guirlandes, ces sapins de Noel, ces lumières, n’existent que pour réveiller notre amour du Christ. Notre foi atteint une plénitude quand elle est associée à une espérance qui la rend vivante, vibrante, stabilisante. Nous sommes avec Marie, dans cette attente du Messie, dans ce désir de notre cœur de le voir. Le temps de l’Avent est aussi ce temps qui doit nous permettre de remettre les pendules à l’heure, sans exagération, d’un côté ou de l’autre.  Profitons de ce temps de l’Avent, pour “Cheminer avec le Christ, ce qui n’est pas un poids supplémentaire à celui déjà pesant de notre vie… Demandons à Dieu de nous aider à être saints, à nous laisser aimer, car c’est la vocation même de chacun de nous”.

Dimanche de la joie « Seigneur, nous t’attendons, nous te désirons ». La foi nous oblige à être simultanément dans une certitude. Nous ne sommes pas encore dans la vision de Dieu, nous sommes dans cette attente de le voir tel qu’il est. Lorsque Jean-Baptiste envoie ses disciples interroger Jésus pour demander qui est-il ? Jésus ne répond pas mais donne des signes : « les boiteux marchent, les aveugles voient, les malades sont guéris ». Nous attendons son retour, c’est bien une même prière qui jaillit des églises, des temples et des synagogues. 

Nous avons choisi dans la deuxième partie de cette chronique de vous parler de saint Jean de la Croix, que nous fêtons ce 3ème dimanche de l’Avent. Octroyons-nous le plaisir de relire l’une de ses œuvres poétiques*, si ce n’est le découvrir. Jean de Yepes est né en 1542 à Fontiveros, bourg du plateau de Haute Castille. Il n’a que deux ans lorsque son père meurt. Il est remarqué pour sa piété, sa générosité et son intelligence, ce qui lui permet d’acquérir une culture humaniste. Jean entre à 21 ans au noviciat des Carmes et fait ses études scolastiques à l’Université de Salamanque. Au moment de son ordination sacerdotale, il rencontre Thérèse de Jésus. On lui doit – avec Thérèse d’Avila – la réforme de l’Ordre du Carmel.

Jean de la Croix suscite une nouvelle forme de vie religieuse : les Carmes “déchaussés”, expression désignant le retour à la simplicité et à la pauvreté originelle. L’Ordre “officiel” des Carmes entreprend contre le réformateur une lutte sans merci. Emprisonné et séquestré par ses propres frères, c’est dans un cachot obscur qu’il compose son Hymne à la joie : “le Cantique spirituel”. Mais tout ce qu’il vit est au service de « l’union de l’âme avec Dieu par amour ». Lorsqu’il réussit à s’échapper de son cachot, pour être recueilli par des carmélites déchaussées, Jean de la Croix connaîtra une période d’activité rayonnante, ouvrant à tous, carmes et carmélites, gens du peuple et universitaires, l’étroit sentier de la parfaite docilité à l’Esprit-Saint. De retour en Castille, il exerce de lourdes responsabilité, tout en désirant la parfaite ressemblance d’amour avec son Seigneur crucifié. Démis de toute charge, malade, calomnié, enfin se déchire la “toile de cette vie”, il entre dans la vision de Dieu et va chanter son Cantique spirituel. “A la fin du jour, c’est sur l’amour qu’on vous examinera.” (St Jean de la Croix – Maxime 80). Il fait partie des saints patrons des JMJ de Madrid.  Alors qu’il se préparait à gagner le Mexique, il tomba malade et mourut le 14 décembre 1591.

Le Docteur mystique apparaît aujourd’hui plus que jamais comme l’un des plus grands maîtres de la vie spirituelle d’Occident. Les Écrits de Jean de la Croix peuvent être classés selon quatre genres : les Poèmes (chants, poésies, romances) d’un lyrisme classique et pur, délivrant son expérience mystique dans toute sa spontanéité ; les Écrits spirituels (brefs et grands traités) ; les Lettres, une grande partie de celles-ci fut détruite, quelque soixante-dix lettres, seulement, fragments et notices ont été retrouvés ; les Textes officiels (différents actes afférents à ses responsabilités de supérieur religieux, d’intérêt historique).

Clément X le béatifia en 1675, Benoît XIII le canonisa en 1726 et il fut proclamé Docteur de l’Église par Pie XI en 1926. Quand Benoît XVI en parlait, il considérait que celui-ci est ” l’un des poètes lyriques majeurs de la littérature espagnole ». Ses œuvres principales : Montée au Mont Carmel, Nuit obscure, Le cantique spirituel, La vive flamme de l’amour, révèlent la pureté et la puissance de son amour du Christ crucifié. “Là où il n’y a pas d’amour, mettez de l’amour et vous récolterez de l’amour… Au soir de la vie, nous serons jugés sur l’amour”. Les œuvres complètes de saint Jean de la Croix (sept volumes) ont été réunies en un seul ouvrage par les Éditions du Cerf, avec une nouvelle traduction faite par une Carmélite. Jean de la Croix entre dans la Gloire de son Seigneur le 14 décembre 1591.

C’est sur cette notion d’amour et de beauté que nous vous invitons à entrer dans ce troisième dimanche de l’Avent, soutenus par la prière et les chants de l’Avent. Préparons-nous dans la joie. Que cette semaine vous soit douce et généreuse, pour vos familles et vos amis…

Solange Strimon

*Nuit Obscure (Candiones del Alma) de saint Jean de la Croix

Version française par Gilles de Seze

Dans une nuit obscure
par un désir d’amour tout embrasée
ô joyeuse aventure
sortis sans me montrer
quand ma maison fut enfin apaisée

Dans l’obscur et très sûre
par la secrète échelle, déguisée
ô joyeuse aventure,
dans l’obscur, et cachée
quand ma maison fut enfin apaisée

Dans cette nuit de joie
secrètement, nul ne me voyait
mes yeux ne voyaient rien qui soit
j’allais sans autre lumière
Que celle en mon cœur qui brûlait

Et elle me guidait
plus sûre que la lumière de midi
au lieu où m’attendait…
moi, je savais bien qui,
en un endroit retiré

Ô nuit qui nous a conduit
nuit plus aimable que le lever de l’aube,
ô nuit qui a uni
l’ami avec l’aimée
l’aimée en l’ami transformée

Contre mon sein fleuri
qui tout entier pour lui seul se gardait,
il resta endormi
moi je le caressais
de l’éventail des cèdres l’air venait

Du haut du créneau 
quand sous mes doigts ses cheveux s’écartaient
avec sa main légère
mon cou me pinçait
et chacun de mes sens me ravivait

En paix je m’oubliai
j’inclinai le visage sur l’ami
tout cessa je cédai
délaissant mon souci
parmi l’oubli des fleurs des lys. 

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